07 / 1996
Le projet AVAL (1)a initié en 1994 des opérations de transfert de savoir-faire culinaire entre le Bénin, le Sénégal et le Burkina-Faso, pour des produits à base de maïs, de manioc et de fruits. Une étape-clé du transfert est la formation, par des transformatrices qualifiées du pays détenteur du savoir faire, de consoeurs du pays d’accueil. Eulalie AHOUASSOU, propriétaire-gérante de "Fraternité-Cuisine" (2), a été formatrice au sein du projet, dans le cadre de l’"opération maïs". Elle nous fait part de son expérience :
"C’est à l’occasion d’un séminaire sur le Maïs Prosper, organisé par la Faculté des Sciences Agronomiques de l’Université Nationale du Bénin, que mon équipe de "Fraternité-Cuisine" a été sollicitée pour la première fois. Il nous a été demandé d’assurer le service de restauration en proposant des mets béninois essentiellement à base de maïs. Unanimement, tous les mets présentés ont été appréciés par les séminaristes. Une telle réussite a incité les responsables de la Faculté à m’intégrer à l’équipe de formation du projet AVAL. Confiante dans mon expérience d’enseignante ménagère, j’ai accepté l’offre, ce qui m’a conduit respectivement au Burkina-Faso et au Sénégal, en tant que formatrice lors des stages."
Eulalie a ainsi accueilli Mme Fatou NACRO, du ministère de l’Action sociale, et Mme Fanta OUATTARA, restauratrice, originaires du Burkina, pour leur enseigner l’élaboration de plats à base de maïs. Ces deux dernières ont ensuite formé 25 restauratrices burkinabé au cours d’un stage collectif dont la supervision et le suivi technique étaient assurés par Eulalie :"L’ouverture officielle du stage a été faite le 13 octobre 1994, par Mr OUEDRAOGO du projet PROCELOS (3)et Madame SAWADOGO du Bureau des Artisans (4). Pendant douze jours, les restauratrices ont appris à préparer des mets béninois : le mawé (pâte fermentée à base de maïs), l’ablo (pâte légèrement salée et sucrée préparée à partir du mawé), l’akpan (sorte de boisson proche du yaourt), le talé-talé (beignet frit obtenu après malaxage du mawé et de bananes mûres), l’amiwo (pâte préparée à base de farine de maïs), le klé-klé (beignet épicé à base de maïs). L’apprentissage de chaque met s’est déroulé en trois phases. La première a consisté à expliquer en français et en moré le processus de préparation du met. Vient ensuite la phase de préparation proprement dite. Enfin, les supports pédagogiques sont distribués aux stagiaires. Ce sont des fiches illustrées, conçues par la Faculté des Sciences Agronomiques, et qui décrivent le processus de préparation de chaque plat.
Quelques difficultés techniques ont été relevées au cours de la formation. La plus importante est celle relative à la qualité du maïs, qui est plus sec et plus dur au Burkina. L’équipe y a remédié en changeant légèrement la procédure de mouture du maïs. Nous avons eu les mêmes difficultés de mouture au Sénégal. Egalement nous avons dû apporter des modifications aux recettes pour les adapter aux habitudes alimentaires et aux ingrédients disponibles. Les Sénégalais, par exemple, consomment peu les pâtes, donc il est probable que l’amiwo connaisse peu de succès en définitive. Certains mets ont un coût de revient plus élevé qu’au Bénin, notamment le talé-talé car il contient de la banane, [ou les plats à base de produits de la mer].
Le stage est clôturé par un week-end gastronomique. C’est l’occasion pour les "apprenties" de tester leurs nouvelles compétences, puisqu’elles ont la charge de réaliser, sans leurs formatrices, des plats qu’elles proposent lors d’une grande dégustation-vente ouverte au public. Il leur permet également d’apprécier les réactions des consommateurs, et d’adapter leurs recettes en conséquence.
C’était la première fois que mon savoir-faire quittait le cadre national. Sur le plan éducatif, c’est un véritable échange d’expériences. A Dakar, par exemple, les femmes nous ont montré comment transformer les fruits en jus. Elles ont également proposé un mets à base de blé, appelé pasquette, et que nous avons reproduit avec succès en utilisant du maïs. Après la cuisson, chaque met était présenté par des chants et des danses traditionnelles. Je souhaite que ces échanges se poursuivent, et surtout pour des produits de base de notre alimentation. Et également que la formation soit plus approfondie, sur un mois environ. Toutes ces expériences acquises constituent pour moi desinnovations, que je peux utiliser au sein de "Fraternité-cuisine".
maïs, alimentation, valorisation du savoir faire, transfert de connaissances, diffusion de l’innovation, recherche action, coopération scientifique, recherche et formation, savoir traditionnel, légitimation du savoir, consommation, coutume alimentaire
, Bénin, Burkina Faso, Sénégal
Les formations du projet AVAL sont donc organisées comme des relais. Au Sénégal, les 20 premières stagiaires, membres de la Caisse d’Epargne et de Crédit de Grand Yoff,ont enseigné leurs nouveaux acquis à 160 autres femmes, avec l’appui de l’Enda-graf (5). Au Burkina, les stagiaires se sont constituées en groupement autour de leurs nouvelles compétences. Ces relais permettent une diffusion large des recettes et leur réappropriation collective : les procédés sont modifiés, les noms adaptés à la prononciation locale et choisis de manière à rappeler des plats similaires connus dans le pays. A terme, cela permettra-t-il à ces nouveaux savoir-faire d’intégrer le patrimoine culinaire du pays d’accueil ?
(1)AVAL=Action de VALorisation de savoir-faire locaux et promotion des activités économiques. Projet coordonné par le CERNA-UNB et le CIRAD-SAR.
Contacts :
1.NAGO, Mathurin,HOUNHOUIGAN, Joseph, FSA-UNB/UNB=Université Nationale du Bénin
FSA= Faculté des Sciences Agronomiques
BP 526, Cotonou, BENIN. Fax (229)30 02 32
2. MUCHNIK, José,CIRAD-SAR= Centre de Coopération Internationale enRecherche Agronomique pour le Développement-département Systèmes Agroalimentaires et Ruraux). Adresse : cf.ALTERSYAL
(2)Fraternité-CuisineRestauration-traiteur. BP 57, Avakpa Porto Novo. BENIN. Tel (229)32 3047
(3)PROCELOS= PROmotion des CEréales LOcales au Sahel/01 BP 1625 Ouagadougou 01. BURKINA-FASO. Telfax (226)33 31 73
Contact : ILBOUDO, Stanislas
(4)SAWADOGO, Mariam/GTZ01 BP 1910Ouagadougou. BURKINA-FASO. Tel (226)34 04 22/(5)SOKONA, Khanata
BROUTIN, Cécile
ENDA-GrafBP 13069, Dakar Grand Yoff, SENEGAL/Tel (221)24 20 45 Fax (221)25 32 15
Texte original ; Rapport
ALTERSYAL (Alternatives Technologiques et Recherche en Systèmes Alimentaires) - Coronado, San José, COSTA RICA c/o CIRAD-SAR, 73 rue J.F.Breton - BP 5035- 34032 Montpellier cedex 1. FRANCE - Tél. 04 67 61 57 01 - Fax 04 67 61 12 23