04 / 1996
Le conflit fait partie de la vie. Il est même facteur de développement et d’évolution. Mieux vaut donc en maîtriser les mécanismes pour y apporter les meilleures solutions possibles. Car pour vivre avec son voisin, régler le différend que l’on peut avoir avec lui, il va falloir lui parler, s’expliquer, proposer des solutions et arriver à un compromis.
Bon ou mauvais, le conflit ? Seule la solution est bonne ou mauvaise. Les caractères qui composent le mot "conflit" en chinois signifient "danger" et "opportunité". Le conflit, en effet, peut être destructeur ou constructeur, en fonction de la solution apportée. S’il dérape vers la dégradation des relations ou la violence, il sera effectivement vécu douloureusement et négativement. Si, au contraire, il est assumé et géré conjointement par les parties concernées, il devient facteur de croissance et moteur de changement.
Rechercher une solution positive et non-violente au conflit c’est trouver le juste équilibre entre l’affirmation de soi - avec mes droits et de mes besoins - d’une part, et le respect de l’autre - avec ses droits et ses besoins - d’autre part. Cela suppose de maîtriser les mécanismes du conflit pour mettre hors-jeu la violence potentielle. Cela suppose également de développer certaines aptitudes au dialogue et à la négociation, et de s’entraîner à découvrir les meilleures voies possibles.
Outre la satisfaction directe apportée par une gestion positive des conflits rencontrés, cette attitude est cohérente avec la recherche d’une société basée sur la non-violence. Cette recherche se fonde sur le respect de l’individu et la conscience de la valeur de toute vie humaine. Respect de soi et respect des autres, chacun veut être écouté et considéré en tant que tel. La tolérance et le dialogue seront facteurs de croissance, contrairement à la menace et à la peur.
La violence première est celle qui résulte de l’injustice, du mépris, de la misère. Cette violence-mère provoque l’escalade de la violence par la rébellion et, à nouveau, la répression. La violence n’étant que l’instrument de la domination, l’enjeu de la résolution du conflit est de trouver une solution juste dans dominant ni dominé, sans gagnant ni perdant.
Face à l’oppression, la tyrannie ou le totalitarisme, on a du mal à imaginer d’autre réponse que celle de la violence. Or l’expérience et l’Histoire montrent que la violence engendre la haine, le désir de vengeance et la destruction, et laisse des cicatrices à jamais. La violence abaisse l’auteur de l’acte, en même temps qu’elle avilit la victime ; c’est en ce sens que l’on peut dire qu’elle est destructrice de toute humanité.
Avoir un comportement "non-violent" c’est prendre les moyens d’éliminer les réactions violentes et agressives sans sacrifier pour cela l’efficacité de la réponse. Et une telle attitude renforce la démocratie. En effet, le respect mutuel, la communication et la coopération, qui sont à la base de la résolution des conflits, constituent l’essence même des processus démocratiques. La participation démocratique est pour le citoyen à la fois le but à atteindre et le moyen de construire la démocratie. Face au mythe de la violence, la résolution du conflit est un défi passionnant qui demande engagement et courage. Il peut sembler fade d’être médiateur dans une situation de guerre, que ce soit dans un jeu de stratégie en famille ou dans un conflit ouvert entre nations. On ne voit pas toujours de résultat immédiat et à la mesure de l’énergie dépensée. L’image du combattant, fort, viril, surarmé, peut être à priori plus séduisante que celle du médiateur, obscur et apparemment désarmé. Mais, comme le feu, le conflit dégage de l’énergie qui peut être la meilleure ou la pire des choses : confort ou désolation. Il faudra donc l’aborder avec expérience et habileté, condition indispensable pour en faire un moteur de changement social et personnel qui renforce le processus démocratique et accroisse l’autonomie et la responsabilité du citoyen.
Il n’est cependant pas facile d’acquérir d’emblée les compétences nécessaires à une bonne "gestion" des relations humaines. Il y a affrontement d’intérêts, de désirs, de valeurs... Comment faire face à toutes ces situations ? Négocier, concilier, défendre, plaider, juger, etc., sont autant de domaines qui nécessitent des formations spécialisées et qui constituent des professions utiles au fonctionnement social. Depuis quelques années, la médiation est venue compléter la panoplie des outils de la relation. Mais ce n’est qu’une redécouverte car toutes les sociétés et cultures connaissent des fonctions et des structures de médiation.
Dans de nombreux domaines de la vie sociale, de la famille au quartier en passant par l’entreprise, l’intervention d’un médiateur marque la volonté des parties en litige d’éviter "l’arme lourde" que représente le tribunal pour rechercher un règlement humain et acceptable par tous. Dans l’opinion, le médiateur représente volontiers la voix du bon sens, du désintéressement, de l’équité. Par son acharnement à faire communiquer, le médiateur est celui qui peut dénouer les fils emmêlés, relancer un processus de négociation bloqué. Ce n’est ni un juge qui sanctionne, ni un arbitre qui tranche, ni un conseiller qui dispense ses solutions, ni un avocat qui prend parti... c’est une personne qui intervient au coeur de la relation, devenant passerelle entre les parties en conflit.
Agissant comme un catalyseur, le médiateur va transformer la relation entre les antagonistes, en la faisant passer d’un état de tension "binaire" où règnent la symétrie, l’exclusion, la compétition et la violence, vers un processus à trois pôles, état "ternaire", où le doute, l’interrogation et la différence vont à nouveau pouvoir exister et la responsabilité être partagée. Ce nouvel espace sera celui du compromis, de la solution amiable et de la coopération. Le résultat du processus de médiation n’est pas de définir un gagnant et un perdant comme peut le faire un tribunal ou une instance d’arbitrage, mais de rétablir la relation pour que les parties en conflit retrouvent la maîtrise de "leur" conflit et parviennent elles-mêmes à le résoudre. Le médiateur est là pour faciliter le passage d’un processus de type "compétitif" vers un processus de type "coopératif". Il y a une grande similitude entre le mécanisme de la médiation et celui de l’action non-violente. Pour éviter que les adversaires ne s’enferment dans une lutte sans merci, l’action non-violente prend soin d’établir une relation à trois en faisant intervenir l’opinion publique. L’acteur non-violent doit être également médiateur s’il veut faire comprendre l’injustice et inciter à la non-coopération. Comme la médiation, l’action non-violente ne vise pas à l’emporter sur l’adversaire mais à établir une relation plus juste que celle qui existait précédemment.
médiation, non violence, éducation à la non violence, conflit, éducation à la citoyenneté
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Livre
La médiation, Non violence actualité, 1993 (France)
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