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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Qu’est-ce qui met en route la réflexion au sein des villages ?

Mamadou CISSOKHO, Pape Maïssa FALL, Bernard LECOMTE

03 / 1996

1. Pour Mamadou CISSOKHO (qui a fondé l’Entente du sous-comité de Bamba Thialène en 1978)et a vu naître depuis lors une soixante d’Ententes diverses dans plusieurs régions du pays : "Certaines situations sont favorables pour réfléchir et se décider à changer. Par exemple être en début de campagne d’hivernage, sans un franc, voilà la plus grande honte : sans semences, sans engrais, et qu’on soit dans l’obligation de vendre les bijoux de sa femme ou bien d’aller s’agenouiller, c’est la honte. Il y a deux hontes : quand tu n’as plus à manger et que tu vas le dire à d’autres et quand tu n’as pas les produits (semences, engrais)pour cultiver.

Un autre élément (pour moi le plus important)est la capacité et l’attitude du ou des leaders. On arrive à faire que les gens mobilisent de l’argent, même dans des situations très difficiles, simplement par la manière de présenter les choses. Nous avons, par exemple, fait des séminaires sur l’économie, totalement avec des proverbes. Dans notre tradition, il y a tout, il faut simplement "en faire un problème" et profiter de moments précis. Par exemple, quand tu n’as plus de semences, quand tu as été voir une fois un banquier et qu’il te refuse, quand u as été voir un usurier et qu’il t’a renvoyé les mains vides. On a toujours des opportunités pour faire discuter de choses importantes juste à ces moments-là. Et quand nous avons fait le comité de Bamba Thialène, plusieurs villages qui sont autour de nous l’ont appris et sont venus en disant : "On veut rentrer dedans". On a dit : "Non, on vous explique ce que nous sommes en train de faire et si cela vous convient, vous allez faire la même chose". Et aujourd’hui, il y a 60 comités au Sénégal qui sont partis de la même expérience que nous".

2. Pour Pape Maïssa FALL (animateur de plusieurs associations nouvelles, depuis 1985): "L’échec des projets extérieurs fait que, soudain, des gens qui ne sont pas habitués à exprimer leurs problèmes arrivent à mettre en commun, à chercher. Ils savent tout à coup, face à l’échec, qu’eux-mêmes peuvent et doivent essayer quelque chose d’autre. Les gens sont dans une sorte de situation d’incapacité individuelle face aux problèmes, ils n’ont pas d’autre issue que celle de se parler pour les résoudre. Par exemple, avec la dévaluation de janvier 1994, au Sénégal, ils se sont dit qu’il fallait qu’ils regroupent leurs forces parce que, sinon, ils étaient fichus; ils ont monté une centrale d’achat pour acheter ensemble. Le fait aussi d’avoir une longue expérience des projets extérieurs les poussent maintenant à critiquer; ils veulent savoir précisément ce qu’ils peuvent faire".

Mots-clés

agriculture paysanne, organisation paysanne, réflexion collective, coopération


, Sénégal, Bamba Thialene

Commentaire

La honte est un facteur de changement si elle est l’occasion d’une réflexion avec celui qui en souffre. Et puis l’échec des projets venus de l’extérieur se combine avec l’impuissance individuelle pour faire naître la réflexion en groupe.

Notes

Interview de Mamadou Cissokho et Pape Maïssa Fall en octobre 1994 par Bernard Lecomte.

Entretien avec CISSOKHO, Mamadou; FALL, Pape Maïssa

Source

Entretien ; Récit d’expérience

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