03 / 1995
"Quand une association paysanne présente un programme à un partenaire, la première réaction de ce dernier est de dire : "Ce point-là ne m’intéresse pas, celui-là, ce n’est pas mon domaine, celui-ci m’intéresse". Il détruit d’abord le programme puis on négocie autour des seuls points qui l’intéresse. Le langage des ONG est "avancé", mais dans les faits, c’est autre chose que l’on voit. Et lorsqu’ils sont en face d’une organisation assez solide, cela les déroute très souvent car ils se heurtent à un mur. Par exemple, la FONGS (Fédération des ONG Sénégalaises)essaie de respecter un certain nombre de principes et ses conduites sont déjà arrêtées. Alors ces donateurs-là ont tendance à se détourner de nous et à dire : "La FONGS ceci, la FONGS cela". Mais ce qui est extraordinaire est que nous avons beaucoup de chances de les retrouver plus tard appuyant des organisations de base encore peu expérimentées et membres d’une association qui fait partie de la FONGS. Ces organisations-là ont tendance à accepter leurs conditions; mais deux ans après la "négociation" c’est la catastrophe, tout simplement parce qu’après avoir reçu l’aide, elles ne sont plus disposées à respecter les conditions qui ont été arrêtées au début sous la pression. Alors, les mêmes donateurs commencent à revenir du côté de la FONGS pour dire : "Nous avons collaboré avec telle organisation de base; elle n’est pas sérieuse, pas ceci, pas cela, etc." Tout cela, ce sont des résultats négatifs liés à la façon même d’apporter l’appui.
Ceux qui appuient dans le domaine du renforcement institutionnel ont leur propre vision de ce que doit être une organisation. Tout ce qui est différent de leur modèle n’est pas reconnu comme organisé et valable. Or, il y a beaucoup de différences entre les manières de s’organiser au Nord et les manières de s’organiser au Sud. Il y a quatre ans, un grand projet arrive pour dire : "Moi, j’aide les associations à se structurer, à s’organiser, etc." Toutes les organisations ont dit : "Voilà un volet qui va nous permettre de combler un trou". Mais une fois entrées dedans, elles se sont rendues compte que c’était vraiment extraordinaire ce qui se passait à l’intérieur : on détruisait plus qu’on ne construisait ! Le projet commençait par critiquer tout ce qui a été réalisé. "Ce que vous avez fait depuis deux ans, cela ne vaut rien !" Et puis ses agents disaient : "Vous devez mettre quelqu’un ici, vous devez mettre quelqu’un là, celui-là, etc." Vraiment l’ingérence. Et aujourd’hui, beaucoup d’associations disent : "Ah, ces parents-là; il faut s’écarter d’eux !"
"Ceux qui appuient de la manière la plus efficace, ce sont les donateurs qui, d’abord, acceptent de rester longtemps et qui commencent avec nous dès le début. Ceux qui admettent qu’une association n’est pas parfaite en deux ou trois ans; qui sont conscients que ce que l’on commence peut être difficile et qu’avec le temps, on va acquérir beaucoup plus de compréhension. Une autre caractéristique est qu’ils acceptent de faire des efforts pour, eux-mêmes, s’adapter aux préoccupations de l’association qu’ils appuient. Ne s’adapte que les donateurs où, effectivement, cette manière de voir existe et qui s’accommodent des préoccupations des organisations de base. Ce n’est pas lié à la proximité : certaines ont des représentants au niveau du Sénégal et sont pires que les organisations qui n’ont pas de représentation et décident depuis le Nord.
Nous admettons que l’effort est grand pour une organisation du Nord car elle doit essayer de modifier son système et son attitude vis-à-vis de chacune des associations qu’elle appuie. L’effort doit être fait vers une adaptation multiple : "Cette association-là est dans cette situation-là, l’ONG doit se comporter de cette manière-là pour elle. Telle autre association est à tel niveau, l’ONG doit se comporter d’une autre manière. C’est une difficulté".
agriculture paysanne, organisation paysanne, bailleur de fonds, renforcement des institutions, financement, ONG, coopération
, Sénégal
L’interview de Monsieur Ndiogou FALL montre que même des agences d’aide qui optent pour le renforcement des associations paysannes viennent avec des idées préconçues et des menus tout-préparés.
Interview de Ndiogou Fall par Bernard Lecomte, le 2 octobre 1995
Entretien avec FALL, Ndiogou
Entretien ; Récit d’expérience
GRAD (Groupe de Réalisations et d’Animations pour le Développement) - 228 rue du Manet, 74130 Bonneville, FRANCE - Tel 33(0)4 50 97 08 85 - Fax 33(0) 450 25 69 81 - France - www.grad-france.org - grad.fr (@) grad-france.org