10 / 1996
Mamadou Goïta, formateur malien qui a travaillé au Togo, au Burkina Faso et au Mali.
"Les gens viennent souvent participer aux sessions de formation organisées par leurs Unions ou les projets sans aucune motivation d’apprentissage et d’échange. Des formations sont programmées d’avance. Les gens se disent : "Si je viens à cette session, je sais qu’elle ne m’apportera rien mais si je ne viens pas, je ne pourrai plus bénéficier de l’appui alors qu’il y a des activités à mener après la formation". L’appui est conditionné à la participation à la formation. D’autres viennent parce qu’ils auront peut-être une occasion de s’exprimer par rapport à d’autres besoins et qu’il ne faut pas la rater. Il y en a qui viennent parce qu’il y a des "per diem". Les gens analysent chacun l’enjeu avant de participer.
J’ai constaté, au sein d’une fédération d’Unions de groupements paysans, qu’il y a trop de formateurs. Entre les formateurs, il n’y a pas de cohérence. Il y a autant de formateurs, souvent, que de projets financés. Le problème, c’est que chaque responsable d’un petit programme négocié est accroché à sa façon de faire et personne ne veut lâcher, compte tenu de l’enjeu de financement. La coordination est difficile tant qu’il n’y a pas une volonté de la structure de la fédération de créer quelque chose de plus cohérent. Beaucoup de négociations de projets et programmes se font en l’absence des populations concernées, avec comme conséquence la non prise en compte de la forme de formation la mieux adaptée au milieu. Le fait de parler à la place des autres car "nous connaissons ce dont ils ont besoin" est à l’origine de tous les quiproquos.
Au sein d’une association paysanne, on baigne souvent dans une autosatifaction mal fondée, car il y a une résistance des responsables à aller voir les expériences d’ailleurs, car ils pensent qu’ils n’ont rien à y apprendre.
Des chantiers-écoles, des échanges entre paysans pour discuter, à l’intérieur et à l’extérieur, avec le moins de formateurs possible (ceux-ci peuvent être là juste pour faciliter les contacts entre les paysans)contribueraient mieux à renforcer les capacités techniques des populations à la base.
Les gens, finalement, en ont trop vu. La formation est un alibi pour les techniciens afin de garder une certaine hégémonie sur les populations, pour que les gens puissent toujours dépendre d’eux. Il faut créer les conditions favorables pour que les gens, directement, puissent s’informer entre eux. Quelque chose de bien se passe qu’il faut faire connaître aux autres. Que ceux qui ont eu l’idée d’initier cette activité puissent expliquer eux-mêmes. A partir de là, les gens apprennent mieux. Il faut d’abord créer les conditions pour que les gens aillent vers l’information, qu’il y ait une possibilité de s’informer mutuellement."
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, Afrique de l’Ouest
Pourquoi des paysans, y compris les membres des groupements, viennent et reviennent participer à des journées de formation qui répètent régulièrement les mêmes thèmes ? Selon Mamadou Goïta, ils espèrent un appui (financier)après la formation et les responsables paysans pratiquent trop l’auto-satisfaction. Selon nous, ni les uns ni les autres ne pratiquent assez l’autoévaluation. De leur côté, les donateurs n’évaluent souvent que le nombre de journées par participant exécutées et le coût par journée.
Interview de Mamadou Goïta par Bernard Lecomte, Bonneville, décembre 1995
Entretien avec GOITA, Mamadou
Entretien
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