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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

L’origine d’un réseau au service du développement des activités maritimes en Afrique de l’Ouest

Sophie NICK

02 / 1996

Pierre Herry est depuis plus de vingt ans secrétaire général du CEASM. Il travaille notamment sur un programme régional pour la valorisation des produits de la mer à l’échelle des seize pays d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Il raconte comment s’est constitué peu à peu le réseau sur lequel le programme s’appuie.

"Quand j’ai commencé à travailler au CEASM, en 1963, la philosophie de l’association reposait déjà sur la constatation que le développement du secteur de la pêche et la promotion de l’emploi des populations maritimes ne pouvait pas se faire sans tenir compte de la réalité socio-économique des pays. Une des composantes de l’histoire de l’association a toujours été, en France, l’apprentissage de l’ouverture vers l’extérieur à travers des voyages d’études, que ce soit en Pologne ou en Yougoslavie il y a plus de vingt ans.

Il faut trouver l’origine idéologique du CEASM dans un prêtre qui était aussi un marin, le père Lebret. L’association est issue d’une mouvance catholique et s’est dé-confessionnalisée depuis. Elle avait alors des liens privilégiés avec des prêtres progressistes qui, à travers les Missions de la Mer, étaient présents en France et en Afrique. Ceux-ci ont demandé au CEASM d’effectuer des études. Les premiers contacts qui ont permis la constitution d’un réseau en Afrique de l’Ouest ont été établis à cette époque. Mon intuition a ensuite été de maintenir ces premiers contacts. Je me suis orienté très vite sur un travail en continu avec des cadres de l’administration des pêches de certains pays qui sollicitaient le CEASM pour des séminaires sur des thèmes divers touchant au développement de la pêche, sur le "management" des projets, sur l’adéquation de la formation à l’emploi, la formation de formateurs... Ceci nous a conduit à entrer en contact avec quelques cadres de l’administration des pêches et plus particulièrement au Sénégal, au Togo et au Mali.

En 1982, s’est tenue à Lomé une session régionale organisée par le CEASM (à l’aide de fonds européens et de la coopération française), avec des personnes chargées du développement de la pêche artisanale dans leurs pays respectifs, sur le thème : "gestion et "management" des projets de développement". C’est une date historique, cette rencontre a constitué un tournant. Déjà, à l’époque, on avait inscrit dans le programme du séminaire l’occasion, pour les participants, de découvrir aussi le secteur des pêches du Togo. L’idée était de renouveler ce type de séminaire tous les deux ans pour que, en plus du contenu de la formation, les cadres d’un pays puissent se rendre compte de ce qui se passe dans d’autres régions d’Afrique de l’Ouest et puissent rencontrer leurs homologues. Notre arrière-pensée était surtout d’amorcer une discussion sur ce que pouvait être le partenariat entre le Nord et le Sud, sans trop savoir en vérité ce que ça allait donner. On n’avait pas d’idées toutes faites si ce n’est qu’il fallait à la fois promouvoir des actions à caractère régional et trouver un lieu pour débattre des questions touchant à la coopération Nord sud. C’est à l’occasion de la rencontre de Lomé que s’est créé un noyau appelé à l’époque par les Africains "la coordination africaine du CEASM". Elle était composée de trois personnes qui avaient l’aval de leurs collègues : Kobla Amégavie du Togo, Moriba Koné du Mali et le Docteur Dior du Sénégal. Avec ce noyau, on a entretenu beaucoup de correspondance et, de fil en aiguille, nous avons mis en chantier un autre séminaire à Dakar en 1984 sur la perte des poissons après capture. Ce thème correspondait à une préoccupation des Africains et a amorcé un programme régional qui s’est mis en place par la suite. Jusqu’alors, les projets de développement portaient souvent sur l’amélioration des techniques de capture mais on savait déjà qu’on arrivait à une capacité de pêche limite et qu’il fallait réfléchir sur les pertes nombreuses et non évaluées qui survenaient après la capture et sur la valorisation des produits débarqués.

Ce deuxième séminaire régional a réuni une fois de plus des représentants de l’administration des pêches. Son organisation a été facilitée par le CTA (Centre Technique de coopération Agricole, agence de la CEE)qui a financé une partie de la rencontre avec la Coopération française et aussi une étude préalable pour la préparation du séminaire. Cette étude sur "les pertes après capture" a été réalisée conjointement par le CEASM et une partie de la coordination africaine, dans six pays. Elle nous a permis d’entrer en contact avec de nouvelles personnes du secteur des pêches et de montrer l’importance d’appréhender une problématique à l’échelle régionale, pas seulement à l’échelle d’un pays mais sur l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest. C’est bien connu, le poisson, lui, n’a pas de frontières. Le séminaire a été préparé, organisé et animé par la coordination africaine. Cela a donné une légitimité, un fondement aux actions du CEASM. Notre façon d’appréhender les problèmes pendant ce séminaire a donné l’occasion aux cadres africains de mieux connaître notre vision prospective en matière de coopération régionale. Il avait été décidé d’inviter des anglophones et des lusophones. La coordination s’est alors élargie à une quatrième personne de nationalité ghanéenne. A la suite des travaux rendus, le CTA s’est déclaré prêt à appuyer la concrétisation de certaines des propositions formulées. Fort de ce soutien, la coordination africaine a réussi à convaincre plusieurs pays de faire une requête auprès de la CEE pour entamer une investigation dans le but de savoir comment traduire dans les faits toute une partie des conclusions de ce séminaire. Convaincu de l’intérêt de la démarche, les Directeurs de ces trois pays ont présenté une requête commune à l’Union Européenne pour la mise en chantier d’un programme régional de coopération dans le cadre de la convention de Lomé.

Pendant les trois années qui ont suivi, nous avons préparé - toujours en collaboration avec la coordination - une session de tous les directeurs des pêches à Banjul (Gambie)où étaient également présents des représentants des centres de recherche. C’est là que le programme régional de valorisation des produits de la mer a vraiment commencé mais, à l’époque, les organisations professionnelles n’étaient pas encore impliquées dans la programmation des activités. En tout, l’élaboration du programme a duré huit ans."

Mots-clés

pêche artisanale, mer, ONG, coopération, relations Sud Sud, Etat et société civile


, Afrique de l’Ouest

Commentaire

L’action menée dans le cadre de l’actuel programme régional de coopération pêche est aujourd’hui un support concret pour le développement de partenariats entre les opérateurs privés et publics de la pêche artisanale.

La philosophie d’intervention du CEASM a toujours reposé sur le développement des interfaces entre le ou les milieux maritimes et la société globale. Sa réflexion sur l’avenir des métiers à la pêche artisanale a ainsi été alimentée, année après année, par des sessions d’étude, des voyages d’étude, fenêtres ouvertes sur le monde extérieur. Cette philosophie s’est retrouvée dans nos actions de coopération en Afrique de l’Ouest, avec cette perspective de développer une économie régionale auto-suffisante, alternative au processus de dévitalisation actuelle des Etats.

Notes

Entretien réalisé par Sophie Nick au CEASM dans le cadre de la capitalisation d’expérience de cette association.

Entretien avec HERRY, Pierre

Source

Entretien

CEASM (Association pour le Développement des Activités Maritimes) - Le CEASM a arrêté ses activités en 2001. - France

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