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La fête, indicateur de la prospérité du secteur de la pêche

Sophie NICK

02 / 1996

Jo Le Hiarric, ancien marin-pêcheur et directeur de groupements professionnels, a travaillé en tant que coopérant et expert pour des projets de développement en Afrique. Dans l’île de Houat (Bretagne)où il habite, il s’interroge sur la disparition des fêtes traditionnelles.

- "Aujourd’hui dans la pêche, les gens sont accablés et les habitudes de convivialité ont disparu. Je ne suis pas du tout sûr qu’il y ait une volonté de retrouver cette convivialité. S’il n’y a pas chez les jeunes qui ont 30 ans, ne serait-ce qu’un peu, la volonté de "casser la barraque", d’essayer de voir autrement, il n’y a rien à faire. Je suis un peu embêté de transmettre ce pessimisme mais j’ai l’impression d’avoir fait un bon match de foot et de l’avoir perdu. Il y a des moments où je me dis quand même que s’il y avait un autre match, j’aimerai bien le gagner. Malheureusement, je ne serai pas du prochain...Si je regarde Houat, honnêtement, je ne peux pas être optimiste : Il y a beaucoup de conflits, beaucoup de problèmes, la fête de la crevette a disparu. Je vois des bateaux périmés foutre le camp, des gens qui prennent leur retraite à 50 ans et qui, s’ils le pouvaient, la prendraient bien à 40. Je reconnais être pessimiste. Je me raccroche quand même à un certain nombre de choses qui véhiculent une convivialité : le foot par exemple.

- "Dans tous les projets où j’ai été en Côte d’Ivoire et au Sénégal, j’ai voulu organiser des matchs de foot. C’est un moyen de favoriser les contacts entre les gens. En Casamance (Sénégal), les pêcheurs de la région en formation au projet et les pêcheurs migrants avaient ainsi l’occasion de se parler. Ca permet qu’en mer, par la suite, l’un demande à l’autre : "tu n’aurais pas vu ma bouée par hasard?" ou qu’un pêcheur, en s’essuyant le visage avec une serviette, tombe sur un instrument qu’il connaît mal comme le compas et demande ce que c’est. Mais dans le cadre d’un projet, comment faire comprendre à un bailleur de fonds qu’il faut prévoir des ballons de foot dans le budget? Ici, dans notre île, j’ai toujours attaché beaucoup d’importance à ce sport car on en parle beaucoup entre nous. J’ai appliqué ça en Afrique et ça avait du succès."

- "Je me souviens qu’au Sénégal, deux jours avant les régates de Saint-Louis, il y avait une grande tension dans la ville. Le jour de la fête, tous les habitants, même les plus pauvres, étaient sur leur 31. Ces fêtes sont très impressionnantes, tous les pêcheurs migrants reviennent spécialement à Saint-Louis pour cette période. Pour moi, c’est révélateur du dynamisme d’un secteur. Ici, sous des prétextes économiques, les fêtes ont disparu peu à peu comme les fêtes de saison ou la fête de la crevette. C’est un très mauvais signe. Je fais une distinction entre les fêtes folkloriques et les fêtes traditionnelles qui naissent réellement de la volonté d’un milieu pour se rencontrer ou se défouler. Je me souviens très bien des concours de chants dans les bars des ports où on faisait escale à l’époque de la sardine. Il fallait entrer sur la pointe des pieds, en chausson, pour ne pas troubler le concours. J’ai toujours été frappé par le fait qu’il n’y avait pas d’organisation prévue, ni prix, ni trophée mais on en reparlait longtemps ensuite sur les bateaux. Ces manifestations n’étaient pas conduites par un "leader" mais naissaient d’une façon spontanée."

Mots-clés

pêche, mer, surexploitation des ressources, identité culturelle


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Commentaire

Le monde maritime a peu de plateformes d’expression, de lieux d’échange ou de résolution de conflits. Dans ce milieu, la disparition des fêtes est plus que dramatique.

Notes

Entretien réalisé par Sophie Nick à l’île de Houat dans le cadre de la capitalisation d’expérience du CEASM.

Entretien avec LE HIARRIC, Jo

Source

Entretien

CEASM (Association pour le Développement des Activités Maritimes) - Le CEASM a arrêté ses activités en 2001. - France

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