10 / 1995
Aux Etats-Unis, plus de huit cents composés toxiques différents ont été identifiés dans les Grands Lacs. Dans l’ouest de ce pays, les produits toxiques ou acides rejetés par l’industrie minière ont pollué 16 000 km de rivières. En Pologne, la moitié au moins des eaux fluviales sont tellement polluées que même l’industrie ne peut pas les utiliser. Le Rhin, surnommé l’égout de l’Europe, charrie 4 000 tonnes de métaux lourds par an et 7 000 tonnes d’hydrocarbures. Dans les pays du Tiers Monde, l’OMS a estimé à 25 millions par an, les décès imputables à la consommation d’eau contaminée par des polluants. Enfin, en France, en 1987, 1 716 000 personnes ont été desservies par une eau dont la teneur en nitrate avait dépassé la norme européenne au moins une fois dans l’année.
On le voit, la pollution est un phénomène universel qui menace gravement l’environnement et pourtant les causes de ce phénomène sont pour la plupart identifiées.
On définit généralement la pollution comme la surexploitation des capacités d’autoépuration du milieu naturel. En effet, pendant longtemps, on a pu, à juste titre, affirmer que les eaux souterraines étaient pures car leur passage dans les roches poreuses joue un rôle de filtre et elles s’autonettoient grâce aux bactéries aérobies et anaérobies. Mais, depuis quelques années, ces nappes sont touchées par la pollution car les bactéries ne parviennent plus à l’enrayer assez rapidement. Dans le cas des fleuves et des rivières, si la source polluante est maîtrisée, l’eau en mouvement se renouvelle et peut donc se nettoyer ; mais, de la même manière, ils ne sont plus capables de se défendre.
Les sources de pollution ont trois origines : industrielle (métaux lourds, hydrocarbures, acides, solvants), agricole (engrais azotés, pesticides), domestique (détergents, phosphates, matières organiques fermentescibles). Selon le niveau de développement, l’une ou l’autre source est surtout responsable. Dans les pays industrialisés, la pollution organique a été stabilisée : mais ce sont les substances toxiques qui posent encore problème. Dans les pays récemment industrialisés, les différents types de pollution se rencontrent à des niveaux élevés. Dans les pays en développement, la pollution organique est la plus importante car la population s’accroît et le traitement des déchets n’est pas assuré, ce qui provoque de graves problèmes sanitaires.
La pollution prend également des visages différents selon les configurations. Les nappes d’eau souterraines sont surtout victimes des pollutions agricoles qui sont diffuses et généralisées. Les engrais, les pesticides et les herbicides y parviennent car leur emploi dégrade le "pouvoir tampon" des sols lié à la teneur en matière organique qui diminue régulièrement dans les sols de cultures. La pollution des nappes phréatiques sévit plus longtemps car l’eau s’y écoule lentement ; de plus, elle est plus difficilement détectée que pour les eaux de surfaces.
Les rivières et les fleuves sont davantage touchés par la pollution industrielle, en particulier à cause des phosphates rejetés par les égouts dans l’eau des rivières et de l’utilisation de ces cours d’eau par les centrales électriques classiques ou nucléaires pour leur refroidissement (cela provoque en particulier un réchauffement très néfaste des eaux en aval des usines).
La pollution des lacs, quant à elle, est surtout le fait de la matière organique présente dans les eaux usées. Ils jouent en effet le rôle de déversoir des rivières chargées des déchets provenant des égouts. La pollution des lacs est un phénomène courant aussi bien dans les pays occidentaux (Grands Lacs aux USA)que dans l’ex-bloc de l’URSS (lac Baïkal). Cela se manifeste concrètement par le processus de dystrophisation : le plan d’eau devient un milieu très productif. En effet, l’apport d’éléments nutritifs (comme le phosphore)favorise l’apparition d’algues qui s’accumulent au fond du lac à leur mort. Là, elles sont décomposées par les bactéries qui consomment tout l’oxygène dissous dans l’eau. Cela dégage des substances toxiques et conduit finalement à la disparition de toutes espèces animales.
Les pouvoirs publics ne sont pas restés inactifs devant cette menace. En Suisse, par exemple, on a voulu préserver le lac Léman de la pollution des villes riveraines en interdisant l’usage des phosphates dans les lessives. Aux USA, on a développé les systèmes de refroidissement en circuit fermé, notamment dans les usines de pâte à papier : au départ, elles consommaient 180 m³ d’eau par tonne de pâte, ce chiffre est passé à 70 m³ pour celles construites dans les années 1970 et l’on est parvenu à 20 m³ dans les plus récentes. Partout, on recommande l’implantation de stations d’épuration des eaux usées.
Néanmoins, des efforts restent à faire et les idées d’action ne manquent pas : on parle d’instaurer des contrôles systématiques (mensuels, voire journaliers)des grands cours d’eau d’Europe avec des résultats rendus publics. Des efforts de recherche considérables pourraient être menés au niveau de l’analyse et de la prévision des réactions du milieu aux impacts subis, qu’ils soient hydrauliques, hydrochimiques ou écologiques. Les techniques de l’eau pourraient être améliorées (affinement du traitement des eaux par ultrafiltration, dessalement...)ainsi que les connaissances hydrologiques. Enfin, il semble nécessaire de mettre en pratique des techniques d’utilisation de l’eau plus efficientes et plus économes.
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Regards croisés sur la gestion de l’eau
Livre ; Articles et dossiers
BEAUD, Michel; BEAUD, Calliope; BOUGUERRA, Mohamed Larbi, L'état de l'environnement dans le monde, La Découverte, 1993 (France)
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