1995
A l’occasion de la discussion sur le plan hydrologique espagnol au cours de l’été 1994, un grand nombre de voix se sont élevées pour poser le problème d’une concertation ibérique de la gestion des grands fleuves internationaux qui traversent l’Espagne et le Portugal (Douro, Tage, Guadiana). Du côté espagnol, de nombreuses interpellations ont eu lieu qui ont conduit le parlement à différer l’adoption du plan espagnol. Des personnalités portugaises, scandalisées par la politique menée par leur propre pays en la matière ont, pour leur part, décidé de constituer un ’Forum d’Agua’ (Forum de l’eau)pour révéler publiquement les enjeux de cette gestion hispano-porugaise des ressources en eau.
Les projets en cours de détournement des grands fleuves par les gouvernants espagnol et portugais ont conduit les écologistes portugais à proposer de constituer un tribunal alternatif de l’eau pour juger et condamner les projets en lieu et place des institutions juridiques ordinaires qui sont dans l’incapacité de se saisir simplement du problème.
Document de constitution du Tribunal de l’eau au Portugal :
- "L’attitude des gouvernants portugais vis-à-vis de la qualité de l’eau a été hautement critiquable. Le Livre blanc sur l’environnement (MARN, 1991)reconnaît qu’en 1990 la valeur des rejets polluants pour le milieu hydrique a été plusieurs fois supérieur à celui permis pour les effluents domestiques et plusieurs fois supérieur à celui permis pour ceux de l’industrie. Ainsi, seules 14 % des pollutions ont été traitées au niveau national.
- "De plus, l’eau est la richesse nationale la plus importante que le Portugal possède : près de 8 000 m³ d’eau par habitant alors que la moyenne européenne est de 2 000 m³. Sa préservation et son usage soutenable devraient être une priorité dans la politique nationale de développement, d’autant plus que l’eau est un produit de plus en plus précieux au niveau mondial. De la même manière, les ressources marines et les richesses de la zone économique exclusive portugaise doivent être mises en valeur et préservées de façon très prioritaire pour la zone côtière. Les répercussions sont importantes pour le tourisme et pour la pêche.
- "La conférence de Rio a considéré comme indispensable une gestion intégrée mettant en rapport l’environnement marin et les grands bassins hydrographiques. Elle impose aussi à l’Etat de rendre accessible l’information aux citoyens et de tenir compte de toutes les parties intéressées au cours du processus de consultation et de décision sur le plan environnemental.
- "Les politiques de laisser-aller dans notre pays, dans le domaine de la défense de l’eau, ont atteint des sommets, durant des années, de telle sorte que le Portugal a perdu 20 % des ressources hydriques de ses fleuves internationaux, le Douro et le Tage, et plus de 50 % du fleuve Guadiana. Cela est apparu clairement au cours de la préparation du plan hydrologique espagnol, suspect de léser profondément les intérêts du Portugal. Ce plan hydrologique a mis en péril l’ensemble des ressources hydriques superficielles actuelles qui correspondent aux fleuves internationaux (40 % des ressources superficielles du Portugal). Ces ressources sont, par ailleurs, les plus utilisables pour le développement de l’intérieur du pays.
- "En conséquence, pour contribuer à éclairer le jugement des Portugais, pour créer une opinion publique informée, pour émettre des jugements éthiques dans ce domaine, le Forum écologiste et alternatif a demandé aux députés Eurico Figueiredo et Antonio Martinho de créer sous son parrainage un Tribunal civique et d’opinion, le Tribunal de l’eau.
- "Le Tribunal de l’eau fonctionnera dans une totale autonomie dans sa composition, ses objectifs. Le Forum écologiste et alternatif ne revendique que la grande satisfaction d’avoir contribué à sa constitution.
Il proposera, comme juges du Tribunal de l’eau, des scientifiques ; des universitaires travaillant dans le domaine des sciences de la vie et de l’environnement, du droit international et connus pour leur conception ouverte et citoyenne de l’exercice de leur responsabilité ; des personnalités de la vie culturelle ; des personnalités politiques intervenant dans ce domaine ; des journalistes.
- "Le Forum écologiste et alternatif ne cherchera pas à intervenir dans le fonctionnement du Tribunal. Il se constituera simplement comme accusateur des projets espagnols sur les fleuves internationaux.
"Le Tribunal de l’eau est constitué comme suit : Antonio Barreto (journaliste), Artur Albarran (journaliste), Castro Calda (bâtonnier de l’ordre des avocats), Claudio Torres (prix Pessoa), Fernando Amaral (ex-président de la République), Fernando Gil (prix Pessoa), Fernando Reino (ex-ambassadeur du Portugal en Espagne), Joao Bau (ex-président de l’association portugaise des ressources hydrologiques), Jorge Paiva (professeur à l’université de Coimbra, sciences biologiques), José Mattoso (prix Pessoa), Luisa Schmidt (journaliste), Mario Ruiva (professeur, sciences de la mer), Medeiros Ferreira (ex-ministre des Affaires étrangères), Miguel Sousa Tavares (journaliste), Nuno Grane (professeur à l’université de Porto), Pita Guerreiro, Ribeiro Teles (professeur, Evora, environnement), Santana Maïa (bâtonnier de l’ordre des médecins), Servulo Correia (professeur, université de Lisbonne, droit international).
Lisbonne, le 6 avril 1995
Signé : Eurico Figueiredo, député ; le Forum écologiste et alternatif."
politique de l’eau, coopération, politique régionale, ressources hydriques, pollution de l’eau, information, opinion publique
, Portugal, Espagne
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Articles et dossiers
Un Tribunal de l'eau au Portugal in. Ecologie politique, 1995/07 (France), N° 14
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