Plusieurs lois qui régissent actuellement l’activité agricole et sa répartition sur le territoire sont l’héritage d’interventions très anciennes. Dès le Moyen Age par exemple, la divagation des porcs en ville fut interdite. Mais c’est à partir du 19è siècle que, dénoncée pour ses nuisances (odeurs, insalubrité), l’agriculture fut expulsée des villes par les hygiénistes de l’époque, qui préconisaient même la suppression des arbres porteurs de miasmes. Depuis des siècles également, l’élevage s’est vu repoussé des territoires forestiers - à cause des dégâts causés aux plantations - et de certaines régions de montagne -à cause de l’érosion.
Il faut attendre le 20è siècle pour que les cultures soient à leur tour l’objet de critiques. Au début des années 1960, la dénonciation des effets des pesticides sur la faune sauvage conduit à l’interdiction de plusieurs produits, dont le DDT. Dans les années 1970, c’est le remembrement qui est dénoncé. A partir de 1980, la pollution des eaux par les nitrates conduit à une série de mesures réglementaires, qui prélude à une large mise en accusation de l’agriculture. Dans un avenir proche, on peut s’attendre à ce que l’émission de méthane issu de l’agriculture soit considéré comme partiellement responsable de l’effet de serre.
Pourtant, l’agriculture rend des services à l’environnement : stokage du carbone (donc réduction de l’effet de serre !)absorption de déchets urbains (boues d’épuration), "jardinage" de la nature.
agriculture et environnement, politique agricole, changement social, politique de l’environnement
, France
L’Histoire montre que les exigences des urbains concernant l’agriculture ne sont pas récentes. La "relation agriculture-environnement", apparue dans le langage courant dans les années 1990 n’est donc pas née à cause de la montée en puissance des préoccupations environnementales. En fait les écologistes, souvent dénoncés par les agriculteurs comme des empêcheurs de cultiver en rond, ne sont que la courroie de transmission moderne d’une société qui a toujours dû négocier avec ses agriculteurs le partage du territoire ou la nature des pratiques.
Avec le recul du temps, on se rend compte que certaines exigences se sont avérées fondées : nul ne remet en cause l’interdiction du DDT ou les effets catastrophiques des premiers remembrements. Mais d’autres sont plus contestables : les analyses des hygiénistes sont contestées par ceux qui déplorent la séparation trop rigide entre espaces urbains et espaces ruraux. Alors, qui nous dit que la préservation du paysage n’est pas un éphémère effet de mode ? Qui peut garantir que la contribution du méthane à l’effet de serre est scientifiquement démontrée ? Les agriculteurs sont dans une position délicate. D’un côté, il faut bien qu’ils tiennent compte des exigences de la société. De l’autre, ils ne peuvent pas réorienter en permanence leur activité au vu de requêtes dont on se demande si elles seront durables et supporter le coût de ces mutations...
Articles et dossiers
THIEBAUT, Luc, GREP in. REVUE POUR, 1994 (France), N° 141
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