Il existe environ 450 "ferias de consumo" ou marchés de consommation familiale à travers 25 villes du Vénézuela. Les classes sociales modestes des secteurs périphériques, adhérents d’associations de quartiers, viennent s’y approvisionner. 150 000 familles sont concernées aujourd’hui. Dans des grands hangars sommaires, de petits producteurs offrent périodiement des produits frais aux consommateurs. Une expérience étonnante d’organisation sociale scellant l’alliance des 2 parties pour une survie commune.
Tout à commencé en 1983 alors que la crise vénézuélienne s’amorcait. Après 3 décennies pétrolières fastes, l’agriculture était devenue un secteur marginalisé et l’essentiel de l’alimentation est alors importé. Inflation, dévaluation, restriction des importations, etc...
Il n’est plus possible de conserver les "mauvaises habitudes" d’un pays quasi-rentier . Bref les classes moyennes se prolétarisent, les secteurs périphériques vont croissant. De l’autre côté les agriculteurs minifundistes (surtout en région andine)font face à une réelle destructuration-privatisation d’organisations agricoles d’aval, obsolètes et non compétitives.
Les "ferias" locales sont, bien qu’autogérés, regroupés sous l’appelation CECOSESOCA (Centrale de Coopératives de Services Sociaux de Lara). Chaque "feria" est gérée par une coopérative associant représentants des consommateurs (coop. de résidents, coop. d’épargne,...)et des producteurs (individuels ou coopérativistes). A Barquisimeto, capitale du Lara (1 million d’habitants), 20% de la population y a recours. Les points forts du système sont les suivants :
- des coûts de fonctionnement et des investissements très réduits : bâtiments sommaires, points de vente mobile grâce à de vieux bus, rotation rapide des produits frais (pas de stockage), etc.
- une politique des prix et de qualité claire et originale. La qualité des produits est garantie par le producteur lui-même par sa participation volontaire au fonctionnement de la feria, où il peut se rendre compte de l’importance de cet aspect pour le consommateur.La politique des prix est originale. Chaque semaine, un prix unique est fixé au kilo pour tous les produits frais. Le consommateur remplit son panier et le fait peser à la sortie. Début janvier 1992, le prix était de 19 Bolivars le kilo alors que la moyenne des prix des produits frais sur les marchés traditionnels étaient de 38 bolivars. En retour, les producteurs, organisés en coopératives, reçoivent des prix différenciés par produits ; ces prix sont établis en accord avec eux, deux fois par mois et sur la base des prix observés et des résultats de vente des ferias. Ils sont payés environ 30% de plus que ce qu’ils pourraient obtenir des négociants.
- Une gestion très participative.
Chaque groupe en charge d’une activité se réunit toutes les semaines. Les réunions sont ouvertes et les décisions se prennent toujours après l’établissement d’un consensus. Il y a une rotation des responsables pour les principales activités. Les pratiques collectives de prise de décision permettent une transparence des activités et l’implication d’un nombre croissant de personnes dans les affaires courantes de l’organisation. Des comités ad hoc sont créés lorsque surgissent des problèmes et la structure permanente est réduite au strict minimum.
- Une implication large dans le social. Outre le programme de commercialisation, la CECOSESOLA développe des activités d’épargne-crédit, de recyclage de déchets, de prise en charge de "coûts sociaux" lors de funérailles par exemple. La viabilité de ce programme repose sur la capacité d’organisation, les intérêts mutuels des producteurs et des consommateurs et sur les résultats économiques obtenus.
Bien sûr tout n’est pas rose et les circuits classiques de distribution réagissent en faisant baisser leurs prix. Les volumes traités croissent et le système actuel devra être renforcé dans ses aspects gestion économique et gestion des flux. Une articulation plus étroite est recherchée avec les producteurs fournisseurs : un appui technique devrait leur permettre de mieux adapter leur offre à la demande des ferias. Quoi qu’il en soit, ces ferias fonctionnent depuis bientôt dix ans et démontrent que des alternatives sont possibles à la marginalisation croissante des populations urbaines et des zones rurales d’agriculture familiale.
Bibliographie :
- "Organisation des villes, organisation des champs" GAO, n°13, 4ème trimestre 1992, P.8-9. Pesche.
- "El programa de ferias de consumo familial : una alternativa de gestion de la economia popular en gran escala desde la organizacion comunitaria", Barquisimeto, 1991, Gustavo Salas.
coopérative, agriculture paysanne, commercialisation, approvisionnement urbain, coopérative de services, organisation paysanne, accès au marché, revenu agricole, solidarité
, Venezuela
Si cela permet manifestement le maintien ou le développement d’agricultures paysannes, comment ce système favorise t’il des pratiques agricoles plus raisonnées ?
Articles et dossiers
BOUTROU, J.J.; PESCHE, D., CICDA in. GAO, 1992 (France), 14
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