Les identités professionnelles des agriculteurs

A partir d’enquêtes auprès de 1500 agriculteurs d’Auvergne, du Limousin et de Rhône-Alpes, les auteurs ont établi une typologie originale, basée sur les valeurs exprimées par les enquêtés à propos du travail, de leur environnement institutionnel, de leurs rapports à la technique, de leur insertion dans les réseaux d’information ou encore de leur perception de l’avenir. Ils ont ainsi défini 5 "profils-types":

- les agriculteurs "dynamisants" valorisent la réussite et la coopération agricole, ont une conception stratégique de la conduite de leur exploitation et introduisent des techniques nouvelles. Confiants dans l’avenir, ils sont bien insérés dans les institutions professionnelles, dans lesquelles ils sont porteurs de changement.

- les "suivistes" valorisent aussi la coopération mais sont plutôt consommateurs de techniques nouvelles, et investissent par nécessité. Pessimistes insérés dans les institutions agricoles, ils n’ont pas de projets pour elles hormis leur maintien en l’état.

- les "isolés" valorisent la débrouille individuelle, manifestent un grand respect pour les vieilles techniques et cherchent seulement à reproduire leur exploitation. Très pessimistes, ils ont peu de contacts avec les institutions agricoles.

- les "autonomes" sont des entrepreneurs à l’affût de techniques nouvelles, confiants dans leurs capacités d’adaptation à leur contexte. Optimistes, ils utilisent les institutions agricoles mais ne s’y investissent pas.

- les "réactifs" sont des individualistes soucieux de leur position dans les rapports de force. Inquiets pour l’avenir, mais obstinés et pétris de certitudes, ils refusent toute dépendance envers les organisations agricoles.

Ces profils-types ont ensuite été croisés avec certaines caractéristiques des exploitations agricoles. Les auteurs montrent que des corrélations fortes existent par exemple avec leurs orientations technico-économiques ou leur niveau de revenu (les dynamisants et les autonomes ont les meilleurs résultats). Conclusion des auteurs : les comportements des agriculteurs et les résultats obtenus par eux dépendent autant des valeurs dont ils sont porteurs que de leur situation objective. Ceci pourrait expliquer pourquoi deux agriculteurs développant les mêmes activités dans des conditions semblables obtiennent parfois des résultas très différents.

Même si ces profils sont assez schématiques, ils montrent que les déterminants technico-économiques sont fortement tempérés par les caractéristiques psycho-sociologiques des individus. Dans une perspective de développement, il convient de s’intéresser autant aux gens qu’aux structures, à ce qu’ils sont autant qu’à ce qu’ils font.