Autrefois, l’agriculture traditionnelle était une agriculture relativement autonome, c’est-à-dire peu dépendante de l’extérieur: matériel auto-construit, échanges commerciaux limités, faible intégration au marché... Elle était aussi locale, dans le sens où elle trouvait sa cohérence au sein d’espaces économiques et sociaux à l’échelle du terroir. Enfin, elle faisait largement appel aux savoir-faire paysans et l’agriculteur disposait d’une relative autonomie dans l’organisation de son travail. Dans l’agriculture traditionnelle, l’agriculteur est au centre d’une mise en cohérence de contraintes (ce qui ne veut pas dire qu’il soit libre de tous ses choix...).
La modernisation de l’agriculture a constitué au contraire un processus d’hétéronomisation du métier de paysan. C’est-à-dire que les principaux mécanismes de mise en cohérence de l’activité tendent à être externalisés par rapport à l’exploitation proprement dite : mécanisation, artificialisation de la production, crédit, intégration au marché, etc... ont conduit les paysans à s’affranchir des spécificités des terroirs et se sont traduits par un processus d’unification des formes de production.
C’est vers 1968 qu’apparaissent parmi les agriculteurs les premières réactions de contestation envers le modèle dominant d’agriculture d’entreprise, notamment à travers le syndicat "Paysans Travailleurs". Mais des pratiques de résistance plus discrètes se sont également développées. L’une des stratégies qui les anime est précisément la recherche d’autonomie.
Le CEP de l’Isère (Comité d’Etudes et de propositions pour le développement des activités paysannes)a soutenu de nombreuses initiatives allant dans ce sens, le plus souvent collectives : autoconstruction de bâtiments et de matériel, accueil à la ferme, transformation et vente directe, aides à l’installation, etc... Les agriculteurs "différents" se positionnent souvent sur des frontières :
- entre production et transformation-vente (maîtrise d’une filière)
- entre agricole et non-agricole (projets à dimension rurale)
- entre diverses productions (projets de diversification)
- entre vie familiale et professionnelle (en refusant de les distinguer).
Pour gagner de l’autonomie, ces agriculteurs inventent des cohérences transversales entre domaines et filières. Leur territoire n’est pas le local, mais le réseau, qui intègre des acteurs non-agricoles. Ils empruntent donc des logiques de l’agriculture traditionnelle, mais en y intégrant des éléments de modernité.
innovation technique, agriculture, agriculture durable, diffusion de l’innovation, développement rural, changement social, changement technologique
, France
Livre
MULLER, Pierre et al., PEUPLE ET CULTURE DE L'ISERE, Peuple et Culture - La Pensée Sauvage, 1984 (France)
GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - France - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr