A la demande du GRET, l’auteur a procédé à une enquête dans le département de l’Ariège auprès de 8 techniciens agricoles et de 17 agriculteurs, qui ont participé à la mise en place de l’Observatoire de l’Innovation.
Les agriculteurs enquêtés sont tous des innovateurs, ayant développé des projets "qui sortent de l’ordinaire" : produits fermiers, élevage de daims ou de sangliers, transformation et vente directe, accueil à la ferme, etc... Ils sont innovateurs car ils se situent en rupture par rapport au modèle classique de production agricole diffusé par les techniciens. Leur expérience a été recueillie par l’Observatoire et a fait l’objet d’une fiche intégrée dans un dossier diffusé localement auprès de techniciens et de formateurs du milieu agricole. Quand ils parlent de leur démarche d’innovation, plusieurs traits leur apparaissent communs:
1. Tous ont décidé à un moment de prendre en main leur avenir d’exploitant agricoles. Ils sont à la fois sceptiques envers les messages qui leur sont adressés par les organismes de vulgarisation, et volontaristes. Ils craignent l’exclusion et refusent l’assistancialisme, ont un espoir et croient en l’avenir de leur métier, sont curieux et s’intéressent à leur environnement.
2. L’accès à l’information est pour eux un enjeu capital. Plusieurs sortes d’informations leur sont nécessaires:
- l’information "de base" (connaissance des filières, des techniques, des cadres administratifs, des lois et usages, etc...)est recherchée à travers les techniciens agricoles ou d’autres innovateurs,
- l’information "personnelle" est plus fine, plus adaptée à chaque situation. Elle permet de débloquer certaines difficultés particulières (acquisition de savoir-faire)mais aussi de faire mûrir un projet en le confrontant à d’autres avis. Dans la phase de maturation de l’idée, préalable à la mise en place de l’innovation, cette information est très précieuse. Elle est souvent fournie par des pairs, et en particulier par d’autres agriculteurs innovateurs.
L’enjeu que constitue l’information oblige les innovateurs à développer de nombreux réseaux et contacts. L’isolement est leur hantise. Les agri-novateurs rentrent dans des associations, des fédérations professionnelles, des syndicats, ou en créent même parfois.
3. L’innovation est un processus continuel, elle n’est jamais terminée. Il faut à la fois progresser dans la maîtrise technique de nouvelles façons de faire, et garder de l’avance sur d’éventuels concurrents.
La plupart des agri-novateurs enquêtés estiment que les techniciens agricoles les ont peu aidés dans leur démarche, car ils sont peu compétents dans les domaines qui sortent de l’ordinaire, tendent à orienter les agriculteurs vers des sujets "à la mode" qui ne correspondent pas à la motivation de ces derniers et ont la fâcheuse habitude de donner des recettes.
Interrogés sur les besoins des agri-novateurs, les techniciens sont souvent conscients de leurs limites. Certains cherchent à accompagner des agriculteurs dans leur recherche d’information, à animer des groupes et à faire émerger des projets. L’enquête montre que le fichier des innovations proposé par l’Observatoire reste cependant largement inutilisé (sauf dans un centre de formation qui l’utilise systématiquement pour rechercher des lieux de stages ou d’étude). Les techniciens qui ne l’intègrent pas dans leurs habitudes de travail, évoquent à ce sujet plusieurs raisons :
- Quand ils doivent rechercher une adresse, ils cherchent dans leur mémoire, (expériences connues, articles de journaux...)ou font appel à des collègues par téléphone, mais n’ont pas le réflexe de chercher dans le fichier.
- L’aide aux agri-novateurs représente une partie minime de leur activité. Investir dans l’acquisition de références dans ce domaine n’est sans doute pas une priorité.
- Ils pensent que la réflexion quant à l’usage du fichier a été insuffisante, que celui-ci ne s’est pas intégré dans leurs habitudes de travail.
Certains pensent que l’utilisation d’un outil comme l’Observatoire de l’Innovation, qui devrait permettre de faciliter le contact d’innovateurs potentiels (en recherche)avec des innovateurs ayant plus d’expérience, devrait faire l’objet d’une démarche plus volontariste, d’un véritable travail d’animation et de sensibilisation auprès des techniciens.
innovation technique, agriculture, accès à l’information, diffusion de l’innovation, diffusion de l’information, technicien et paysan
, France, Ariège
Rapport
LEGERON, Jean Claude, GRET, GRET, 1993/03 (France)
GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - France - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr