A travers l’étude de cas observés dans différentes régions françaises, il s’agit ici de savoir comment le monde paysan réagit face à des innovations techniques qui lui sont proposées (le tracteur, l’insémination artificielle, de nouvelles cultures...). L’auteur s’intéresse donc à un certain type d’innovations : celles de l’agriculture "moderne". Ces nouveautés vont porter atteinte à l’autonomie des paysans en constituant un facteur d’intégration à l’économie nationale.
On ne s’attarde pas ici sur le profil psychologique des innovateurs (au contraire de ce que fait l’école américaine de sociologie de l’innovation)ou sur les caractéristiques des innovations "qui se diffusent bien". Mais on considère l’adoption d’une innovation comme un changement social global, et on met l’accent sur le contexte social dans lequel intervient une nouveauté technique. C’est-à-dire qu’on considère l’innovateur comme un individu en situation dans une collectivité, et une collectivité en situation dans la société globale.
Plusieurs facteurs conditionnent donc l’adoption des innovations :
- l’information reçue par l’agriculteur. Sa réceptivité dépend notamment de la nature de l’émetteur. En Bretagne par exemple, les agriculteurs sont plus réceptifs à des informations provenant d’autres agriculteurs. Mais ailleurs, ce peut être différent. Dans tous les cas, la perception sociale de l’émetteur par le récepteur de l’information semble être un facteur déterminant.
- La signification économique ou sociale de l’innovation. Innover est en effet un acte social. Acheter un tracteur, c’est peut-être d’abord s’assurer une position dans les hiérarchies locales.
- La tolérance du milieu social. Avant d’adopter une innovation, on observe les faits et gestes de ceux qui l’ont déjà adoptée, et le jugement des autres. Ce qui importe le plus souvent, c’est l’opinion de ceux qui sont considérées comme des "pairs" : des agriculteurs dans une situation économique et sociale similaire.
- Les contraintes économiques subies par l’agriculteur. Souvent, elles imposent à une collectivité dans son ensemble la nécessité de moderniser le matériel ou les pratiques. Mais les contraintes économiques ne s’expriment pas partout de la même façon : elle sont perçues et interprétées par un système idéologique local qui oriente un certain mode de vie et définit les réponses acceptables à formuler aux contraintes.
- La situation économique objective de l’agriculteur, qui définit un certain champ des possibles.
L’adoption d’une innovation est donc soumise à son acceptation par l’individu et la société locale, en fonction de son système de normes et de représentations. Mais toutes les conséquences de l’introduction d’une nouvelle technique ne sont pas mesurées lors de son adoption. A l’usage, l’innovation technique produit un certain nombre de conséquences imprévues qui vont modifier les relations sociales et faire évoluer le système de normes et de représentations.
L’innovation technique trace la frontière entre les agriculteurs "modernes" et "traditionnels" : elle ne peut pas être adoptée par tous, et laisse donc certains agriculteurs exclus du développement. Elle accuse les disparités économiques et bouleverse les rapports entre les agriculteurs. Sa logique n’est pas seulement technique : elle est l’expression d’un projet politique et social conçu hors du monde agricole.
innovation technique, agriculture, diffusion de l’innovation, changement technologique, changement social, accès à l’information, politique agricole, évolution culturelle et changement social
, France
Livre
BODIGUEL, Maryvonne, Presses de la Fondation Nationale Sciences Politiques, 1975 (France)
GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - France - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr