Biocer
06 / 1993
D’un élan de solidarité nait la coopérative des agrobiologistes de Normandie. La Fondation Pierre Sarrazin a récompensé une démarche exemplaire.
La ferme d’Airan (Calvados).
Des bâtiments datant du XVII° siècle, aux allures d’abbaye, servent de lieux de conditionnement, de stockage et d’expédition des sacs de farine et des légumineuses biologiques de la coopérative Biocer. Abel Bree, propriétaire des lieux est un précurseur de l’agrobiologie en Normandie.
La coopérative réunit une quarantaine d’agriculteurs et collecte annuellement plus de 20 000 quintaux de céréales sur toute le Normandie et quelques départements limitrophes. Son chiffre d’affaires dépasse les cinq millions de francs. Le conseil d’administration, animé par le nouveau président Claude Cassard, agriculteur dans l’Orne, emploie un agent commercial.
Née de la solidarité
Début des années 80, les céréales biologiques commercialisées en vrac s’écoulent aisément sur le marché national à l’exportation. Une douzaine d’agriculteurs de l’Eure et du Calvados se regroupent de façon informelle pour remplir régulièrement des semis-remorques complets destinés à l’exportation ; chacun assurant la relation commerciale avec ses acheteurs. "Ca marchait bien, la vente pour 25 tonnes vers l’Allemagne et la Belgique se faisant à 250F. le quintal", explique Gilles Chatel, un des fondateurs. La piste est trop belle... un agriculteur subit un impayé de 150 000F. Pour éviter la faillite, la créance douteuse est supportée collectivement. Ce geste de solidarité pose les fondations de Biocer en 1988. Le geste enclenche mobilisation et réflexion entre agrobiologistes céréaliers sur une stratégie collective de vente et de défense des producteurs. Après étude avec des conseillers agricoles, la structure coopérative est perçue comme la solution adaptée pour rassembler les énergies, faire un pot commun, se répartir équitablement les risques entre producteurs et n’avoir qu’un interlocuteur face aux acheteurs. Pierre Decontes, le premier président, fondateur de Biocer, se charge des ventes. Le pari est gagné, Biocer étoffe ses rangs et atteint 40 adhérents en équilibrant offre et demande... Mais à l’aube des années 90, tout redevient incertain. L’offre croissante de céréales sature les marchés nationaux et internationaux. La concurrence déloyale du "faux bio" entraîne une chute des cours en dessous de 150F. le quintal. De nouvelles difficultés provoquent une nouvelle réflexion collective.
La volonté de réussir.
Les administrateurs décident de transformer les céréales et de les commercialiser régionalement. La coopérative propose ainsi des farines de blé et de seigle destinées à la fabrication de pain et à la vente au détail sous forme de sacs de un, dix et vingt-cinq kg. Pour élargir sa gamme, elle conditionne également des légumes secs (haricots, lentilles...), et des céréales (orge, millet et avoine)destinées à l’alimentation humaine.
Les céréales sont stockées chez Pierre Decontes. Les différents blés panifiables y sont mélangés afin d’obtenir un produit de base, homogène et d’excellente qualité ; ils sont ensuite transformés dans l’Orne par un meunier qui travaille à "façon". Puis les farines ainsi que les graines sont conditionnées dans le Calvados pour être expédiées dans tout le quart Nord-Ouest de la France. En agissant de la sorte, Biocer limite l’investissement à la construction de cellules de stockage.
Des efforts récompensés.
En créant sa propre marque (du nom de la coopérative)Biocer s’appuie sur une vraie certification biologique et mise sur la qualité. Plus largement, ses choix et ses efforts sont reconnus : la Fondation Pierre Sarrazin a primé cette coopérative (105 000F. sur 3 ans)pour son approche collective, son insertion au sein de la profession agricole et sa rigueur à tous les niveaux. L’équipe Biocer prépare l’avenir en exploitant le marché régional des produits transformés. Thierry Glaise, le commercial, démarche des coopératives de consommateurs et les magasins revendeurs de produits biologiques, des boulangeries spécialisées en pain "bio"... "Les grandes surfaces se déclarent prêtes à travailler avec nous à condition qu’on augmente encore notre gamme de produits secs vers les biscuits, flocons, semoule...". Une diversification que l’équipe de Biocer juge trop risquée vue les moyens à réunir.
"Aujourd’hui le bateau est lancé, on doit se battre ; les produits "bio" sont de plus en plus reconnus et notre clientèle se structure petit à petit ; on tiendra le coup" se convainc un administrateur. Face au marasme du marché, l’avenir dira si la diversification et la transformation des produits suffira à maintenir des prix corrects aux céréaliers.
Chiffre d’affaires (91): 5 millions F
Statut : Coopérative
Date de création : 1988
Nombre d’emplois : 1.5
Activités : 25 000 quintaux de céréales 100% des produits "bio" dans le chiffre d’affaires.
légumineuse, agriculture biologique, coopérative de production, commercialisation, céréale, accès au marché, marché local
, France, Normandie
BIOCER. BP 15, 14240 Caumont-Lévente, Tél. 31 77 88 29
Entretien
LEROY, L., FNCIVAM in. AGROBIOSCOPIE : analyses, opinions, expériences, 1992 (France)