09 / 1994
CONTEXTE
Le collège Edouard Vaillant à Saint-Martin d’Hères (38), a mis en oeuvre, depuis 1989, un programme "Pour mieux vivre au collège", afin de répondre à l’impression d’insécurité née d’un sentiment de violence latente : balisage du territoire, englobant le collège et ses abords immédiats, et des zones d’influence des institutions (incarnées par la présence visible des personnels du lycée, et, le cas échéant, de la police).
L’amélioration du cadre de vie (réfection des peintures - création de lieux de vie confortables - aménagement de la cour de récréation), et la vigilance de l’équipe de vie scolaire ont considérablement réduit les dégradations.
On s’est même préoccupé de lutter contre les invectives et les incivilités du vocabulaire avec l’espoir de cheminer vers une certaine courtoisie, dont le bonjour matinal ou le sourire pourraient être des indicateurs. La conviction dominait, qu’un lieu d’enseignement n’a rien à perdre à promouvoir la convivialité et un sentiment d’appartenance.
Cependant, il est apparu que ces démarches ne dispensaient pas d’une réflexion collective sur la notion de loi. En dépit des textes, les collèges ne constituent guère des lieux où règne le droit. D’ailleurs, pour peu qu’on les écoute, les élèves savent rappeler que "les adultes ont toujours raison". D’où un sentiment d’injustice qui accrédite dans leur esprit l’idée que la loi relève essentiellement de l’arbitraire des adultes. La transgression devient lutte contre cet arbitraire, justifiée par ce combat pour une justice "meilleure". Il fallait donc restaurer chez les adolescents une image de la loi plus positive, et d’abord les aider à comprendre par quel mécanisme elle s’élaborait.
OBJECTIF
Le pari des équipes éducative et administrative était de faire comprendre que le processus complexe qui conduit à l’élaboration d’une loi passe d’abord par la discussion collective et la mise en place de processus démocratiques.
Il s’agissait aussi de faire prendre conscience que la loi ne relève pas du hasard mais qu’elle naît d’un besoin et qu’elle est, le plus souvent, le résultat d’un consensus ou d’un compromis entre divers groupes aux intérêts divergents .
MODALITÉS
METHODE
Il a fallu d’abord rendre plus clairs les points de vue d’adultes. Un séminaire de réflexion sur "l’adolescent face à la loi", avec des partenaires inhabituels au collège (policiers, juge, avocat, psychothérapeute), auquel étaient associés les parents, un sondage auprès des élèves sur le même thème, ont conduit à une meilleure cohérence des équipes éducatives.
Elles ont pu dépasser leurs craintes, pour faire vivre les textes réglementaires sur les droits des délégués des élèves : formation plus poussée, parfois, par des intervenants extérieurs, gage d’une liberté de parole plus grande, écoute plus attentive de leurs suggestions, réunions mensuelles institutionnalisées et surtout la reconnaissance affirmée par l’équipe administrative de leur rôle de médiateur entre le groupe-classe et les adultes .
DEROULEMENT
- La question du transfert des cours du mercredi au samedi
Une démarche en trois temps a été privilégiée : débat au sein de chaque classe conduisant à l’élaboration d’une liste d’arguments ; à partir de ces listes, le conseiller d’éducation et les élèves élus au conseil d’administration ont élaboré une synthèse des points de vue diffusée à l’ensemble des classes... à partir de laquelle chacun, après discussion, a pu voter. Et il n’est pas anodin de constater qu’à l’issue de ce processus, ce sont les voix des élèves qui en définitive ont fait pencher la balance.
D’autre part, deux exemples ont montré les risques du "vide juridique". Les élèves l’ont fort bien compris, et c’est la démarche en trois temps (analyse du problème - écoute des avis des autres - prise de décision)qui a été utilisée.
- Les baladeurs
La mode est arrivée soudainement : les élèves souhaitaient écouter leur baladeur au collège. Pris de court, les adultes ont eu des réactions favorables ou très défavorables, selon leurs convictions, leur âge, la présence d’adolescents dans leur foyer... Dans cette situation de non droit, il fallait légiférer, donc d’abord discuter. Lors d’un conseil d’administration, les élèves surent faire valoir leur point de vue, tout en comprenant les interrogations des adultes, ils ont conduit l’équipe à définir avec une précision extrême les zones et les modalités d’utilisation de cet appareil.
La loi élaborée, publiée dans le journal interne expédié aux familles et affichée sur le panneau des élèves, les baladeurs disparurent presque comme par enchantement et avec eux les occasions d’affrontement.
- Les règles de passage au self
Les adultes vivaient sur la loi non-écrite d’une priorité absolue et automatique. Cela a conduit à un incident grave : une élève de 3ème convoquée à une réunion de délégués avait contesté le privilège d’une dizaine d’adultes -eux aussi en réunion- de passer devant elle... Insolence méritant sanction ou revendication justifiée ? L’élève déléguée au conseil d’administration, demande un débat. De la confrontation des arguments est née une habitude nouvelle : au self, les adultes s’intercalent dans la file selon le rythme 2 adultes / 3 élèves, etc...
milieu urbain, régulation sociale, enseignement secondaire, innovation pédagogique
, France, Saint-Martin-d’Hères
La nécessité d’une instance garante de l’application du texte (en général la conseillère d’éducation)a été redécouverte par chacun. Celle-ci ne tire plus sont pouvoir de sa fonction mais de la règle collectivement établie : elle y a gagné en sérénité.
Ce travail sur l’élaboration des lois a paru fort satisfaisant au collège. Selon le chef d’établissement, il a constitué un temps de réflexion collective, l’occasion pour chacun d’une prise en compte d’opinions divergentes, de comprendre la nécessité du compromis dans l’élaboration des règles de vie en groupe. L’apprentissage de la discussion, a été un facteur de régulation sociale et un élément de structuration de la collectivité.
Il a contribué à la diminution du nombre des sanctions, des dégradations, des violences. Cependant, d’autres facteurs ont leur importance : notamment la formation des enseignants, la création d’un groupe d’analyse des pratiques qui mensuellement, fait le point sur les situation délicates.
Il reste que cette démarche témoigne d’une approche possible de l’éducation à la citoyenneté.
Cette fiche est co-produite par le CR-DSU et HABITAT FORMATION, 12 rue Poncelet, 75017 PARIS. Tel 44 15 14 00.
La personne interrogée est le provisieur du lycée.
Entretien avec CHARBONNIER, M.
Entretien
CR-DSU=CENTRE DE RESSOURCES SUR LE DEVELOPPEMENT SOCIAL URBAIN
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