1 - Les ONG féminines rwandaises
08 / 1995
Outre la kyrielle d’ONG étrangères présentes sur son territoire (plus d’une centaine), le Rwanda bénéficie surtout du dynamisme de nombreuses associations locales. Créées avant ou immédiatement après le génocide de 1994, ces dernières peuvent prendre diverses formes. Nous détectons deux grandes catégories : les ONG rwandaises, qui se caractérisent par un fort niveau d’institutionnalisation, la variété et la dimension souvent nationale de leurs objectifs; les groupements communautaires ou associations de base, constitués d’un petit nombre de personnes désirant démarrer ou développer un micro-projet générateur de revenus de façon très localisée. La plupart des ONG rwandaises soutiennent méthodologiquement, financièrement et humainement les groupements de base. Le plus souvent il s’agit de leur accorder un crédit en liquide ou en nature pour démarrer une activité ou améliorer leur conditions d’exploitation (achat de matériel agricole, de semences, pompe à eau).
"Les ONG féminines rwandaises". Les ONG qui existaient avant la guerre ont repris ou essaient de reprendre leurs activités antérieures. Elles couvrent le plus souvent le champ économique, juridique et social et sont particulièrement attachées aux thèmes du développement rural et de la promotion de la femme.
Mais quelle que soit leur vocation première, toutes ces associations ont élaboré un plan d’action d’urgence après la guerre et développent généralement des programmes en faveur des groupes vulnérables que la guerre a laissé derrière elle : les enfants, en particulier les orphelins et les enfants non-accompagnés; les femmes, en particulier les veuves et les femmes et les filles violées; les vieilles personnes seules et les handicapés physiques. Si un programme structuré n’existe pas, alors l’association soutient de façon informelle ses membres ayant particulièrement souffert pendant la guerre : on peut aider une femme malade à acheter des médicaments, trouver de l’argent pour la scolarisation d’un enfant orphelin recueilli par une autre, et tout simplement se réunir, parler et se soutenir.
1- "Droits de la femme et de l’enfant ". L’association HAGURUKA pour la défense des droits de la femme et des enfants existe depuis 1991. Jusqu en 1994 elle s’occupait d’assistance juridique, soit sous forme de conseil, soit en suivant un dossier jusqu à la plaidoirie devant les instances de justice. L’information et la sensibilisation des femmes et des filles à leurs droits et à leur valeur au sein de la société, ainsi que la formation, étaient les deux autres axes de travail d’Haguruka. Après la guerre la complexité des problèmes s’est accrue et une fois de plus femmes et enfants sont les plus touchés. En conséquence l’association s’est attelée à deux nouvelles tâches. La première relève d’interventions dans le cadre de la réhabilitation : aides matérielles et financières d urgence, reconstruction des maisons. La seconde mission est l’assistance socio-juridique vers les enfants non-accompagnés. Bien que n étant pas des spécialistes de cette dimension, les membres d’Haguruka travaillent également pour une assistance sociale et psychologique, le langage juridique n’ayant aucune valeur s’il n’est pas intégré à des actions de production (survivance)et de soutien (se battre malgré tout). En particulier, Haguruka prépare la création d’un service permanent d’assistance psychologique aux femmes violées. Mais les difficultés juridiques des femmes et des enfants après la guerre c’est aussi les questions d’héritage, de succession, de prise en charge des orphelins, de gestion des biens des orphelins etc.
2- "L’entrepreneuriat féminin". C’est en 1987 qu’est née DUTERIMBERE ("allons de l’avant"), l’association pour la promotion de l’entrepreneuriat féminin. Pour soutenir la communauté et la famille africaine, cette association veut favoriser l’intégration de la femme dans le développement économique en lui donnant accès au crédit bancaire ou en accordant elle-même des crédits. Ces crédits s’accompagnent de formations sur le choix d un projet rentable, la gestion de projet et l’épargne. En effet avant la guerre les femmes avaient d’autres sources de revenus pour la famille que leur propre activité. Désormais il y aurait jusqu’à 70% de veuves. Elles doivent non seulement subvenir aux besoins de ce qui leur reste de famille, mais aussi à ceux des enfants orphelins ou non-accompagnés qu’elles ont accueillis. Duterimbere fait donc face à un afflux de demandes de financement : petit commerce, artisanat, agriculture, élevage, couture, briques, tuiles etc. De plus, face à l’ampleur des destructions et pillages occasionnés par la guerre, l’association a dû apporter son soutien au ré-équipement domestique. En effet, si certaines familles ont pu récupérer leur maison, ce fut vide de tout mobilier et de tout matériel (pas une assiette, pas une casserole)et même lestée des vêtements des enfants. 3- "Femmes avant tout". De très nombreuses associations sont créées par et pour les femmes rwandaises, promeuvent la femme dans la société, tant au niveau juridique que politique, économique ou social. Une trentaine d’entre elles sont réunies dans le collectif Pro Femmes Twese Hamwe, qui permet de s’adresser à des bailleurs de fonds plus importants et de resdistribuer l’aide aux associations membres. Réunies dans cette structure, les ONG peuvent mener des réflexions approfondies sur la situation de la femme rwandaise et faire le diagnostic de l’après-guerre. Pro-Femmes constitue également une force de proposition envers les ONG étrangères, les bailleurs et le gouvernement. Il représente les associations rwandaises dans les rencontres nationales, régionales ou internationales consacrées à la femme comme par exemple la Conférence régionale de la femme de Dakar en 1994, la Conférence internationale sur les femmes de Beijing en 1995. En principe ce collectif n’est pas lui-même directement opérationnel sur le terrain. Mais les conséquences de la guerre l’ont poussé à organiser une Campagne d Action pour la Paix.
Ces associations de femmes sont nombreuses, on ne peut pas toutes les citer (Seruka, Asoferwa...). Parfois elles se sont créées en exil, comme Benimpuhwe, née au Burundi avec des femmes issues de la prmière grande vague de réfugiés en 1959. Parfois elles se sont créées pour résoudre spécifiquement les problèmes liés à l’après-guerre comme c’est le cas de AVEGA, l’association des veuves de la guerre d’avril 1994. Ces associations sont parfois à un stade encore embryonnaire, mais elles ont toutes la volonté de reconstruire le Rwanda dans la paix et la tolérance. Ainsi on pouvait lire l’encouragement suivant dans le journal du Réseau des Femmes de Juin 1995 : " Chères femmes membres du réseau, ne désespérons pas! Prenons encore du courage, la vie continue malgré tout. N oublions pas que tout repose sur nous, les charges familiales, l éducation des enfants, la reconstruction dupays, la recherche de la paix...! (...)Mettons-nous à l oeuvre et allons de l avant. Courage et bonne chance! ". Pas facile effectivement de se remettre à travailler quand on a tout perdu, même ses enfants, d avoir envie de reconstruire quand on pense qu une autre guerre peut encore tout raser demain.
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, Rwanda
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Ces lignes sont le résultat d’observations et d’entretiens avec les associations citées et bien d’autres en juillet et août 1995. Voir aussi la fiche "2- Les groupements de base"
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