Sur la côte de la Tanzanie, la pêche se fait par les villageois qui se servent d’une technologie traditionnelle et de bateaux à petite taille. Leur connaissance de l’écologie marine et des techniques de pêche est basée sur des générations d’expérience. Leurs méthodes sont durables et non-destructives et les pratiques de gestion sont bien développées pour maintenir une base de ressources solide.
Pourtant, pendant le siècle passé, la colonisation et les interventions après l’indépendance ont introduit de nouveaux facteurs dans la pêche tanzanienne. Ceux-ci ont touché non seulement les pêcheurs traditionnels mais également l’écologie des eaux littorales.
Alors que certaines technologies ont augmenté l’efficience dans certains cas, d’autres ont eut des effets néfastes et destructeurs. Elles menacent les moyens d’existence des pêcheurs traditionnels, l’équilibre écologique et l’utilisation judicieuse des ressources.
Basés sur des évaluations acoustiques et de chalutage par les grands navires de recherches sophistiquées, les experts étrangers ont calculé la biomasse et le rapport potentiel des ressources des pêcheries marines tanzaniennes. Mais leurs évaluations, qui sont basées sur des données très sélectives et insuffisantes, varient largement. Elles ne sont pas valables pour évaluer les populations des multi-espèces tropicales côtières.
Un résultat plus utile et plus réaliste peut être réalisé en collaboration avec les pêcheurs eux-mêmes. Ces pêcheurs ont au fil des siècles échangé des idées et des plans avec leurs homologues de l’Arabie, de la Perse, de l’Asie du Sud et de la polynésie. En Tanzanie et à marée basse on ramasse une grande variété de poissons, de crabes, de bivalves, de gastéropodes et de différents organismes qui peuvent servir d’appât. On les prend à la main, avec des bâtons pointus ou avec des filets manuels. Cela exige une bonne connaissance des cycles de marée, de la distribution et des comportements de ces organismes. Les sennes de plage sont halés par des équipes de pêcheurs opérant en eaux peu profondes sur les fonds herbeux pendant que les nageurs battent l’eau et imitent les cris de mouette en essayant d’empêcher les poissons d’échapper.
Dans une autre technique, les filets traînants sont utilisés de la même façon sur la plage et dans les flux de marée.
Pour la pêche en mer les bateaux utilisent des lignes manuelles avec hameçons et appâts qui sont virés aux endroits appropriés ou traînés derrière un bateau en marche.
Les filets maillants sont placés au fond ou en surface. Des filets plus grands sont utilisés plus loin au large durant les nuits sans lune.
Des formes différentes de bateaux traditionnels sont employés en Tanzanie. Le plus commun est une étroite pirogue monoxyle de 3 à 9 mètres de long équipée de deux balanciers, un mat et une voile. Les communautés traditionnelles de pêcheurs de la Tanzanie sont semblables aux communautés agricoles. Elles partagent les caractéristiques économiques, sociales, politiques et culturelles.
Des méthodes de production communautaires persistent et les rapports de famille étendue sont forts. L’hospitalité et l’accueil amical des étrangers sont habituels. L’influence des contacts avec les voyageurs de l’Océan indien et les commerçants est généralement plus forte dans les communautés de pêche que dans les communautés agricoles.
Les rapports sociaux sont souvent bien hiérarchiques avec des différences marquées entre le propriétaire riche et le pêcheur, entre le capitaine et le marin et entres les hommes et les femmes.
Ces communautés traditionnelles gèrent soigneusement leurs ressources. Leurs villages se situent autour de récifs coraliens, de criques de mangroves et d’estuaires de rivières etc.
La communauté villageoise exerce une juridiction habituelle sur les ressources. Elle se sert de l’écologie et de la durabilité des ressources pour gérer les accès, les pratiques et l’intensité.
Un code de conduite
Des codes de conduite sont mis en pratique, et les étrangers et les pêcheurs migrateurs doivent demander la permission pour pêcher dans les zones contrôlées par les communautés spécifiques.
Les conflits surviennent si les lois coutumières ne sont pas respectées. En 1993, les pêcheurs du village de Pongune, de la côte-est de Zanzibar avaient surexploité les poulpes sur la bande qu’ils utilisaient habituellement. Ils ont dû demander la permission du village voisin d’Uroa pour partager les ressources de poulpes.
La vie dans les communautés de pêche sur la côte de la Tanzanie fut gravement perturbée lorsque les impérialistes allemands imposèrent leur règne à partir de 1885. L’opposition à la colonisation fut considérable et des violentes batailles eurent lieu sur la côte et brutalement réprimées en 1905.
La compagnie d’Etat
En 1974, la Corporation de la Pêche Tanzanienne (TAFICO)a été créée comme société de droit public. Elle s’adonne au chalutage de crevettes pour l’exportation. En termes de captures de poissons et de crevettes roses, les importants investissements de TAFICO n’ont pas été justifiés par la Tanzanie.
La plupart des bateaux sont des dons en tant qu’"aide" et les opérations actuelles sont contrôlées par les Japonais qui exportent les crevettes roses au Japon.
Le département de la pêche a également tenté de promouvoir le dévelopement au niveau villageois par le biais de ses services de base et l’approvisionnement en équipement et en infrastructure, surtout suite aux politiques du village d’Ujamaa depuis 1967. Celles-ci n’ont pas eu tout le succès attendu.
Bien que les taxes et l’enregistrement des bateaux n’aient commencé qu’en 1975, les rapports entre fonctionnaires et pêcheurs ne se sont pas améliorés.
Des centres de formation à la pêche ont été établis, mais les formateurs étaient des experts formés en Europe. Si bien que les technologies et les facilités accordées étaient inadaptées. Pour répondre aux critiques sur le manque de pertinence, des pêcheurs furent choisis comme groupe cible et des programmes mis en place pour apprendre à entretenir les filets et les moteurs hors-bords. Très peu des gens ont reconnu les pêcheurs comme de véritables experts et étaient exclus des prises de décision. Même si la recherche de base peut être considérée comme valable, elle reste sans intérêt pour la majorité des pêcheurs de Tanzanie.
Par contraste, le département de Botanique et l’Institut des Sciences Marines se sont intéressés aux pêcheurs traditionnels, en influençant la politique du Gouvernement sur la gestion de la zone littorale.
Une destruction extensive
Des dynamitages détruisent de larges zones de récifs et font baisser la productivité. C’est aussi un générateur de conflits entre pêcheurs à la dynamite et pêcheurs traditionnels.
Il existe des propositions pour déclarer protégées des zones de récifs coralliens et interdire toute pratique, même non-destructrice.
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, Tanzanie
Lan BRYCERON, biologiste marin de Tanzanie, est actuellement en Norvège.
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BRYCERON, Lan
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