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Le blanchiment de l’argent de la drogue au Nigeria

11 / 1994

L’évêque anglican du Nigeria, le Révérend Abiodun Adetiloye a déclaré en l992 : "Le Nigeria est l’un des pays au monde où il y a le plus grand nombre de jeunes millionnaires sans moyens d’existence connus". Les manifestations ostensibles de nouvelles fortunes, souvent inexpliquées, suffiraient en effet à suggérer l’existence d’activités de blanchiment. Grosses cylindrées japonaises ou allemandes flambant neuves, que l’on peut observer dans Allen Avenue (surnommée "Cocaïne Avenue")dans le quartier d’Ikeja, maisons à l’architecture baroque qui prolifèrent dans les nouveaux quartiers résidentiels offerts à la spéculation immobilière (Victoria Island, Maroko)et la centaine de petites banques privées ouvertes depuis deux ans. Le blanchiment est facilité par le fait que les banques nigérianes ont des succursales ou des correspondants dans le monde entier et qu’il n’existe pas de législation anti-blanchiment dans le pays. D’autre part, les Nigérians utilisent les mêmes techniques que les Indo-Pakistanais pour rapatrier de l’argent de l’étranger que ces derniers appellent hundi system. Il consiste à faire virer au Nigéria, sur un simple coup de téléphone, l’équivalent en monnaie locale d’un versement effectué en devises dans un pays du Nord. C’est la raison d’être de nombre de "merchant banks" privées, autorisées depuis septembre l990, et souvent ouvertes par d’ex-gouverneurs militaires rendus à la vie civile par le processus de transition avec de confortables "économies."

Jusqu’au 1er août l993, la revente de CFA à la Banque de France était également un moyen de blanchir l’argent sale. Les trafiquants de pays oeuvrant dans les pays frontaliers de la zone franc comme le Nigeria ont inondé leurs voisins de marchandises de contrebande (y compris de drogues)contre des francs CFA. La Banque de France a été ainsi noyée sous des torrents de billets. Selon un haut fonctionnaire de cette institution, cité par le "Canard Enchaîné" du 3 novembre 1993, les deux tiers des 400 milliards de CFA (8 milliards de francs), rachetés en l992, auraient une origine frauduleuse. Mais la décision de non-convertibilité du franc CFA a été vite contournée par les spéculateurs nigérians. Ils ont créé au Togo et au Bénin en particulier, des boutiques écrans pour le recyclage des CFA collectés au Nigeria et dans d’autres pays de la sous-région. Les versements en banque pour le compte de ces boutiques, officiellement présentés comme recettes des ventes, ne sont pas autre chose que les CFA importés des pays où cet argent est désormais non convertible, comme le Nigeria.

Les activités d’import-export du pays servent aussi à couvrir les opérations de blanchiment. On trouve à Lagos du matériel hi-fi ou des voitures japonaises de luxe à des prix qui sont inférieurs aux prix de vente dans leur pays d’origine. La même technique de l’achat surfacturé (en dollars car il n’existe pas de narco-nairas)et de la revente à perte est utilisée par certaines compagnies d’aviation privées dont la seule raison d’exister réside dans ces opérations. Ces petites compagnies achètent au prix fort des Bac 111, des Trident III, des Tupolev 134, des Yakolev 40 et des Boeing 727. Ces avions, d’un âge vénérable, sont exploités jusqu’à leur première panne majeure. Un autre moyen pour blanchir l’argent sale sont les casinos que contrôlent des groupes libanais, pakistanais et chinois. Enfin les Nigerians utilisent toutes les possibilités qui leur sont offertes par les autres pays anglophones et les pays francophones eux-mêmes, en Afrique de l’Ouest.

Mots-clés

drogue, corruption, recyclage des déchets


, Nigéria

Notes

Les sources d’information de cette fiche sont confidentielles et non communicables.

Source

Enquête

OGD=OBSERVATOIRE GEOPOLITIQUE DES DROGUES

OGD (Observatoire Géopolitique des Drogues) - France

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