11 / 1994
Le roi Hassan II a surpris la plupart des observateurs en annonçant, à l’automne 1992, que les cultures illicites s’étendaient sur 50 000 hectares (l’évaluation généralement admise variait entre 30 000 et 35 000). Les enquêtes menées sur le terrain ont permis d’établir que cette estimation est encore en-dessous d’une réalité que les autorités marocaines cernent parfaitement. En effet, au début de chaque année, le service des Statistiques économiques du ministère de l’Agriculture fait établir par les directions régionales un relevé complet des surfaces cultivées y compris de kif. Bénéficiant d’une totale impunité, les cultivateurs répondent de bonne grâce aux questions des enquêteurs.
Ayant eu partiellement accès à ces données, l’OGD a pu établir avec certitude qu’au moins 54 000 hectares de cannabis ont été plantés, en 1993, dans les provinces d’Al-Hoceima, de Chefchaouen et de Larache. D’autres cultures, dans les provinces de Tétouan, Taounate et Sidi-Kacem, n’ont pu être précisément quantifiées. Les observateurs s’accordent pour les estimer entre 10 000 et 20 000 hectares. Le cannabis couvre donc au moins 65 000 hectares dans le nord du Maroc. En 1980, les cultures illicites n’occupaient que de 5 000 à 10 000 ha.
Ce calcul ne tient pas compte de l’éventuel développement de cultures sous serres dans d’autres régions du pays : le Bureau of International Narcotic Matters du département d’État américain, citant des sources officielles marocaines, parle ainsi du Souss (région d’Agadir). D’autres sources évoquent les régions de Khouribga, de Béni-Mellal et d’El-Jedida.
Les rendements moyens permettent d’évaluer la production de kif brut à près de 100 000 tonnes. Le gouvernement marocain évalue la c onsommation locale entre 15 et 40 % de la production. Au moins 60 000 tonnes de kif sont donc destinées à être élaborées sous forme de résine (haschisch)pour l’exportation. Mais la totalité de la récolte n’est pas transformée dans l’année, le meilleur kif ne se traitant qu’après un an de stockage. On ne peut donc parvenir qu’à un potentiel de production de haschisch qui, d’après les procédés de fabrication observés sur place, est de quelque 1 500 tonnes d’une résine de qualité moyenne.
A titre de compAraison, en 1993, les services de renseignement de la police criminelle néerlandaise donnaient une fourchette de 240 et 360 tonnes, sur la base de 30 000 ha. En partant de 65 000 hectares cultivés, l’évaluation néerlandaise correspondrait à un maximum de 780 tonnes. Mais ce calcul est fondé sur des rendements correspondant à la qualité de haschisch la plus élevée, en réalité largement minoritaire. Par ailleurs, en 1989, les services américains créditaient le Liban - alors considéré comme premier producteur mondial de haschisch -, d’une production de 995 tonnes, pour des surfaces évaluées à 25 000 ha. Ce qui donnerait, au Maroc, à rendements égaux, 2 340 tonnes.
La montée en flèche de la production s’était déjà traduite dans les statistiques des saisies mondiales. L’OIPC-Interpol dresse un bilan annuel à partir des seuls chiffres que les services des Etats membres veulent bien lui communiquer. Ainsi, en 1985, 8,5 tonnes de dérivés cannabis d’origine marocaine ont été saisis dans le monde. En 1990, on passait à 71,5 tonnes, puis à 118, en 1991 (cette même année, 36% du haschisch saisi en Europe venait du Maroc). En 1992, 152,6 tonnes, dont 89,5 en Europe. Pour 1993, enfin, Interpol pointe 142,5 tonnes, dont 112 en Europe, soit une augmentation de 23% par rapport à l’année précédente.
drogue, agriculture illicite, production de drogue, cannabis
, Maroc
Le Maroc est incontestablement le premier producteur mondial de haschisch. Cependant, si l’on se fonde sur les saisies opérées dans le monde, la production du Croissant d’or (essentiellement Pakistan et Afghanistan), pourrait être supérieure à celle du Maroc. Mais comme c’est essentiellement la production d’héroïne venant de cette région du monde qui intéresse les polices internationales, on dispose de relativement peu de données concernant les cultures du cannabis et les exportations de ses sous-produits.
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Enquête
<OGD=OBSERVATOIRE GEOPOLITIQUE DES DROGUES>
OGD (Observatoire Géopolitique des Drogues) - France