C’est sous le signe d’une volonté de pragmatisme, d’efficacité, du soucis de l’échange d’information et de la capitalisation d’expériences nationales diverses que s’est tenu à Alger, les 26, 27 et 28 avril 1993, le premier atelier du Colloque "Vulgarisation agricole : théorie et pratique". Divers acteurs du développement local (agriculteurs, vulgarisateurs et formateurs, représentants desadministrations nationales et des chercheurs se sont réunis pour faire le point sur les modalités d’organisation des appareils de vulgarisation, sur leurs objectifs, sur les résultats des programmes de vulgarisation passés ou en cours, sur la nature des techniques et des formations diffusées, sur le rôle imparti et joué par les pouvoirs publics et les diverses organisations professionnelles et , enfin, l’attitude des agriculteurs eux-mêmes. Trois jours d’échanges et de débats qui doivent être considérés non comme un aboutissement mais comme le signe d’un décloisonnement national de la réflexion sur les questions de développement et partant, de la pertinence de mise en place de réseaux.
"Faire adopter au moindre coût, un savoir donné par le plus grand nombre d’agriculteurs en un minimum de temps" telle est brièvement résumé un accord général de point de vue de la part des intervenants des trois pays du Maghreb sur l’objectif d’efficacité à atteindre.
Un certain nombre de constats communs sont retirés des différentes expériences nationales ; une insuffisance des moyens matériels et humains affectés à la vulgarisation, un déficit d’information concernant la quantité et l’origine des ressources financières affectées à ce domaine, une gestion des ressources dominée par les Etats, des messages techniques non pertinents, mal ciblés, faisant souvent fi des moyens limités des pays et des savoirs-faires traitionnels locaux, un environnement économique défaillant ne permettant pas d’assurer la peérennité de la diffusion des techniques, des vulgarisateurs insuffisamment formés et enfin des agriculteurs économiquement faibles qui n’"osent" pas le changement et les risques qu’il entraîne.
Face à cette critique, des propositions sont énoncées.
La clarification des origines et des quantités des ressources affectées à la vulgarisation devraient permettre de mieux gérer les fonds disponibles dans une perspective de long terme et la répartition des dépenses par postes, d’évaluer les engagements respectifs des Etats, des entreprises, des groupements d’agriculteurs, mais également la part des organismes internationauxs. Cette information permettrait d’expérimenter des combinaisons de différents modes de gestion des ressources afin de mieux en répartir le coût. Tout en valorisant les acquis en termes d’expériences des pouvoirs publics, l’objectif est d’évaluer le coût d’autres types de systèmes de gestion (entreprises, groupements, projets...)et notamment de responsabiliser le rôle des organisations professionelles (recrutement direct de techniciens, contribution à la mise à disposition de moyens matériels)dans le développement de ce secteur.
Cette clarification doit s’accompagner d’une actualisation des contenus des programmes de vulgarisation. Celle-ci passe par la prise en compte des moyens réels du pays, de la région, du département et des terroirs bénéficiaires, par l’adaptation du message technique aux demandes spécifiques des agriculteurs, par l’identification de populations ciblées avec des attentes homogènes, et par l’organisation d’un "service après diffusion" pour chaque message technique diffusé.
La rénovation des contenus des programmes est liée à un effort accru de formation des personnels d’encadrement (méthodes d’écoute et d’identification des besoins des agriculteurs, compétences d’animation, connaissances des savoirs-faires traditionnels en usage)mais aussi par une amélioration des conditions d’intervention de ces derniers et une revalorisation du statut de vulgarisateur.
Enfin, pas de vulgarisation agricole efficace sans des agriculteurs motivés au changement. Une formation renforcée (générale et technique), une participation accrue, un appui à la structuration d’organisations collectives et un soutien des Etats auprès des petits agriculteurs afin de participer aux risques d’introduction d’une technique nouvelle constituent les principaux leviers pour susciter cette motivation paysanne.
Si prises individuellement ces propositions ne sont pas nouvelles, en revanche, appréhendées en système au niveau d’une sous-région maghrébine, elles acquièrent une dimension innovante. L’avantage d’une telle approche est de restituer de façon liée une chaine de facteurs influant sur la réussite ou au contraire sur le blocage d’une politique de vulgarisation ; ses sources et son volume de financement,son mode de gestion, son contenu, ses diffuseurs et ses destinataires. De la volonté de prendre en considération tous ces éléments liés dépend aujourd’hui largement la capacité à faire évoluer et dynamiser des systèmes de vulgarisation agricole pertinents.
agriculture paysanne, agriculture, vulgarisation agricole
, Afrique du Nord, Afrique
Ce séminaire tenu à Alger les 26, 27 et 28 avril 1993 sur le thème de "La vulgarisation agricole au Maghreb" a été organisé conjointement par la FPH, le CIHEAM, en collaboration avec l’INA (Alger)et du CREAD et l’appui financier de la DGI/CCE.
L’auteur de la fiche est sociologue.
Articles et dossiers
CIHEAM, CIHEAM in. CAHIERS OPTIONS MEDITERRANEENNES, 1993/04/26 (France), VOL 2