1995
Les sciences sociales contemporaines proposent plusieurs profils de l’acteur faisant correspondre à chacun d’eux, des modes d’action et des marges de liberté différents. En général, le concept d’acteur évoque non pas l’image d’un automate, mais, au contraire, désigne un être doué de raison, disposant d’une certaine marge d’autonomie et porteur de valeurs, de projets et d’intentions.
L’auteur passe en revue 4 modèles essentiels qui oscillent entre plusieurs pôles qui font de l’acteur un être plus ou moins socialisé, plus ou moins autonome, guidé par ses intérêts ou piégé par sa subjectivité. Il accorde au concept "d’idéal-type" de Weber, l’origine d’une typologie aujourd’hui en vogue dans les analyses de l’action sociale, modifiée et affinée successivement par Parsons et Habermas. Dans "Economie et société", Weber distinguait en effet, 4 logiques d’action (pouvant par ailleurs coexister dans un même phénomène): l’action traditionnelle, rattachée aux normes sociales; l’action affective, guidée par des passions; l’action rationelle, impliquant l’adéquation entre fins et moyens, et l’action rationelle, orientée par des valeurs où le sujet défend des idéaux sans forcément chercher l’efficacité. Voici les 4 modèles proposés :
1)L’homo oeconomicus, promu par les tenants de l’utilitarisme anglais qui a conçu une doctrine morale et sociale dans laquelle l’homme est motivé essentiellement par ses intérêts privés qu’il chercherait à maximiser. Il correspond au profil du bourgeois égoïste et calculateur qui soupèse ses coûts et ses avantages avec prudence.
2)Le stratège. Certains sociologues proposent cette conception plus complexe et réaliste (Crozier, Boudon, Friedberg). Si l’acteur conserve les caractéristiques principales de l’homo oeconomicus, il possède surtout une autonomie d’action et est capable de faire des choix, mais il est aussi aux prises avec la logique d’un système qu’il a contribué à forger. Loin d’être doué d’un redoutable esprit de logique, cet acteur se contente de trouver des solutions acceptables à ses problèmes, dans le cadre des informations toujours partielles dont il dispose. Il est raisonnable plutôt que rationnel.
3)L’acteur engagé : héros ou militant. Dans cette conception du sujet, un acteur est celui qui agit au nom de valeurs, il combat sans calculer de façon prudente le solde de ses coûts et bénéfices et souhaite donner à sa vie un sens qui ne se résume pas à la somme de plaisirs personnels. Le mouvement social est ici une notion clé en tant qu’acteur collectif ou groupe organisé porteur d’une forte identité et d’un projet de transformation de la société (les premiers travaux de Touraine portent sur ce thème).
4)L’acteur hyper-socialisé. Il est le prisonnier de ses rôles parce qu’il est un comédien soucieux de l’image qu’il donne de lui (Goffman)ou bien, il est sous le poids de "l’habitus", structurant des conduites (Bourdieu). Certains psychologues sociaux rappellent aussi que l’acteur est enfermé dans le moule de ses rôles par un fort processus d’intériorisation des normes sociales.
science, acteur social, théorie scientifique
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Cet encadré d’un article plus général que le même auteur a publié sur l’approche des phénomènes sociaux en termes d’acteurs, offre les avantages et les inconvénients des schémas mais représente un "aide-mémoire" rapide et synthétique avec les principales idées-outils des analyses autour de la problématique sociologique de l’acteur.
Articles et dossiers
WEINBERG, Achille, A quoi jouent les acteurs ? in. SCIENCES HUMAINES, 1995/05/00 (France), 9
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