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Voici comment on sème les semences de la famine et de la guerre

Mohamed Larbi BOUGUERRA

10 / 1994

C’est en juin 1983 que la guerre fit irruption dans ce village somaliende Hufey, sur les bords du fleuve Juba. Une douzaine d’hommes armés du clan des Marehan- dont les terres sont arides et souffrent du surpaturâge- chassèrent la quarantaine de familles paysannes du clan minoritaire des Gabaweyn qui cultivaient le maïs et les légumes. La terre appartenait désormais à un grand dignitaire du gouvernement, proche parent du Président Siad Barre et qui, par l’intermédiaire d’un parent employé du ministère de l’Agriculture, obtint des documents déclarant ces terres « ferme coopérative ».

Bientôt, les bulldozers déracinèrent les arbres et détruisirent les canaux d’irrigation mais seule une maigre surface fut plantée: on voulait en fait cette terre pour spéculer non pour la cultiver. Les auteurs affirment que la raison principale du conflit somalien est la terre et c’est aussi le cas au Libéria et au Soudan. Ces guerres portent, on le conçoit aisément, des coups sévères à l’environnement et exacerbent les tensions. Les auteurs insistent fortement sur ce point. En Somalie, ce sont les minorités oubliées vivant entre les fleuves Juba et Shebelle qui ont fait les frais de ces spoliations. Ils n’ont plus accès au crédit, aux aides, à l’irrigation ou aux marchés.

Les nouveaux propriétaires avaient beaucoup d’entregent et de relations. On les appelle les « pillards au crayon » car c’est à partir de leurs bureaux qu’ils volent les terres en payant des mercenaires pour protéger leurs biens si mal acquis qui produisent maïs et bananes. Les paysans affamés qui tentent de voler ces aliments sont impitoyablement abattus et leurs cadavres exposés à titre dissuasif. Les paysans dépossédés des minorités devinrent une proie facile pour les pillards et les miliciens.

Les auteurs notent que les troupes du Général Aïdid comptaient nombre de nomades dont les terres ont été confisquées. Ce général se battrait pour « libérer des paturâges et des fermes » pour ses supporters alors que ses adversaires veulent rétablir « les propriétaires légitimes » c’est-à-dire l’élite précédemment aux commandes. De toute façon, concluent nos auteurs, les paysans des tribus minoritaires demeureront impuissants et au bord de la famine.

Mots-clés

lutte pour la terre, guerre, minorité ethnique, gestion des ressources naturelles, paix et développement, paix et justice, guerre et économie


, Somalie

dossier

Ébauche pour la construction d’un art de la paix : Penser la paix comme stratégie

Commentaire

Cet article est important pour l’explication des conflits de la Corne de l’Afrique notamment. Il souligne les causes environnementales des guerres et des famines ainsi que le rôle du népotisme et du clanisme dans leur déclenchement. Respect des droits des gens, émergence d’un Etat de droit et management attentif de l’environnement paraissent des garants essentiels de la paix.

Notes

Titre original de l’article : « Sowing the seeds of famine and war »

Source

Articles et dossiers

DE WAAL, Alex, OMAAR, Rakiya, Guardian Newspapers Ltd in. THE GUARDIAN, 1994/02/25 (ROYAUME UNI)

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