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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Reconstruire le Rwanda

Dynamiser la recherche agronomique, les établissements publics à vocation économique et valoriser l’enseignement agricole

Françoise FEUGAS

11 / 1994

"Comme dans beaucoup de pays africains, les structures de développement économique au Rwanda étaient para-étatiques et non rentables. Par exemple, dans le domaine industriel, le traitement du thé et du café, par l’OCIR, était malheureusement très discutable: usines tournant en sous-régime, à 50% ou moins de leur potentiel. Les commerçants pakistanais, omaniens, arrivent bien, eux, à développer leurs affaires !

Dans le domaine de l’agriculture elle-même, comment dynamiser la recherche agronomique avec des chercheurs pas toujours très motivés, dont certains sont plus préoccupés d’arrondir leurs fins de mois par des travaux extérieurs : cours à l’université, expertises, sans parler des voyages, missions à l’étranger, commerces... Tous comportements bien compréhensibles quand votre collègue expatrié dispose d’un véhicule personnel, de la video... Cela se traduit par une instabilité du personnel de recherche et des programmes mal suivis et réitérés chroniquement, sauf s’il existe une structure parallèle plus cohérente et stable (FAO, CIAT...)dont les spécialistes ne restent d’ailleurs souvent pas assez longtemps.

Sur le terrain, les structures de développement agricole présentaient un défaut majeur : il y avait souvent un fossé entre les agents de vulgarisation et les paysans. Les agronomes et vétérinaires, plutôt compétents, communiquaient assez mal avec eux. Le travail de terrain était en partie confié à des moniteurs agricoles, les "monagris", peu qualifiés, souvent placés là par les autorités locales et perçus plus souvent comme des gendarmes, des contrôleurs. Il faudrait relever le niveau de ces monagris. Mais où recruter l’élite de ces techniciens agricoles, après les massacres ? On pourrait aussi s’inspirer du modèle des "naam" du Burkina Faso où le "monagri" est un paysan reconnu par ses pairs et donc plus crédible, qui effectue ce travail à temps partiel.

Autre révolution culturelle agricole : celle entreprise en particulier depuis 1990 par l’équipe pluridisciplinaire du CIAT avec les chercheurs de l’ISAR à Rubona au Rwanda. Il s’agit d’associer les paysans dans les démarches et protocoles, de reconnaître leurs compétences et savoirs en leur conférant de manière non démagogique la qualité de "paysans experts".

En ce qui concerne l’enseignement agricole, outre le fait que l’orientation scolaire et professionnelle vers le technique se décide par tests, à la fin du cycle primaire, l’organisation de la formation agricole reste perfectible. L’enfant malchanceux ou moins brillant qui était orienté vers une école d’agriculture devait suivre 6 années de formation professionnelle répétitives et démobilisantes. 4 années techniques après deux années généralistes seraient sans doute plus efficaces tout en donnant aux élèves des bases plus solides pour permettre aux meilleurs éléments de franchir des passerelles pour l’université.

Par ailleurs, la nomination comme enseignant était vécue comme une malchance par les jeunes agronomes ou vétérinaires diplômés car elle signifiait moins d’avantages en nature (véhicule, missions...). Les professeurs techniques étaient donc peu motivés et enseignaient quelquefois sans conviction, cherchant à quitter l’enseignement dès que possible. Suggestion utopique : pourquoi les agronomes, vétérinaires, forestiers, vulgarisateurs, checheurs, etc. ne seraient-ils pas formateurs à temps partiel ou bien périodiquement pendant quelques années ? L’enseignement serait plus motivant et plus concret."

Mots-clés

technicien et paysan, recherche et développement, formation professionnelle, légitimation du savoir, valorisation des savoirs traditionnels, recherche et formation, agriculture, vulgarisation agricole


, Rwanda

Commentaire

Je suis conscient que bon nombre de mes réflexions-suggestions sont plutôt idéalistes car plus du domaine culturel que technique. Mais comme l’écrivait Robert BURON : "Utopie d’aujourd’hui, réalité de demain".

Notes

L’auteur a travaillé 7 ans au Rwanda et a dirigé un centre de perfectionnement pour les agents de développement agricole dans le cadre de la Coopération française. Cette fiche reprend une partie de sa contribution à la préparation du séminaire de Kigali sur la reconstruction du Rwanda (octobre 1994).

Source

Texte original

VINCENT, Jean Philippe

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