Pour une certaine privatisation des établissements publics
12 / 1994
Avant les événements tragiques que l’on connaît, le Rwanda disposait d’une administration assez efficace et plutôt "propre", malgré d’inévitables "placements" familiaux, régionalistes et claniques. Les structures d’Etat fonctionnaient relativement bien jusqu’en 1990.
Une certaine privatisation d’établissements publics serait-elle une solution à prendre en compte dans la reconstruction de l’administration ?
"Pendant 3 ans, j’ai pu l’expérimenter dans la petite structure de formation continue dont j’avais la responsabilité. Bien que dépendant des ministères de l’agriculture et de l’éducation, cette structure fonctionnait en autofinancement, hors frais de personnel permanent pédagogique et administratif. Les prestations - des stages- étaient payantes à prix coûtant. Ce projet, après deux années d’exercice et malgré la guerilla dans le nord du pays, était rentable et dégageait des bénéfices après amortissement du matériel et des bâtiments. Des produits financiers étaient même obtenus grâce à un compte à terme recueillant les provisions pour amortissement. Une partie du personnel était autofinancée et tous (administratifs, formateurs et agents de service)étaient intéressés aux résultats par l’octroi d’une prime trimestrielle d’exercice. Mes collaborateurs rwandais avaient eux-mêmes défini la clé de répartition de cette prime: une partie égalitaire pour chacun et et une partie plafonnée et proportionnelle selon les postes. Un gouffre de dépenses dans les administrations est le parc automobile. Aussi, les chauffeurs avaient une prime individuelle de "bonne conduite" (idée empruntée à un projet au Burundi): pas d’accident responsable, vol ou dégradation, ou encore de kilométrage "privé" ouvrait droit à une prime trimestrielle. En revanche, les consommations personnelles de carburant, téléphone, télécopie... autorisées ou reconnues pouvaient se traduire par une retenue sur la prime, voire sa suppression décidée en réunion de négociation avec tout le personnel.
L’inconvénient majeur de cette formule était son côté "gendarme" avec les vérifications des consommations téléphoniques, des carnets de route des véhicules, etc. Par ailleurs, cela était possible parce que la structure s’était créée et développée lentement et était restée à échelle humaine (11 personnes). Mais chacun avait sa part de responsabilité et de participation active et reconnue financièrement et solidairement dans le bon fonctionnement. Bilan et litiges étaient discutés collectivement."
autofinancement, autogestion, renforcement des institutions, responsabilité citoyenne, administration publique
, Rwanda
"Je suis conscient que (la privatisation des établissements publics)est un peu utopique, mais pendant trois années j’ai pu le mettre en place et le vérifier, à court terme au moins"...
L’auteur a travaillé 7 ans au Rwanda et a dirigé un centre de perfectionnement pour les agents de développement agricole dans le cadre de la Coopération française. Cette fiche reprend une partie de sa contribution à la préparation du séminaire de Kigali sur la reconstruction du Rwanda (octobre 1994).
Texte original
VINCENT, Jean Philippe
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