Une rencontre entre théoréticiens et praticiens sur le thème "L’économie populaire (dite informelle)constitue-t-elle un modèle ou une impasse ?" fut organisée par le Réseau Cultures en septembre 1993 à Bruxelles. Ignacio Larraechea y fit une description de l’économie populaire au Chili. Celle-ci y fut longtemps considérée "marginale" alors qu’elle concerne cependant plus de la moitié de la population du pays, celle des bidonvilles. Cette attitude découlait de la vision industrialisante-modernisatrice en vigueur, qui ne pouvait que mépriser une économie "invisible" et dépourvue de rationalité économique stricte. Sous le régime de Pinochet, les citoyens étaient considérés comme producteurs et consommateurs, sans aucun égard (sauf la répression sanglante)pour leurs mouvements sociaux. Face à ce capitalisme sauvage se sont développées toutes sortes d’initiatives et pratiques. Par la nature des activités entreprises, on peut distinguer dans le bidonville : les stratégies délictueuses (crime, drogue, vols); assistantielles (trouver de l’aide); les micro-entreprises uniquement économiques souvent issues d’une famille (production, commerce fondés seulement sur la logique économique); et enfin les OEP ou Organisations de l’Economie Populaire. Celles-ci sont souvent issues de groupes extra-familiaux et se caractérisent par des objectifs multiples où s’entrecroisent solidarité et production. Les valeurs d’entraide, de réciprocité, d’égalité, de démocratie y sont centrales, si bien qu’on peut y déceler une approche de l’Economie qui se confond avec le Bien-Etre commun. Les OEP ne se limitent pas à assurer la survie en cas d’urgence, même si ce souci a souvent été à leur origine. Elles ne se bornent pas non plus à rechercher la simple subsistance. Elles visent la vie, ce qui leur donne sens et dynamisme. Parmi les caractéristiques de ces OEP, il y a lieu de noter celles-ci : il y a, en leur sein, un autre sujet organisateur que le capital, à savoir la communauté et son travail; l’organisateur (communautaire)initial joue un rôle important comme facteur d’efficacité; la participation des travailleurs est centrale. A côté du secteur étatique et celui des entreprises privées naît ainsi une nouvelle culture de l’Economie. Le "poblador" (habitant des bidonvilles)n’est plus considéré comme un échec de la modernité (vision modernisatrice du Desarollismo des années soixante)ni comme un future entrepreneur proto-moderne, "capitaliste aux pieds nus" qu’il faut soit intégrer dans le secteur formel (années 70)soit laisser libre et à l’abri de la loi (H. Sotto). Aujourd’hui, on considère l’OEP comme un sujet socio-économique populaire digne d’intérêt. A partir des années 80 naît une interaction dynamique et féconde entre l’université et le peuple, l’expert et le "marginal".
Si le but de l’entreprise capitaliste est la maximisation du profit et l’accumulation financière, le but de l’OEP est l’accumulation multidimensionnelle : elle vise "plus d’argent" et, en même temps, "plus de relations". La performance au site de l’OEP n’est pas seulement rationnelle (au sens étroit de l’homo economicus), elle est aussi relationnelle. Si la régulation de l’économie capitaliste est assurée par la concurrence, celle de l’OEP est garantie par la logique des réseaux, à savoir un mélange de concurrence et de coopération. Ainsi les vieux aident les jeunes afin qu’ils ouvrent d’autres ateliers qui deviendront ... concurrents.
Compte rendu de colloque, conférence, séminaire,…
LARRAECHEA, Ignacio
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