05 / 1994
H.F. est agriculteur en Aveyron depuis 1975. Sensibilisé depuis toujours aux problèmes de santé humaine, de pollution et d’environnement, il a été conduit à faire le choix de l’agriculture biologique quand il a été confronté à un problème grave de santé de son troupeau en 1983.
La décision impliquait une réorganisation complète de son activité agricole : il est passé d’un mode de production intensif visant l’accroissement continu des quantités produites (le modèle prôné par la modernisation)à une production raisonnée en fonction d’objectifs non pas seulement techniques et économiques, mais obéissant à une éthique : produire un produit de qualité, en quantité suffisante pour faire vivre sa famille, mais pas plus (de manière à permettre un certain "partage de la production"), et lui permettant de sortir de l’isolement de l’exploitation agricole, par les contacts noués à travers la commercialisation...
Dix ans plus tard, l’expérience est positive; H. F. produit avec un troupeau dont la santé s’est stabilisée, des produits d’une qualité reconnue et constante qui lui ont acquis une clientèle fidèle, probablement plus sûrement que la qualification "bio" (qui ne figure d’ailleurs que très discrètement sur les produits). Son réseau de clientèle (grossistes, détaillants)s’étend dans tout le sud de la France, et localement il approvisionne des super- marchés, des restaurateurs.
Pourtant, le développement du projet ne fut pas facile. Dans le milieu professionnel agricole (parmi les organisations professionnelles agricoles, la plus déterminante est le Crédit agricole)l’agriculture biologique n’a été reconnue que très récemment. Pendant la décennie 8O, les agriculteurs biologiques étaient considérés par la "profession agricole" au mieux comme de "doux rêveurs", mais le plus souvent comme des "bricoleurs" incapables de "tenir" une exploitation agricole. Leur attribuer des aides publiques ou leur apporter un appui technique (pour lequel les organisations professionnelles agricoles traditionnelles ne disposaient d’ailleurs d’aucune référence technique)tenait donc du gaspillage des deniers publics.
L’autre front sur lequel H.F. dit s’être énergiquement battu pendant dix ans, est celui des producteurs biologiques eux-mêmes. Refermés sur eux-mêmes, se déchirant entre différentes tendances, ils n’ont pas su, selon H.F., construire un projet collectif leur permettant une réelle intégration dans la société, que ce soit à l’échelon local ou au niveau global.
Aujourd’hui, H.F. pense avoir trouvé une opportunité de réaliser ce type de projet. Il est arrivé à convaincre deux autres producteurs de lait de vache biologique, de créer avec lui une fromagerie biologique, dans le chef-lieu de canton. L’entreprise emploierait un fromager qualifié et peut-être ultérieurement du personnel de commercialisation pour résoudre le problème de saturation en travail qui pèse sur tous les producteurs faisant de la transformation. Un potentiel de clientèle suffisant semble exister, pour admettre à moyen terme, d’autres producteurs biologiques . L’idée a séduit les élus locaux, à la recherche de projets ruraux à financer dans le cadre d’une action LEADER (Fiche 36). La Chambre d’Agriculture qui, depuis 1992, a affecté un technicien au secteur de l’agriculture biologique soutient le projet. Muni de ces cautions institutionnelles, le projet est favorablement accueilli par les banques et devrait entrer en phase de réalisation dans l’année à venir.
milieu rural, agriculture, agriculture biologique
, France, Aveyron
L’Aveyron est un département emblématique de la modernisation agricole. L’agriculture s’y est développée avec un indéniable succès jusque dans les années 80 sur le modèle "productiviste" (intensification-spécialisation des productions-concentration des structures)qui a exclu pendnt trois décennies toute forme d’agriculture alternative.
Aujourd’hui, face à la situation de crise que connait le modèle de développement intensif, des évolutions se dessinent, y compris dans les organisations professionnelles agricoles, et les voies exclues hier, deviennent des perspecties envisageables "pour certains", "en complément de revenus"...
L’initiative de H.F. ouvre de nouvelles perspecties pour les exploitations ayant fait le choix de l’agriculture biologique, à travers la création d’unee entreprise rurale qui consacre son intégration dans le développement local.
Entretien
ENSAM (Ecole Nationale Supérieure d’Agronomie de Montpellier) - L’ENSAM fait partie depuis janvier 2007 de Montpellier SupAgro qui est née de la fusion de 4 établissements : ENSAM, Centre national d’études agronomiques des régions chaudes (CNEARC), Département industries agroalimentaires régions chaudes de l’École nationale supérieure des industries agricoles et alimentaires (ENSIA-SIARC) et Centre d’expérimentations pédagogiques de Florac (CEP Florac). 2 place Pierre Viala, 34060 Montpellier Cedex 1, FRANCE - Tél. 33 (0)4 99 61 22 00 - Fax 33 (0)4 99 61 29 00 - France - www.agro-montpellier.fr - contact (@) supagro.inra.fr