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FESOL, la Foire de l’Economie Solidaire, Chili

Marlyse STRASSER THOMMEN

07 / 1994

Avant la FESOL, les OEP (Organisations Economiques Populaires)surgissent au Chili en 1974/75, presque au lendemain du coup d’Etat, comme réponse immédiate de ceux qui sont marqués par cet ensemble fait de répression, de faim, de chômage, de marginalisation, consécutif aux bouleversements politiques et économiques entraînés par l’effondrement de la démocratie et l’implantation d’un modèle économique de caractère néo-libéral. Elles connaissent une deuxième vague d’expansion et se consolident au moment de la grave crise de 1982/83 qui se superpose à la première et précipite à nouveau des milliers de travailleurs vers le chômage et le sous-emploi. L’expansion des OEP se poursuit sans discontinuer pendant les longues années au cours desquelles - traversant les dépression et les "embellies" - la pauvreté et les inégalités ne cessent de s’approfondir. Identifiées par le Programme d’Economie du Travail au nombre de 492 en 1982, elles passent à 1.383 en 1986, 2.259 en 1991 et 5.300 en 1992, mobilisant autour de 50.000 membres actifs et capables d’atteindre ou de faire bénéficier plus de 200.000 personnes.

La FESOL : "Foire de l’Economie Solidaire" :

Du 2 au 6 octobre 1991, s’est réalisée à Santiago du Chili la première FESOL : événement étonnant, à grand retentissement, permettant à 550 ateliers et micro-entreprises d’exposer et vendre leurs produits, attirant 40.000 visiteurs. L’expérience est renouvelée en 1992 avec 800 entités participantes, en 1993 avec 1.100 et 10 institutions et ONG d’appui. Ces sommets, qui permettent indiscutablement aux OEP de faire d’importants sauts qualitatifs, sont à la fois le fruit de longs mûrissements et l’occasion d’identifier les nouveaux défis qui leur sont posés. Voici ces trois aspects synthétisés :

1. Les mûrissements : Le processus des OEP est accompagné et soutenu par quelques ONG chiliennes, qui prennent dès 1984 l’initiative de faciliter une première rencontre des ateliers de travail. Des représentants de 179 ateliers se sont présentés, identifiant leurs principaux problèmes au nombre de cinq : commercialisation de la production, accès aux ressources financières et au crédit, accès à des technologies adaptées aux besoins, gestion et organisation. Plusieurs ONG se spécialisent alors dans la réponse à l’un ou l’autre de ces besoins et une rencontre des ateliers de travail se renouvelle désormais d’année en année.

Dans la foulée, une première et timide tentative de foire est lancée en 1985 avec 80 ateliers, donnant un assez maigre résultat : des produits souvent inadéquats et de médiocre qualité, une absence quasi totale de publicité et de marketing. C’est dire la distance parcourue entre 1985 et 1991, jusqu’à la réalisation de la première FESOL : aboutissement et point culminant d’un chemin fait de tâtonnements, de formation, d’échecs.

2. Les sauts qualitatifs : La grande avancée, répondant d’ailleurs aux objectifs fixés par les organisateurs, est celle de l’ouverture au public en général et de l’insertion sur le marché en général; se présenter enfin au grand public; être stimulé dans la préparation de produits de qualité, beaux, utiles; exposer, vendre, créer des contacts commerciaux, faire connaissance avec un monde plus vaste d’entrepreneurs, de travailleurs, d’étudiants, de professionnels, d’organismes publics... D’ailleurs, les groupes participants ont connu des fortunes diverses quant à leurs niveaux de ventes. L’apparition sur le marché "formel" ne s’improvise pas : marketing, capacité d’élaborer et de présenter des produits modernes, renouvelés, contrôle de qualité, maîtrise de la législation ne sont que quelques aspects parmi ceux qui appellent le perfectionnement.

3. Les nouvaux défis : Mais au-delà, ce sont des ambitions nouvelles qui pointent :

- constituer une équipe permanente de lien entre la préparation de la Foire et les exposants pour mieux préparer ces derniers et aussi garantir que la Foire continue à être ce lieu à la disposition des ateliers et micro-entreprises pour leur permettre de s’ouvrir de nouveaux marchés grâce à une production améliorée,

- développer des stratégies de publicité qui ouvrent l’accès à des populations de revenus moyens ou élevés,

- connecter les exposants avec des institutions d’appui financier,

- devenir le lieu de rencontre et de vente le plus important pour les ateliers et micro-entreprises du pays,

- projeter la Foire aux dimensions du pays par l’itinérance, et pourquoi pas ouvrir des échanges vers l’Amérique latine et l’Europe ?

Et pour conclure...

Quel est le grand enseignement tiré par Luis Razeto lors de son entretien à Paris avec les ONG françaises , en octobre 1993 ?

"Il y a une décennie ou deux en arrière, la pauvreté au Chili était une pauvreté totalement passive. Quand on parlait de la pauvreté, on se demandait : Qu’est-ce qui affecte les pauvres ? Quelles sont leurs carences ? Aujourd’hui, quand nous parlons de la pauvreté, nous tendons spontanément à nous demander : Que font les pauvres ? Comment affrontent-ils leurs problèmes, leurs besoins ? Comment s’organisent-ils ? Il s’agit d’une pauvreté active, qui développe des capacités, des énergies, des forces réelles et pour autant des solutions à ces problèmes. C’est une pauvreté qui, culturellement, est complètement distincte de ce que nous avions auparavant. C’est une pauvreté qui s’organise dans un processus d’activation économique".

Mots-clés

exclusion sociale, emploi, chômage, entreprise


, Chili

Notes

Fiche rédigée à l’appui de l’enregistrement conférence/débat avec Luis Razeto à Paris, les 12 et 13 octobre 1993.

Source

Articles et dossiers

RAZETO, Luis, CEDAL FRANCE=CENTRE D'ETUDE DU DEVELOPPEMENT EN AMERIQUE LATINE in. COMUNICANDO, 1993/11/, 24

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