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Un an après Cancún et à quelques jours de Durban

Pablo Solón

Pablo Solón écrit que, au cours de l’année 2011 les négociations sur le changement climatique ont davantage porté sur la forme que sur le fond. A Durban, les négociateurs voudront défaire le Protocole de Kyoto. Ce serait un véritable suicide.

Un an s’est presque écoulé depuis que les résultats des négociations sur le changement climatique de Cancún ont été imposés, avec pour seule objection celle de la Bolivie. Il est temps que nous fassions le point et de voir ce qu’il en est à présent. A Cancún, les pays développés ont fait état de leurs engagements en matière de réduction d’émission de gaz à effet de serre pour la période 2012-2020. Les États-Unis et le Canada ont déclaré qu’ils réduiraient leurs émissions de 3% sur la base du niveau 1990, l’Union Européenne de 20 à 30%, le Japon de 25% et la Russie de 15 à 25%. (1).

Une fois que tous les engagements en matière de réduction des pays développés sont cumulés, la réduction totale des émissions d’ici 2020 devrait être de 13 à 17% par rapport au niveau 1990. Selon Le Programme des Nations Unies pour l’environnement  (2), le Stockholm Environment Institute  (3) et même le Secrétaire de direction à la Convention sur le changement climatique  (4) ces engagements concernant la réduction d’émission de gaz à effet de serre nous conduiraient à une augmentation moyenne de la température mondiale d’environ 4°C ou plus  (5). Ce qui double le chiffre qui avait été établi à Cancún, à savoir une augmentation maximale de la température de 2°C.

Avec une augmentation de 2°C, le nombre de victimes engendré chaque année par les catastrophes naturelles liées au changement climatique, qui était de 350 000 en 2009  (6), pourrait s’élever à des millions. Entre 20 à 30% des espèces animales et de la flore seraient voués à disparaître. De nombreuses zones côtières et de pays insulaires disparaîtraient sous les eaux, et les glaciers des Andes, dont la surface a déjà été réduite d’un tiers du fait de l’augmentation de la température de seulement 0.8°C, disparaîtraient entièrement.

Pouvez-vous imaginer ce qui se produirait si la température moyenne mondiale s’élevait de 4°C ou plus  (7)? Personne n’a cautionné ou justifié un accroissement d’une telle ampleur lors des négociations sur le changement climatique. Néanmoins, Cancún a permis d’ouvrir une brèche en ce sens. Quand la Bolivie s’est opposée à cette décision, les négociateurs nous ont déclaré que ce qui était important était de sauvegarder le processus diplomatique des négociations et que le changement climatique serait sauvé à Durban. Il ne reste plus que quelques jours avant le début des négociations à Durban, et il s’avère que les engagements en matière de réduction n’ont pas progressé d’un millimètre. Pire encore, certains pays déclarent qu’ils pourraient décider d’abaisser les taux sur lesquels ils s’étaient engagés.

Malheureusement, au cours de l’année 2011, les négociations sur le changement climatique qui se sont tenues en Thaïlande, en Allemagne et au Panama ont davantage porté sur la forme que sur le fond. Ce qui est au centre des négociations actuellement n’est pas tant comment les engagements en faveur de la réduction peuvent être améliorés, mais plutôt, comment ils peuvent être effectifs. Les « accords » de Cancún signifiaient qu’il fallait passer d’un système obligatoire avec des objectifs mondiaux de réduction de gaz à effet de serre, vers un système volontaire sans aucun objectif à l’échelle mondiale. C’est comme si quelqu’un disait aux habitants d’une petite ville qui va être anéantie par une inondation : « Apportez toutes les pierres que vous pouvez trouver et voyons quelle est la hauteur du barrage que nous pouvons construire ! » En fait, vous devez d’abord déterminer quelle devrait être la hauteur du barrage pour qu’il puisse endiguer l’inondation, et partant de cela, chaque famille devrait dire combien de pierres elle pourrait apporter pour contribuer à sauver la ville entière.

A Durban, ils parlent de deux différentes façons de mettre en pratique le régime volontaire selon lequel «  n’importe quoi fera l’affaire » : quelqu’un doit terminer le Protocole de Kyoto et répertorier les engagements en matière de réduction de gaz à effet de serre que chaque pays souhaite mettre en place dans une décision COP-17. L’autre voie est de faire la même chose en approfondissant le contenu du Protocole de Kyoto. Dans les deux cas, l’accord consiste à défaire le Protocole de Kyoto avant 2020.

Afin de mieux comprendre la seconde voie, laissez-moi préciser que le Protocole de Kyoto comprend actuellement un objectif mondial de réductions des émissions de 5.2 pour cent pour la période 2007-2012. Selon le Comité Intergouvernemental des Nations Unies sur le changement climatique, il avait été établi que nous devons réduire les émissions de 25 à 40 pour cent pour la période comprise entre 2013 et 2020 afin de limiter l’accroissement de la température de 2°C. (8)

Ceux qui préconisent le maintien du Protocole de Kyoto comme une coquille vide sont les pays qui redoutent l’opinion publique, ceux qui sont persuadés qu’ils doivent au moins faire semblant que le Protocole de Kyoto perdurera afin d’apaiser les électeurs. Mais l’autre raison pour laquelle ils voudraient maintenir un Protocole de Kyoto dénué de réductions d’émissions, provient des mécanismes qu’il induit au niveau de l’effondrement du marché du charbon.

Le Protocole de Kyoto a beaucoup de faiblesses, mais le réduire à une coquille vide ou le faire disparaître à Durban serait un véritable suicide. La seule alternative responsable est de préserver le Protocole de Kyoto avec un objectif de réductions des émissions qui nous permettrait d’éviter d’incinérer la planète.

 

1 Document UNFCCC FCCC/SB/2011/INF: Une réduction minimale d’émissions de 13% et maximale de 17% pour la période 2013-2020.
2 Unep report
3 Oxfam report
4 Accords de Cancún
5 4° C correspond à une moyenne mondiale, mais certains continents tels que l’Afrique envisagent un accroissement de la température de 8°C.
6 Données fournies par the Global Humanitarian Forum presidé par l’ancien secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan.
7 IPPC publications
8 IPPC publications

Mots-clés

négociation internationale, changement climatique, impact sur l'environnement


, Afrique du Sud

dossier

Retours sur la COP 17- Changement climatique et luttes populaires

Commentaire

Pablo Solón est un analyste international et un militant pour les droits sociaux. Il a été le négociateur principal du changement climatique et l’ambassadeur des Nations Unies auprès de la Bolivie jusqu’en Juin 2011.

En premier lieu, cet article a été publié sur le blog de Pablo Solón, Hoy es Todavia.

La traduction a été réalisée par Elisabeth Pleiber, traductrice à Ritimo

Il est disponible en anglais One year since Cancun and days from Durban

Notes

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