La normalisation règlementaire constitue une condition sanitaire d’accès au marché et une barrière douanière non tarifaire, mais qu’en-est-il des labels ou normes dits « volontaires » ?
1 - Une alternative à la normalisation : les labels
Selon l’article L.115-21 (loi n° 94-2 du 3 janvier 1994, art. 1er) du code Civil de la consommation Française, « Les denrées alimentaires et les produits agricoles non alimentaires et non transformés peuvent bénéficier d’un label agricole ou faire l’objet d’une certification de conformité aux règles définies dans un cahier des charges ».
Ainsi, les labels agricoles attestent qu’une denrée alimentaire ou qu’un produit agricole non alimentaire et non transformé possède un ensemble distinct de qualités et de caractéristiques spécifiques préalablement fixées dans un cahier des charges et établissant un niveau de qualité supérieur. Alors que le certificat est une forme de communication entre vendeur et acheteur, le label est une forme de communication avec le consommateur final.
Les produits alimentaires labellisés renseignent donc sur leur origine et leur mode de production. Ils permettent ainsi de développer une agriculture durable dans les régions rurales fragiles grâce à la production d’une valeur ajoutée obtenue par un supplément de prix accepté par le marché. Mais, cette plus-value dépend encore une fois du type de pays producteurs ainsi que des chemins de commercialisation.
A - Le commerce équitable
Définition et cadre juridique
Le commerce équitable est défini par le réseau FINE (1) (F.L.O., I.F.A.T., NEWS et E.F.T.A.) qui regroupe la majorité des associations du commerce équitable au niveau international comme étant « un partenariat commercial, fondé sur le dialogue, la transparence et le respect, dont l’objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions commerciales et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés, tout particulièrement au Sud. Les organisations du Commerce Équitable s’engagent activement à soutenir les producteurs, à sensibiliser l’opinion et à mener campagne en faveur de changements dans les règles et pratiques du commerce international conventionnel».
En France cette définition est officialisée par un accord AFNOR (2) (AC X50-340) adopté en 2006 et par l’article 60 de la loi du 2 août 2005 sur les PME qui donne une dimension officielle à cette définition. Cependant, même si des lois existantes posent les principes fondamentaux du commerce équitable, il n’y a pas de réel cadre juridique pour contrôler les associations : chaque association a son label, aucun label commun n’étant reconnu par l’État.
C’est un mouvement social et un partenariat commercial qui obéit à des normes sociales, économiques et environnementales ayant pour but d’améliorer la situation des producteurs qui y adhèrent. Le mouvement privilégie les échanges commerciaux Nord-Sud, particulièrement dans les secteurs alimentaires et des matières premières (café, cacao, sucre, thé, bananes, miel, coton, fruits frais etc.) mais aussi dans l’artisanat.
Cependant, on parle également de commerce équitable Nord-Nord et Sud-Sud.
La démarche du commerce équitable a pour but de modifier les pratiques commerciales et de consommation en proposant un modèle de production et d’organisation alternatif préservant les droits des producteurs et travailleurs marginalisés. Les associations du commerce équitable font ainsi la promotion de la démocratie, de la transparence et du respect des droits de l’homme (égalité entre les sexes, le droit des enfants, les conditions de travail) autour d’objectifs définis par les producteurs dont des prix de production déterminés par les coûts économiques mais aussi les coûts de production humains, sociaux et environnementaux.
Labellisation et contrôle
En France, en l’absence d’une norme légale et d’un mode de certification uniformisé du commerce équitable, divers systèmes de garantie privés ont vu le jour : « labellisations privées », mécanismes de reconnaissance ou marques.
Chaque acteur de la profession garantit ou fait garantir ses produits sur la base de référentiels privés et distincts. Et par extension, le terme de label est utilisé pour désigner un logo et le respect d’un cahier des charges.
Au niveau international, les réseaux FINE et STEP (3) (Saskatchewan Trade and Export Partnership) proposent des modèles de certification afin d’uniformiser les pratiques nationales et sectorielles des acteurs du commerce équitable mais ne disposent d’aucun mandat spécifique pour organiser de manière impérative le secteur.
Au niveau national, des regroupements d’organisations de commerce équitable comme la PFCE (Plate-forme Française pour le Commerce Équitable) ont vu le jour et travaillent aussi au rapprochement des différentes pratiques de leurs membres.
Les garanties peuvent respectivement porter sur un produit de base, sur les étapes du processus qui va de la production à la distribution, ou directement sur une structure (pour valider qu’elle est une organisation de commerce équitable).
Par exemple, deux regroupements d’associations, reconnus comme organisme certificateur de label commerce équitable, ont des modes de fonctionnement différents : Une filiale de l’association FLO (4) (Fairtrade Labelling Organizations), FLO-cert, rassemble depuis 1997 les organismes de labellisation du commerce équitable. La certification FLO porte sur les produits et non sur les entreprises.
L’IFAT (5) (International Federation for Alternative Trade - ou International Fair Trade Association), qui existe depuis 1989, est généraliste. Elle a lancé en 2004 la certification FTO (Fair Trade Organization), qui a pour caractéristique essentielle de certifier « commerce équitable » non pas des produits mais des organisations, Alter Eco, la fédération Artisans du Monde, et Solidar’Monde par exemple.
Ces deux modes de certification très différents peuvent ensuite se retrouver côte à côte dans les magasins et le consommateur ne fera pas la différence entre un produit labellisé équitable et une association labellisée équitable qui appose ensuite son logo sur les produits.
Théoriquement, les deux systèmes sont plus ou moins équivalents car respectent un cahier des charges qui colle à la définition du commerce équitable mais de nombreuses critiques sont lancées.
Par exemple, Max Havelaar est cofondateur et membre intégrant de la FLO et par conséquent de FLO-cert qui certifie les produits Max Havelaar. Cet organisme certificateur est donc soupçonné de manquer d’indépendance.
B - Les enjeux de la labellisation de l’agriculture biologique
L’agriculture biologique est un mode de production basé sur le respect de l’environnement c’est-à-dire que les producteurs s’engagent à utiliser des matières organiques recyclées, favoriser les rotations de cultures et la lutte biologique, ne pas utiliser de produits phytosanitaires, d’engrais (sauf liste positive) et d’organismes génétiquement modifiés.
L’agriculture biologique est réglementée au niveau international et dans certains pays au niveau national. C’est l’IFOAM (International Federation of Organic Culture Movement) créée en 1972 qui coordonne les organisations de ce secteur et a apporté une crédibilité à cette époque à l’agriculture biologique.
Historiquement il existe deux types d’agriculture biologique :
La biodynamie : dont les principes ont été posés dans les années 20 par R. Steiner et dont la première marque est apparue sous le nom de Demeter en 1928 (voir plus loin). Elle est basée sur les forces cosmiques et telluriques.
Le second type prône un retour à l’agriculture paysanne autonome avec une utilisation du compostage, elle est fondée sur les écrits de Sir A. Howard dans les années 40.
Les deux courants s’accordent pour laisser une place importante à la vie du sol et donc à la fertilisation. Très rapidement l’agriculture « bio » intéresse les petits producteurs européens qui n’ont pas les moyens de suivre la modernisation croissante de l’agriculture « traditionnelle ».
Selon l’IFOAM (6), l’agriculture biologique se doit d’intégrer une dimension éthique qui se traduit par des objectifs :
Écologiques : reconstitution de la fraction vivante du sol, association de la culture et de l’élevage afin d’utiliser les déjections animales, choix de végétaux et animaux adaptés au milieu, bien être animal, réduction de l’impact environnemental.
Sociaux et humanistes : solidarité internationale, rapprochement avec le consommateur, coopération, équité des acteurs, sauvegarde de l’emploi rural, maintien du paysan à la terre.
Économiques : entreprise à taille humaine, concertation à tous les échelons de la filière, équité des prix, distribution locale, économies structurelles.
Le label « bio » demande aux producteurs de répondre à un cahier des charges précis et d’être certifiés. En France, il existe de nombreux organismes de certification indépendants et privés tel que Ecocert, Qualité France, AFAQ-ASCERT etc… eux-mêmes accrédités par le COFRAC.
Les labels nationaux (AB en France) disparaissent aujourd’hui au profit du label européen, qui s’aligne par le bas sur des exigences nationales, d’où pour les agriculteurs biologiques français la mise en place d’un label privé : Bio cohérence correspondant aux contraintes que les agriculteurs biologiques militants souhaitent maintenir.
Pour que les producteurs du Sud se mettent à l’agriculture biologique tout en répondant aux critères demandés par le Nord, la problématique d’une certification efficace et adaptée dans ces pays doit être posée.
Le label « bio », par ailleurs n’est intéressant pour les producteurs du Sud qu’au niveau de l’exportation vers le Nord. Actuellement, les consommateurs locaux portent peu d’intérêt à ce type de produits.
C - D’autres labels alimentaires
Demeter
Il s’agit d’un organisme international qui labellise les productions agricoles respectant les règles de la biodynamie. Antithèse de l’exploitation intensive, l’agriculture biodynamique est fondée sur la connaissance et le respect des rythmes et conditions de développement propres aux espèces animales et végétales.
Nature & Progrès
Ce label concerne les productions animales ou végétales et comporte des critères plus poussés que ceux du cahier des charges AB, tels que la diversification des productions, la labellisation d’une exploitation entière et non de produits, l’exclusion de tous les produits chimiques sans exception, etc. Nature & Progrès labellise aussi des engrais ou des cosmétiques ; la certification est établie par les mêmes organismes indépendants que pour le label AB.
Indication géographique (IG)
Selon l’Accord ADPIC (Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au
Commerce), « Les Indications Géographiques servent à identifier un produit comme étant originaire du terroir d’un pays, ou d’une région ou localité de ce territoire, dans le cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique».
L’IG est un droit de propriété intellectuelle reconnu dans 150 pays, c’est un droit collectif d’usage. L’IG informe sur le nom d’un terroir d’origine et désigne un produit qui en est issu. Elle est liée à une tradition et bénéficie d’une bonne réputation. L’IG ne se crée pas, elle se reconnaît et consacre une production existante.
Parmi les IG, on trouve :
Les Appellations d’Origine Contrôlée : AOC
Chaque AOC est définie par un décret qui détermine l’aire géographique et les conditions de production. Sa bonne application est assurée par l’institut national des appellations d’origine (INAO) mais un certain laxisme a permis peu à peu aux producteurs d’élargir la définition de départ au détriment de la qualité et de la rareté des produits. Cette appellation n’est désormais plus un gage de qualité.
Les Appellations d’Origine Protégées : AOP
L’Appellation d’Origine Protégée désigne la dénomination d’un produit dont la production, la transformation et l’élaboration doivent avoir lieu dans une aire géographique déterminée avec un savoir-faire reconnu et constaté.
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