L’enjeu de la culture du maïs, face à l’insécurité alimentaire
05 / 2011
1 - Une agriculture familiale
Le paysan malawien pratique majoritairement une agriculture familiale de subsistance impliquant plus de 80% de la population du pays.
Si l’agriculture familiale reste prédominante, elle est néanmoins concurrencée par les plus grosses exploitations. Ainsi, à partir d’une surface de 10 hectares, les exploitations agricoles sont considérées comme des entreprises dépassant l’échelle familiale : ce sont les « Estates ». Enregistrés auprès du gouvernement, ils occupent la moitié des terres arables du Malawi, répartis entre quelques 30000 domaines de 10 à 500 hectares.
Ci-dessus : Parcelle irriguée de canne à sucre, district de Chikwawa (Lower Shire). La compagnie sucrière ILOVO occupe de très grandes surfaces pour ses plantations de canne à sucre dans le sud du Malawi ; parfois au dépend de petits agriculteurs qui se voient expropriés de leurs terres. Photographie Claire Schmitt Forget, 01/11/2009
De leur côté, les familles produisent pour subvenir à leurs besoins et façonnent le paysage par leurs activités paysannes ; elles sont également la force de travail pour la gestion de l’espace rural, ainsi que les utilisateurs de l’espace naturel et forestier. Tout l’espace est optimisé, chaque bout de terrain a sa fonction, son utilité.
Le paysan malawien ne possède que très peu d’équipements : la houe est le principal outil, aussi, la force de travail est un facteur très important pour la production agricole.
Il existe des pics de travaux dans les champs, périodes pendant lesquelles les habitants sont tous très occupés. Lorsque les premières pluies arrivent, en novembre, les réserves de maïs commencent à s’épuiser. Les familles les plus vulnérables n’ont plus assez de nourriture et elles doivent travailler intensément dans leurs champs. Pour subvenir à leur besoin alimentaire, ces familles proposent leur service pour les travaux agricoles sur d’autres fermes que la leur, en échange de nourriture (Erreur : source de la référence non trouvée).
L’agriculture familiale malawienne est fortement rythmée par les saisons. Les faibles ressources (terres et intrants agricoles) ne permettent souvent pas de produire assez pour subvenir aux besoins de la famille. Lorsqu’il n’y a plus de maïs, les paysans font face à la « soudure » alimentaire, entre novembre et mars. L’alimentation change et s’adapte à la situation de pénurie. L’agriculture pratiquée répond également aux contraintes de cette situation.
Une description simplifiée de la vie paysanne au Malawi peut être représentée par un calendrier contenant les faits agricoles marquants.
Le calendrier tient compte de 4 cultures principales, représentatives des systèmes agraires de du Sud Malawi.
Le Maïs : Cette céréale fût introduite par les portugais, premiers européens qui explorèrent la région. C’est la culture la plus importante au Malawi. Elle fournit l’alimentation de base (Erreur : source de la référence non trouvée).
Les pois d’Angole : Cette légumineuse est largement utilisée par les paysans parce qu’elle contribue à l’amélioration de la fertilité des sols. Cette plante possède la particularité de fixer l’azote de l’air et de la restituer dans le sol.
Le tabac : Cette culture de rente est la principale source de revenus pour le paysan Malawien.
Le Manguier : Cet arbre fruitier est également très important parce qu’il produit ses fruits au moment où la nourriture se fait plus rare (période de soudure).
2 - Maïs et diversité des cultures associées
L’agriculture malawienne était dominée par le millet et le sorgho jusqu’au XVI° siècle lorsque les portugais commencèrent à introduire progressivement le maïs, originaire d’Amérique. Aujourd’hui, le maïs constitue au Malawi la principale nourriture de base alors que le tabac représente la principale culture de rente.
Outre le maïs, les autres cultures de base sont le manioc, le riz, le sorgho, le millet, la patate douce et la pomme de terre, auxquelles il faut associer les légumineuses.
Outre le tabac, les autres cultures de rentes sont pour l’essentiel le thé, le sucre, le coton et les arachides, puis dans une moindre mesure le café, le tournesol et les légumineuses (soja…).
Dans le contexte malawien, le maïs présente l’avantage de pouvoir être consommé directement dans le foyer ou d’être revendu. Les prix du maïs évoluent au cours de l’année. Juste après la récolte, les prix sont très bas puis augmentent fortement en saison des pluies (période de soudure). Ceux qui le peuvent attendront novembre où décembre pour revendre quelques sacs lorsque les prix auront remonté. Ces variations de prix sont évidemment d’autant plus forte qu’il y a peu de coopératives paysannes et banques de semences.
Dans un contexte de forte densité de population (particulièrement au sud du pays), la compétition sur les terres pousse les agriculteurs à rechercher les meilleurs moyens de subsistance. Comme l’ont montré plusieurs diagnostics, les paysans en manque de terre réduisent à un an puis suppriment totalement les jachères. On assiste alors à une rotation maïs/tabac. Pour faire face, les paysans ne disposant que d’une petite surface multiplient les associations culturales, comprenant au moins quatre cultures et jusqu’à neuf dans certaines parcelles. Sur une même parcelle il est ainsi fréquent de trouver du maïs, des pois d’Angole, des citrouilles, du manioc, du tabac, du sorgho, des arachides, des patates douces, ainsi que des herbes sauvages comestibles, papayers, bananiers, manguiers.
Outre le poisson, les sources de protéines sont constituées par les légumineuses et l’élevage. Les légumineuses se partagent entre haricots, pois d’Angole, cornille (pois à vache), arachide, « ground bean » et soja.
L’élevage, pratiqué par 54% des familles concerne pour l’essentiel les poulets (49%), les chèvres (29%), les cochons (9%), les vaches (6%) et les moutons (2%) et dans une moindre mesure les ânes, les lapins, les pintades, les pigeons, les dindes et les cochons d’Inde.
Les principaux fruits très présents dans l’alimentation des malawiens, sont les bananes, les papayes, les mangues, les avocats et les oranges. Quant à certains fruits comme les fraises, les pêches, les goyaves ou les framboises, ils ne se trouvent qu’au niveau des zones de montagne au climat particulier tel que le plateau de Zomba ou la montagne de Dedza.
Concernant les légumes d’accompagnement, si les citrouilles, aubergines, tomates et oignons sont cultivés partout, d’autres légumes sont plus rares. Carottes, ail ou diverses salades ne sont cultivées que dans certaines zones particulières. Seuls les marchés les plus accessibles (du point de vue des transports) seront donc approvisionnés par ces produits.
3 - Pêche et aquaculture
Les lacs et rivières au Malawi occupent 20% de la surface totale du pays. De 500 à 1000 espèces de poissons sont recensées dans les eaux malawiennes. Le poisson constitue de 60 à 70% de l’apport protéique des malawiens.
Image 2 : Etal de poissons séchés (matemba), marché de Lilongwe. Le poisson péché dans les lacs Malawi, Malombe et Chilwa est séché dans les villages côtiers puis transporté par vélo ou minibus vers les marchés de tout le pays où il est vendu au détail. Photographie Bernard Schmitt, 02/11/2010
Depuis les années 2000, les captures plafonnent entre 40000 et 50000 tonnes par an contre un pic à 85000 tonnes dans les années 1970, illustrant ainsi une situation de surpêche.
Les pêches sont concentrées sur les lac Malawi, Malombe, Chiuta et Chilwa ainsi que sur la rivière Shire. Il s’agit de pêche artisanale à plus de 85% au moyen de barques ou pirogues à propulsion généralement manuelle. Le poisson pêché est principalement conservé par séchage/fumage.
Par ailleurs, l’aquaculture s’est énormément développée depuis le début des années 2000.
Tableau 1 : Pêches - captures : Production du Malawi de 1950 à 2003 (source FAO)
Tableau 2 : Aquaculture : Production du Malawi de 1950 à 2003 (Source FAO)
4 - Insécurité alimentaire
Le paysan reste très dépendant de la prépondérance de la culture du maïs pluvial (cultivé lors de l’unique saison des pluies annuelle) par rapport au maïs irrigué. La diminution de la fertilité des sols du fait de l’utilisation d’engrais inorganiques, la déforestation et la diminution de la propriété foncière (en moyenne moins de 0,5 ha de surface agricole par famille) expliquent en partie que la population souffre d’un degré élevé d’Erreur : source de la référence non trouvée.
En période de soudure, nombreux sont ceux qui n’atteignent pas le minimum calorique journalier requis. Malgré tout, au-delà des programmes de subvention gouvernementaux, des stratégies sont mises en place par les paysans pour stabiliser si ce n’est améliorer leur situation. Ces stratégies incluent la pratique des cultures associées ainsi que la vente de la force de travail (« Ganyu »). D’autres initiatives villageoises consistent à créer des banques de maïs pour aider les paysans à passer la période de soudure sans manquer de nourriture et à augmenter leur production agricole.
sécurité alimentaire, agriculture familiale, technique agricole
, Malawi
Malawi : « révolution verte » et souveraineté alimentaire, quel avenir ?
Avec la contribution de Daniel Rupp, Manuel Milz, Goulven LeBahers, Laurence Mathieu-Colas et Odile Schmitt
Lire le dossier en intégralité : www.ritimo.org/dossiers_pays/afrique/malawi/malawi_intro.html
Sources :
DELINCE, Guy – « Fish farming development in Malawi : Which way ahead? ; Le développement de l’aquaculture au Malawi : Quelle direction prendre ? » EC FISHERIES COOPERATION BULLETIN; CE COOPERATION PECHE BULLETIN, n°1, 1995/03, P. 23-27
FAO – Département des pêches et de l’aquaculture – Profil des pêches et de l’aquaculture au Malawi
MOREAU, Anne – « La considération des contraintes socio-culturelles : élément essentiel d’un programme de lutte contre la malnutrition dans la région de Lilongwe Est au Malawi ». BORDEAUX : IFAID AQUITAINE, 2003, 146 P.
NJAYA Friday – « Coup d’oeil sur la gestion participative des pêches ». SAMUDRA, n°49, 2008/03, P. 29-34.
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