10 / 2010
La biologie synthétique – la conception et l’ingénierie de composants biologiques pouvant être utilisés pour construire une grande variété de systèmes biologiques – est un domaine scientifique âprement débattu. Malgré ses implications considérables pour la santé humaine, Gareth Jones et Mariam Mayet se demandent si les inquiétudes éthiques bien réelles que suscitent cette technologie seront réellement abordées dans ces débats.
« [La biologie synthétique] désigne de manière générale la conception délibérée de systèmes et d’organismes biologiques inédits, s’appuyant sur des principes mis en lumière aussi bien par des biologistes que des chimistes, des physiciens ou des ingénieurs… Fondamentalement, il s’agit de la recréation de la vie. » (1)
Le domaine émergent de la biologie synthétique a récemment fait des vagues dans la communauté scientifique mondiale. Au début de cette année, Craig Venter, le ponte de la génomique, a annoncé que sa compagnie avait créé le premier organisme auto-reproducteur au monde.
Des scientifiques ont proclamé que cette discipline était sur le point d’ouvrir les portes d’un approvisionnement potentiellement infini en agrocarburants et en composés pharmaceutiques. Les implications éthiques de cette nouvelle technologie sont considérables, non seulement parce qu’elle permettra potentiellement à terme de créer des systèmes ou des organismes biologiques qui n’existent pas dans la nature, mais parce que des scientifiques sont déjà capables de synthétiser plusieurs pathogènes et virus mortels pour l’homme (2). Pourtant, selon le Groupe d’experts de haut niveau de l’Union européenne sur la biologie synthétique, « il est probable que nous ne sommes pas à l’heure actuelle en possession d’un système conceptuel éthique qui puisse fournir un cadre commun pour de tels débats » (3).
Comme les définitions de la biologie synthétique sont fonction de l’approche scientifique adoptée ou de l’application ultime d’un projet donné, il n’existe encore à l’heure actuelle aucune classification standard. Toutefois, il est globalement admis que cette discipline utilise des principes issus d’une multiplicité de disciplines, parmi lesquelles les nanotechnologies, la biologie, la physique, la chimie et le génie génétique pour concevoir et construire des composants biologiques pouvant être utilisés de manière interchangeable pour produire une grande variété de systèmes biologiques. Ces systèmes peuvent être destinés à de multiples usages, depuis la production de médicaments à celle de substances chimiques, d’hydrocarbures ou de nourriture (4).
Le financement de la biologie synthétique
Les recherches menées par le Synthetic Biology Project (5) ont révélé qu’il y a actuellement plus de 180 organisations aux États-Unis et 50 autres en Europe impliquées dans le secteur de la biologie synthétique, en matière de recherche, de développement et de commercialisation. Le marché annuel de la recherche en biologie synthétique est estimé à 600 millions de dollars US, un chiffre qui pourrait potentiellement dépasser 3,5 milliards durant la prochaine décennie. D’autres projections relatives à cette industrie vont encore au-delà, l’une d’entre elle allant jusqu’à supposer que près de 20% du 1,8 billion de dollars US de chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique pourrait dépendre de la biologie synthétique dès 2015 (6).
Depuis 2005, la recherche relative à la biologie synthétique a reçu environ 430 millions de dollars US du gouvernement fédéral américain, tandis que l’Union européenne et les gouvernements allemande, hollandais et britannique ont déboursé autour de 160 millions.
Le Département de l’énergie (DOE) des États-Unis est de loin la plus importante source de fonds de recherche, les estimations les plus modestes chiffrant sa contribution à 350 millions de dollars US sur cette période (et les plus hautes à 700 millions de dollars US). Le Département américain de la défense aurait lui aussi consacré 20 millions de dollars US de son budget gargantuesque en 2010-2011 à la recherche en biologie synthétique, mais aucune informations supplémentaire n’est publiquement disponible.
La biologie synthétique a été désignée comme champ de recherche prioritaire dans l’UE dès 2003, et 53 millions de dollars US de financement ont été approuvés depuis cette date. On estime que le gouvernement du Royaume-Uni a dépensé entre 30 et 53 millions de dollars US depuis 2005. En 2008, trois universités hollandaises (Université technologique de Delft, Université de Groningen et Université technologique d’Eindhoven) ont annoncé un plan d’investissement de 90 millions de dollars US sur les 5 à 10 ans à venir (7).
Seulement 4% des dépenses de recherche aux États-Unis depuis 2005 ont été dédiées aux implications éthiques, légales et sociales de la biologie synthétique. En Europe, le chiffre est encore inférieur, un piteux 2%. Plus choquant encore, il n’a pas été possible d’identifier un seul crédit de recherche dédié à l’évaluation des risques de la biologie synthétique (8).
Le financement privé de la recherche en biologie synthétique concerne dans son écrasante majorité les applications en termes d’agrocarburants, et ce sont les géants du pétrole qui mènent le bal. En 2009, ExxonMobil, pour son premier investissement majeur dans le domaine des agrocarburants, a conclu un partenariat de 600 millions de dollars US avec Synthetics Genomics pour le développement de carburants à partir d’algues (9). En 2007, BP a annoncé un accord de recherche de 500 millions de dollars US avec l’Université de Californie à Berkeley pour le développement d’agrocarburants synthétiques (10). Amyris Biotechnologies, l’entreprise créée en 2003 par le professeur Jay Keasling, le principal chercheur du projet artémisinine de cette même université, a recruté l’ancien directeur des carburants de BP aux États-Unis pour être son premier directeur général. Son actionnaire le plus important est le géant français du pétrole et du gaz Total.
Cet afflux de capital vers la biologie synthétique a, du point de vue d’au moins un professeur d’ingénierie biomédicale, détourné l’attention et les talents des domaines où cette discipline pouvait potentiellement apporter des bénéfices au grand public (11). Le parallèle avec l’ingénierie génétique des variétés agricoles ne pourrait être plus éclatant. Durant la dernière décennie, des produits génétiquement modifiés hautement lucratifs comme le maïs et le soja (utilisés de manière prédominante pour nourrir les animaux d’élevage industriel, qui nourrissent à leur tout la minorité qui peut se payer de la viande au niveau global) ont amené des profits records au complexe agro-chimico-semencier global. Au cours de la même période, le déluge de « bienfaits » qui devaient émanciper les damnés de la terre de la faim et de la pauvreté ne se sont pas matérialisés.
La malaria, l’artémisinine et la biologie synthétique – un nouveau « sauveur de l’Afrique »
Il y a dix ans, lorsque le génie génétique en était encore à ses premiers pas commerciaux, ses promoteurs brandissaient l’exemple du « riz doré », génétiquement modifié pour augmenter sa teneur en vitamine A, pour délégitimer les inquiétudes et les appels à la précaution relatifs à cette technologie. Aujourd’hui, le « riz doré » n’a toujours pas été commercialisé, et toute une nouvelle gamme de variétés « adaptées au changement climatique » nous sont promises pour sauvegarder dans l’avenir notre approvisionnement alimentaire face à une instabilité climatique croissante.
À n’en pas douter, le projet auto-publicitaire phare de la biologie synthétique a été la recherche menée en collaboration à Berkeley pour créer de l’artémisinine (un médicament anti-malaria fondamental) synthétique. Cette recherche a été initiée en 2004 et est un effort conjoint de l’Université de Californie, de l’Institute for OneWorld Health (iOWH) et d’Amyris Inc, une compagnie privée de génomique créée par le directeur de recherche Jay Keasling. Le financement initial de 42,6 millions de dollars US a été fourni par la Fondation Bill et Melinda Gates. Il a été annoncé en juillet de cette année que le projet avait atteint le terme de sa phase de développement et était prêt à passer à la phase de commercialisation, en partenariat avec le géant pharmaceutique français Sanofi Aventis et à l’aide d’une subvention supplémentaire de 10,7 millions de dollars US de la Fondation Gates (12). On s’attendait auparavant à ce que le médicament soit disponible en 2009 ou 2010.
La malaria, l’artémisinine et les TCA
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que la moitié de la population mondiale est exposée à la malaria. L’OMS recommande aujourd’hui les thérapies combinées à base d’artémisinine (TCA) comme le seul traitement encore efficace de la malaria sans complications, et affirme qu’un usage approprié des TCA est efficace dans 90% des cas (14).
En 2009, le TCA était adopté au niveau mondial par 80 pays comme traitement de base de la P.falciparum malaria sans complications (15). La fourniture de doses de TCA par l’OMS a rapidement augmenté au cours de la dernière décennie, de 500 000 en 2001 à 160 millions en 2009 (16).
La seule source naturelle connue de l’artémisinine est la plante A. annua, qui est endémique à la Chine. Un espèce sœur, l’artimisia afra, pousse à l’état sauvage en Afrique du Sud, mais ne produit pas elle-même d’artémisinine. Depuis la découverte des propriétés anti-malaria de l’artémisinine dans les années 70, l’A. annua a été cultivée en Chine et au Vietnam. Dans les années 90, sa culture s’est étendue à l’Afrique (17). La plante met de 6 à 8 mois pour atteindre son état de maturité entre le moment où elle est plantée et celui où elle est récoltée, et son cycle total de production peut dépasser 14 mois. Une fois manufacturés, la plupart des TCA ont une durée de vie de 24 mois au plus, ce qui induit des contraintes logistiques spécifiques, particulièrement pour les pays où l’anticipation de la demande et les capacités de stockage sont limitées.
Globalement, une proportion significative de l’approvisionnement en médicaments anti-malaria basés sur l’artémisinine provient de pays dotés d’industries pharmaceutiques récentes à croissance rapide, comme la Chine, l’Inde, le Pakistan et le Vietnam, mais aussi de nombreux pays africains comme le Ghana, le Kenya, le Nigeria, le Togo, l’Ouganda et la Tanzanie. Une étude de l’Institut tropical royal néerlandais concluait en 2006 qu’il était possible de cultiver suffisamment d’artémisinine pour soigner tous les patients atteints de malaria dans le monde et que les TCA pouvaient être rendus disponibles à un prix abordable dans les trois ans. Toutefois, atteindre ce résultat aurait requis des investissements significatifs, de même qu’une restructuration complète de la chaîne d’approvisionnement et de distribution (18).
En outre, les auteurs de l’étude susmentionnée étaient d’opinion que la « mise en œuvre lente et laborieuse de la politique de préqualification des médicaments de l’OMS » a entraîné une situation de type monopolistique. Seules six compagnies (19) ont un TCA préqualifié, ce qui signifie que leur prix de vente est prohibitif pour la majorité de ceux qui sont quotidiennement exposés à la menace de la malaria.
Il s’agit d’un problème récurrent pour tout le secteur pharmaceutique global, qui n’est pas limité au cas de la malaria. En 2009, 9 des 50 firmes les plus profitables du monde venaient de l’industrie pharmaceutique, seuls le secteur financier et celui des hydrocarbures étant mieux représentés. En 2009, les profits de ces 9 firmes (au beau milieu de la plus grande contraction de l’économie mondiale depuis la grande dépression) étaient de « seulement » 83 milliards de dollars US (20).
Le fait que les TCA ne soient toujours pas largement disponibles dans les zones où la malaria est endémique vient confirmer la position de nombreux pays en développement selon laquelle la production locale d’artémisinine pourrait être préférable à une production synthétique, à la fois pour faciliter l’accès à ses bénéfices médicinaux et parce que sa culture locale est un moyen de subsistance supplémentaire pour les paysns. La culture et l’extraction (par exemple à l’aide d’éthanol) de l’A. annua peuvent d’ores et déjà s’effectuer de manière relativement aisée dans les pays en développement.
La culture de l’artémisinine en Afrique
Après la Chine et le Vietnam, l’Afrique de l’Est est aujourd’hui la troisième grande région de culture de l’artémisinine dans e monde (21). L’altitude élevée, la haute intensité en lumière (grâce à la proximité de l’Équateur) et les basses températures nocturnes sont autant de facteurs favorables au succès de la culture de l’A. annua, bien que les problèmes logistiques et l’absence d’intégration au marché aient été cités comme obstacles potentiels (22). Ceci dit, un secteur commercial embryonnaire a émergé au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda. Il est dominé par les opérations d’une compagnie holding, Advanced Bio-Extracts Ltd (ABE) et de ses deux filiales principales : East African Botanicals Ltd (EAB) au Kenya, et African ArtemisiaLtd (AA) en Tanzanie. En 2005, Novartis a accordé un prêt relais de 14 millions de dollars US à EAB, principalement pour étendre ses capacité de transformation, et a promis d’acheter une proportion significative de sa production (23).
Au Kenya, où la culture commerciale avait commencé en 2002 avec seulement 3 ou 4 agriculteurs sur une quarantaine d’hectares, on compte en 2010 plus de 7 500 paysans qui parviennent à en tirer leur subsistance (24). Ces paysans signalent, parmi les avantages de cette culture, leur moindre dépendance à l’égard d’intrants chimiques coûteux, engrais ou pesticides, par comparaison avec des cultures alimentaires classiques comme le maïs ou le blé (25). En Ouganda, une joint-venture entre une firme locale et le géant pharmaceutique indien Cipla est sur les rails, l’OMS ayant récemment préqualifié l’usine de transformation mise en place pour extraire l’artémisinine de l’A. annua cultivée sur place. Cipla a d’ores et déjà émis une lettre de crédit couvrant l’achat de la totalité de l’artémisinine produite en une année. Celle-ci sera exportée vers l’Inde pour être utilisée dans la production de TCA (26).
La culture et la transformation locale de l’artémisinine, en Afrique et ailleurs, sont menacées par l’expansion de sa production synthétique sous d’autres cieux. Suite à l’augmentation de la capacité de production à une échelle commerciale, Sanofi Aventis produira dorénavant de l’artémisinine synthétique par cuves de 100 000 litres (27). Peu de détails ont transparu quant à la localisation prévue de cette production, mais étant donné qu’une infrastructure est déjà en place en Californie, où sont implantés Amyris et l’Université de Californie à Berkeley, ou encore à Paris, siège social de Sanofi Aventis, il semble bien improbable que l’Afrique soit retenue comme lieu où réaliser ces investissements.
Si l’artémisinine synthétique devait être produite à grande échelle dans le Nord industrialisé, cette nouvelle source d’artémisinine sera-t-elle utilisée pour réguler les fluctuations de l’offre et de la demande (et donc stabiliser les prix), ou bien va-t-elle saper les fondements de l’industrie naissante dans ce secteur en Afrique ? Les questions de propriété intellectuelle risquent également de devenir cruciales. Les ressources dont disposent Amyris et les autres acteurs du Nord créeront un rapport de force totalement asymétrique, à moins que l’on parvienne à attirer l’attention du public sur cette question, à l’exemple de la pression de la société civile sur l’industrie pharmaceutique pour que celle-ci fournisse des médicaments anti-sida à bas prix aux patients d’Afrique du Sud.
Des avancées récentes en termes de sélection ont permis la création de souches hybride d’Artemisia qui peuvent produire jusqu’à trois fois plus d’artémisinine que leurs cousines sauvages. Ces plantes sont aujourd’hui cultivés et récoltées commercialement à Madagascar, et elles font l’objet d’essais en Afrique du Sud, en Ouganda et au Zimbabwe (28). Qu’adviendra-t-il de ces développements lorsque l’artémisinine pourra être commandée directement auprès de laboratoires ? La concentration de l’expertise et du capital aura-t-elle pour effet, comme dans le cas du génie génétique, de détourner de précieux financements et idées de recherche au profit de quelques « panacées » médiatiques ?
Implications pour l’Afrique
Autant que nous sachions, il n’existe aucune réglementation nationale, régionale ou internationale de biosécurité dans le monde aujourd’hui qui régule la biologie synthétique, en dépit de ses implications potentiellement énormes pour l’humanité et le monde naturel. Néanmoins, la question fait l’objet de discussions dans le cadre de forums internationaux tels que la Convention sur la diversité biologique. La biologie synthétique a fait l’objet d’une discussion spécifique dans le cadre de la 14e rencontre de l’Organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques (SBSTTA14). Les conclusions du SBSTTA14 contiennent plusieurs références « bracketées » (entre crochets droits) à la biologie synthétique, y compris l’idée d’un moratoire de fait sur la dispersion d’êtres vivants synthétiques (30). Les crochets droits ou brackets signifient toutefois que ces points n’ont pas fait l’objet d’un consensus unanime et que la discussion à leur sujet devra se prolonger dans le cadre de la 10e rencontre ministérielle de la Conférence des parties (COP10) de cette Convention onusienne, qui se tient à Nagoya au Japon entre le 18 et le 29 octobre 2010.
Même si la question est à l’ordre du jour au niveau international, on peut douter que l’idée de ce moratoire survive face aux immenses intérêts financiers et stratégiques en jeu. Au minimum, ceux qui seront affectés par les conséquences sociales et environnementales de cette technologie devraient pouvoir obtenir la mise en place de règles et de procédures, quelles qu’elles soient, gouvernant l’usage de ces technologies. Mais même cette voie minimale sera semée d’obstacles du fait de l’opposition acharnée de ceux qui sont appelés à bénéficier le plus de la biologie synthétique.
L’impact potentiel de la biologie synthétique sur le continent africain requiert un débat public global, conduit de manière ouverte et transparente. On peut tirer de précieuses leçons des expériences antérieures de tentatives d’imposer des technologies exogènes au continent, sans consultation suffisante du public et sans autorité ni capacité locales adéquates pour les réguler.
Pour trouver un exemple parlant de cette problématique, il n’est pas besoin de remonter plus loin qu’à ce qui s’est passé en Afrique avec les biotechnologies basées sur le génie génétique.
Actuellement, seuls trois pays africains produisent des cultures génétiquement modifiées pour le marché : le Burkina Faso, l’Égypte et l’Afrique du Sud (31). Cet état de fait n’a pas ralenti le déluge d’initiatives de « formation » à travers tout le continent, majoritairement financées par l’industrie des biotechnologies et leurs troupes de choc de relations publiques dans des organisations comme USAID et la Fondation Gates.
Même si ostensiblement la raison d’être de ces initiatives est d’aider l’Afrique à se nourrir elle-même, elles constituent aussi une opportunité inestimable, en l’absence d’expertise indigène sur les biotechnologies, pour orienter les discours officiels sur la biosécurité en un sens favorable aux développeurs des technologies et de tous ceux qui sont appelés à bénéficier de l’usage de ces technologies (32). En outre, les gains obtenus au niveau multilatéral en matière de gouvernance des biotechnologies et des questions de sécurité qui leur sont associées, à travers le Protocole de Carthagène sur la biosécurité, sont aujourd’hui remis en cause par les efforts visant à « harmoniser » les législations sur la biosécurité dans toute l’Afrique par l’intermédiaire de ses communautés économiques régionales. Par exemple, à la lecture d’un récent projet de document politique sur les OGM du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), il était clair comme de l’eau de roche que les architectes de cette politique entretenaient des liens étroits avec une industrie appelée à réaliser des profits colossaux en cas d’application des orientations proposées (33).
Conclusion
La biologie synthétique vient ajouter du grain à moudre à l’hubris selon laquelle l’homme serait « maître » de l’environnement. Pourtant cette maîtrise s’accompagne d’une lourde responsabilité. La perspective de produire des quantités presque illimitées de médicaments à bas prix et de carburants « propres » doit être tempérée par un rappel que cette technologie n’en est encore qu’à ses premiers pas et que ses véritables conséquences ne peuvent pas encore être prédites avec une grande certitude. Ainsi que le montre le cas de l’alimentation, l’abondance à elle seule ne suffit pas à garantir la disponibilité. La fourniture de médicaments anti-malaria sera-t-elle plus efficace dans le cadre d’un système centralisé dont un petit nombre de firmes aura le contrôle exclusif, ou dans un système plus différencié, où une matière première cultivée localement pourra être rapidement et efficacement transformée et distribuée à ceux qui en ont le plus besoin ?
À ce jour, l’argent liquide investi dans la biologie synthétique semble principalement dirigé vers ses applications énergétiques. Les grandes entreprises pétrolières mondiales ont déjà englouti des millions de dollars dans le secteur. L’Afrique du Sud paraît miser sur la technologie comme moyen de consolider sa place dans ce secteur. Cependant, cet enthousiasme débridé se déploie sans attirer l’attention du public, et sans que celui-ci soit conscient des enjeux véritables.
innovation technologique, biologie, chimie, génétique, Organisme génétiquement modifié (OGM), médecine
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Nouvelles technologies en Afrique
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Traduction : Olivier Petitjean
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