06 / 2008
LE POUR ET LE CONTRE
Bien qu’orienté vers la réduction de la pauvreté, le CCT a un impact considérable sur plusieurs dimensions de la sécurité alimentaire. Il permet l’accès chaque fois plus grand aux denrées alimentaires, aussi bien en termes de qualité que de quantité (et ceci à court terme, au moyen du transfert monétaire direct), même si, dans le futur, il permet un meilleur accès aux denrées alimentaires grâce à l’accumulation du capital humain.
Les programmes de transfert monétaire perfectionnent l’utilisation des denrées alimentaires en favorisant une demande chaque fois plus importante dans le domaine de la nutrition et des services de santé. Enfin, ils réduisent la vulnérabilité de l’insécurité alimentaire des foyers des personnes bénéficiaires.
Constituent-ils, cependant, la meilleure politique de sécurité alimentaire ? Cela dépend de la nature de l’insécurité alimentaire dans un contexte donné : qui souffre d’insécurité alimentaire ? Qu’est-ce que l’insécurité alimentaire ? Et quelle est la nature de l’insécurité alimentaire ?
Si l’insécurité alimentaire est une question de difficulté d’accès dans des zones où il existe des marchés en fonctionnement, le CCT pourrait, certainement, résoudre une partie du problème. Si c’est une question de malnutrition infantile, alors le CCT aura, certainement, un impact positif. Toutefois, le CCT ne constitue pas la meilleure politique si nous la comparons au transfert direct aux mères non assorti de conditions ou au perfectionnement de la qualité des services et à la promotion de leur utilisation.
Outre cela, les programmes de transfert assorti de conditions soulèvent un problème pour les initiatives existantes ou planifiées sur la sécurité alimentaire. Ils condamnent les ressources financières et institutionnelles de plus en plus grandes (ce qui pourrait entraîner l’asphyxie des programmes spécifiquement tournés vers la sécurité alimentaire.)
Pire encore, l’orientation quasi exclusive pour l’accumulation du capital humain, comme solution au développement rural, minimise l’importance stratégique du secteur des petits producteurs agricoles, en termes de réduction de la pauvreté et de réduction de l’insécurité alimentaire. Cela entraîne ainsi un soutien politique pour les programmes tournés vers ces secteurs.
D’autre part, de tels programmes représentent une formidable opportunité de lutte contre la faim. Premièrement, parce que cela se traduit par un flux de ressources financières en direction des foyers les plus pauvres et qui souffrent d’une plus grande insécurité alimentaire dans les zones rurales les plus marginales. En second lieu, du fait d’une croissance accrue de la demande tant des services de santé que des services de nutrition, ils sont une composante cruciale pour assurer la sécurité alimentaire.
Ceci étant, les programmes sont en mouvement et rien, dans un futur prévisible, n’augure un frein de leur expansion et de leur approfondissement. La question la plus pertinente serait de savoir comment introduire le CCT pour qu’il ait un impact plus important et qu’il joue un éventuel rôle dans la sécurité alimentaire sans étouffer les autres programmes nécessaires. Les parties concernées par la sécurité alimentaire, y compris la FAO et le programme spécial pour la Sécurité alimentaire, doivent formuler une stratégie cohérente à ce sujet.
Propositions pour rapprocher le CCT de la SAN
Tout d’abord, les programmes de CCT ne tiennent pas compte des différents processus qui ont lieu dans les foyers, en particulier « l’autre moitié » des foyers ruraux (les adultes et leurs activités générant des revenus). Le CCT devrait prendre en considération aussi bien les forts impacts dans d’autres secteurs de l’activité personnelle (qui pourraient augmenter l’impact global et la durabilité du programme) que les limitations puissantes entraînées par ces activités. Ceci est un point clé d’interaction avec l’emphase traditionnelle donnée par la FAO à la dimension « petit agriculteur » dans la sécurité alimentaire de la région. Ceci affecte, au moins, trois dimensions, en ce qui concerne la sécurité alimentaire.
● De manière générale, les programmes de CCT ne tirent pas profit d’une opportunité en or pour maximiser les synergies avec les activités productives agricoles et non agricoles dans un cadre familial ce qui, finalement, pourrait diminuer dans le temps l’insécurité alimentaire et la pauvreté. Ce facteur est particulièrement significatif lorsque la production familiale constitue une partie significative de la consommation totale des aliments, lorsque le marché des denrées alimentaires ne fonctionne pas de manière adéquate, lorsque les aliments produits dans les foyers sont de meilleure qualité ou, simplement, lorsque le lien entre la production familiale et les moyens d’existence des petits producteurs agricoles et la sécurité alimentaire est grande.
● À l’exception du facteur santé, le CCT tend à ignorer l’accumulation du capital humain des pères et des mères en termes d’alphabétisation et d’entraînement, ainsi que l’accumulation des biens dans leurs activités économiques. Avec le temps, ceci peut fragiliser sa durabilité dans un cadre familial lorsque les transferts ne seront plus effectués et/ou lorsque les enfants auront quitté la maison.
● La demande de travail à domicile pour certains types d’activité économiques, telles que la production agricole ou l’élevage, peut atténuer l’impact du CCT en raison des conflits avec les exigences de conditionnalité. D’autre part, les exigences onéreuses de conditionnalité peuvent inhiber certains types d’activités professionnelles, en particulier chez les femmes.
Ensuite, les programmes de CCT représentent, dans de nombreux cas, un influx substantiel de ressources financières dans les communautés marginalisées et souvent isolées. Une attention moindre a été apportée à la question de la maximisation de l’impact de ces ressources sur le développement économique local.
Puis, puisqu’il a été démontré que les programmes de CCT ont une fonction dans la réduction de la vulnérabilité aux chocs, ils pourraient également servir potentiellement d’instruments formels de la gestion du risque. Ceci est particulièrement important pour les personnes soumises à l’insécurité alimentaire dans les zones rurales typiquement autonomes, qui ont rarement accès aux soins, qui dépendent fréquemment de la propre production comme partie significative de l’alimentation et sont, presque toujours, soumis aux caprices du climat, des prix et d’autres sources d’incertitude.
En quatrième lieu, en raison du poids fiscal, institutionnel et politique des programmes de CCT sur la politique des dépenses des gouvernements de la région, les résultats des évaluations existantes, à venir, doivent être utilisés pour effectuer des estimations du coût et de l’efficacité du CCT. Ces estimations doivent être comparées à des estimations similaires d’autres programmes pour pouvoir juger l’utilité du CCT à partir de la perspective de la réduction de la sécurité alimentaire.
De manière générale, les importantes ressources financières et institutionnelles consacrées à l’application des programmes de CCT en Amérique latine, et plus particulièrement dans les zones rurales, ont inévitablement exclu les initiatives d’alternatives au développement rural, même celles ayant un rapport avec la sécurité alimentaire. Et peu de recherches ayant pour objectif la mise à disposition d’informations sur les possibles implications ont été menées.
sécurité alimentaire, pauvreté, lutte contre la pauvreté, politique sociale, revenu minimum
, Amérique Latine, Caraibes
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