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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Ecotechniques, écolabels, écobudgets, écoprofits

Entre rationalisation et modernisation écologiques…

Cyria Emelianoff

2001

Des approches plus scientifiques et techniques sont de rigueur en Allemagne, Autriche, Suisse, Pays-Bas, Danemark et Scandinavie, soit les pays germaniques et l’Europe nordique, misant sur les écotechniques et la labelisation écologique des produits, des entreprises puis des services municipaux. Elles ont été précédées par des mesures fiscales et réglementaires qui ont joué un effet de levier pour la mise au point d’innovations techniques. C’est dans les pays où la réglementation a été sévère que les techniques d’environnement industriel se sont développées, ainsi que des avancées notables dans le domaine des bâtiments écologiques. A partir du milieu des années quatre-vingt, ces pays ont davantage misé sur les outils économiques et sur la négociation avec les groupes cibles de pollueurs.

Un pays comme le Danemark taxe par exemple les émissions de CO2, de CFC et de halons, les immatriculations de voitures, la mise en décharge et l’incinération, les matériaux neufs de construction, et subventionne en contrepartie les énergies renouvelables et les investissements en faveur de l’environnement. Les déplacements en bicyclette et le tri sélectif sont des réflexes acquis… La Scandinavie, les Pays-Bas, la Suisse appliquent également une taxe sur le CO2. Cette écofiscalité favorise la maîtrise de la demande et le verdissement de l’économie et des modes de vie.

Des clauses écologiques et sociales (commerce équitable, par exemple) sont introduites dans les marchés publics, ce qui incite les entreprises à des reconversions écologiques, parallèlement aux dispositifs d’incitation nationaux (1). Les campagnes municipales en faveur des achats verts et de la réduction des déchets se sont largement développées, comme la campagne « By green, naturally » lancée dans plusieurs villes néerlandaises. La première requête des habitants de Leek, aux Pays-Bas, pour l’agenda 21 local, a par exemple été l’ouverture d’un marché écologique.

Le Danemark est un des pays les plus engagés dans la promotion des écotechniques et écoproduits. Les cantines publiques ne fournissant que des repas « bio » sont assez répandues et jouent un effet de levier vis-à-vis des exploitants agricoles. Certaines villes ont également banni les pesticides de leur territoire. Plus généralement, les municipalités danoises se sont données pour mission de verdir l’agriculture, l’industrie, le tourisme, la construction et les pratiques de consommation.

Les villes souhaitent donner l’exemple et aspirent souvent à une labelisation environnementale. Le verdissement de l’entreprise municipale repose sur une conception écosystémique du milieu urbain, qui s’appuie sur l’analyse du cycle de vie des produits, « du berceau à la tombe », l’élaboration d’écobudgets (2), le management environnemental, et quelques bataillons d’indicateurs pour mesurer les progrès. La comptabilité environnementale, bien développée au Danemark (3), en Suède ou en Finlande, est un prolongement logique des politiques de régulation par la loi ou par les prix. Au Royaume-Uni, une centaine de collectivités impliquées dans un agenda 21 local tentent de mettre en place un système de management environnemental (4).

Un autre outil se développe particulièrement aux Pays-Bas, où la distorsion entre niveau de vie et espace de production est très marquée : la mesure de l’empreinte écologique des villes (5), c’est-à-dire l’estimation de la surface nécessaire, d’une part, à la production des biens consommés annuellement ou quotidiennement par une ville, d’autre part, à la résorption de ses déchets. La confrontation des mesures permet de comparer les surfaces « consommées » par les villes et sert de référent pour réduire leurs impacts environnementaux. Cette forme de rationalisation des flux d’énergie et de matière s’inscrit dans la droite ligne de l’approche du métabolisme urbain qui a marqué l’écologie urbaine depuis la fin des années soixante (6), en lui donnant une application concrète et quelques débouchés économiques.

Le consumérisme vert s’affirme en effet avec la croissance des produits labelisés et la concurrence environnementale. Le risque est alors de se satisfaire d’une consommation politiquement correcte, à supposer qu’elle le soit, cette consommation évinçant d’autres formes de remise en question. L’histoire des pots catalytiques, ou plus récemment, les Centres d’Ecoprofit ouverts dans différentes villes germaniques pour inciter les entreprises à adopter (puis exporter) des écotechnologies, montrent d’autre part l’appétit de la compétitivité environnementale.

dossier

Les villes européennes face au développement durable : une floraison d’initiatives sur fond de désengagement politique

Commentaire

Tiré de : Les villes européennes face au développement durable : une floraison d’initiatives sur fond de désengagement politique

Par Cyria Emelianoff (Groupe de Recherche en Géographie Sociale de l’Université du Maine, ESO, UMR 6590 du CNRS)

Notes

1 La ville de Kolding, au Danemark, a été une des premières à développer une politique d’achats verts, mais ces pratiques se diffusent, y compris en France
2 L’écobudget quantifie les principales ressources naturelles utilisées par une municipalité, ainsi que ses rejets liquides, solides et gazeux. www.iclei.org/ecobudget
3 La commune d’Alberstlund, une banlieue sociale de Copenhague, a par exemple substantiellement réduit, dans le cadre de son agenda 21 local, sa consommation d’eau, d’énergie, de pesticides, ses émissions de CO2, SO2, NO2, ainsi que sa production de déchets. Plusieurs fois primée pour ses performances, la ville a engagé parallèlement un travail d’amélioration de la qualité de vie et des services de proximité. Voir Analyse du contexte européen du processus « Agendas 21 locaux » et comparaison avec la démarche française, 2001, association 4D, Paris.
4 ICLEI / DIFU, 1999. Local Agenda 21 : a European Comparison Federal Ministry for the Environment, Nature Conservation and Nuclear Safety.
5 On doit le concept d’empreinte écologique au chercheur canadien William Rees, au début des années 90. Wackernagel M., Rees W., 1999. Notre empreinte écologique, Ed. Ecosociété, Montréal
6 Avec l’article fondateur de Woolman puis les recherches du programme MAB de l’Unesco dans les années soixante-dix, dont le principal défaut était de ne pas avoir de retombées pratiques.
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