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Gentrification et justice environnementale à Lausanne

L’article pose la problématique de l’articulation entre les objectifs écologiques et sociaux des projets de développement urbain.

David Bodinier

2010

Dans un article récent, Yves Bonnard et Marianne Thomann s’interrogent sur le projet de requalification urbaine du centre-ville de Lausanne qui est l’objet d’intenses débats. Les auteurs questionnent les fondements du projet d’urbanisme durable à travers le prisme de la justice environnementale. Alors que le projet est justifié par la nécessité d’apporter des réponses aux nuisances environnementales liées à l’étalement urbain et l’utilisation de la voiture comme mode de déplacement quotidien, il pourrait bien être source d’exclusion provoqué par la gentrification de certain quartiers de la capitale marchande du Léman.

L’article pose la problématique de l’articulation entre les objectifs écologiques et sociaux des projets de développement urbain. D’une part, les opérations de densification ont pour objectif d’améliorer la qualité du cadre de vie avec une production d’un bâtit durable, la mise en place de transport en site propre, mais d’autre part, cette transformation provoque des transformations qui posent la question des inégalités socio-spatiales. Les auteurs sollicitent la pensée de N.Smith, qui considère la gentrification comme l’un des objectifs du New Urbanism - et de nombreux projets d’urbanisme durable – alors que l’objectif de mixité sociale reste l’une des préoccupations affichées par les promoteurs des projets de développement urbain. Pour dépasser les contradictions évidentes, les auteurs s’appuient sur l’idée de justice environnementale et invitent au changement d’échelle d’analyse pour appréhender la complexité des mécanismes producteurs d’inégalités socio-spatiales.

Le courant de la justice environnementale s’est constitué à la fin des années 70, aux Etats-Unis, sous l’influence d’associations communautaires, et groupes d’influences, qui ont montré les situations d’inégalités d’expositions aux risques environnementaux et sanitaires, et l’inégalité d’accès aux équipements et infrastructures publics, subies par des minorités ethniques, notamment les populations afro-américaines,. Ces observations ont été confirmées par des études universitaires qui vont apporter une lecture en termes de contextes territoriaux. Le courant s’est ensuite développé en Grande-Bretagne au cours des années 90, sous l’influence de l’ONG Friend of the Earth. En France, ces questions sont généralement présentes sous les seuls prismes de l’inégalité d’accès à l’habitat, aux équipements et aux services urbains, conception marquée par le courant sociologique de la reproduction sociale de Bourdieu et des conceptions française du droit et de l’égalité. Selon Yves Bonnard et Marianne Thomann, le principal intérêt de l’idée de justice environnementale réside dans la nécessaire prise en compte d’une multiplicité d’échelles spatiales d’analyse : « ce concept invite à dépasser l’échelle du quartier pour penser à celles des polarisations sociales et des dynamiques résidentielles. La réflexion à l’échelle des espaces fonctionnels permet en effet d’élaborer des mécanismes de régulation plus pertinents ». La prise en compte de la justice environnementale nécessite une double approche, d’une part une identification des territoires où se concentrent les inégalités, d’autre part la reconnaissance des processus qui engendrent les inégalités.

Les auteurs mobilisent l’exemple de Lausanne pour interroger un projet de requalification urbaine, intitulé Métamorphose, qui projette la réalisation d’un quartier écologique au nord de la ville, et un projet d’équipement pour desservir le nouveau quartier créé. La municipalité soutient publiquement que la gentrification est une tendance qui permet de favoriser la mixité en attirant la classe moyenne et supérieure dans de nouveaux quartiers écologiques. Mais de fait, comme nous l’avons déjà vu, il est probable que la transformation du bâtit existant entraîne de nouvelles inégalités socio-spatiales. Dès lors, la question de la création d’une ligne de transport qui relie les quartiers du nord de l’agglomération au centre-ville prête à discussion. Ce projet mobilise deux groupes d’acteurs qui ont formulé des propositions contradictoires. D’une part le projet de la municipalité est de réaliser une ligne de tramway souterrain pour relier le futur éco quartier au centre-ville en passant par le centre de congrès et d’exposition. D’autre part, l’autre coalition d’acteurs défend une variante alternative « en surface » qui permet de relier à la fois l’écoquartier et des quartiers défavorisés, tel la Borde, qui subit d’importance nuisances sonores liées à la circulation. Pour cette dernière proposition, la réflexion est portée à l’échelle de la ville et se rapproche de l’idée de la justice environnementale, comme le souligne Yves Bonnard et Marianne Thomann une infrastructure de transport collectif peut constituer un outil permettant de réduire des inégalités territoriales.

À travers cet article, les auteurs montrent la nécessité de dépasser la question de la mixité sociale, en portant la réflexion à une autre échelle, notamment en s’appuyant sur l’idée de la justice environnementale. Ils poursuivent leur réflexion à travers trois propositions : la réalisation d’un monitoring foncier pour garder la maîtrise sur l’évolution des territoires, la distribution des équipements et fonctions sur le territoire, et la proposition d’aborder la question des inégalités socio-spatiales par les réseaux. Pour conclure, ils insistent sur l’importance d’aborder les inégalités socio-spatiales à une échelle de l’agglomération.

dossier

Exclusion et fragmentation urbaine

Commentaire

Pour approfondir :

Source

Yves Bonard et Marianne Thomann, « Requalification urbaine et justice environnementale : Quelle compatibilité ? Débats autour de la métamorphose de Lausanne », VertigO - la revue électronique en sciences de l’environnement, Volume 9 numéro 2 | septembre 2009, [En ligne], mis en ligne le 05 octobre 2009. URL : vertigo.revues.org/index8728.html. Consulté le 18 novembre 2009

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