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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

L’histoire des villes durables européennes

Emergence des villes durables dans la décennie des années 90

Nedialka SOUGAREVA, Nathalie HOLEC

2000

1. Le temps des idées et de la réflexion Aalborg, 1994 : première conférence des villes durables européennes

1.1. Un contexte porteur pour le lancement d’un projet sur les villes durables : 1990-1993

Le lancement du projet " Villes durables " du Groupe d’experts sur l’environnement urbain et la structuration d’un réseau de villes durables européennes s’effectuent dans un contexte européen et mondial particulièrement favorable au développement durable d’une part et aux questions urbaines d’autre part.

S’agissant de la prise en compte du développement durable à l’échelle de l’Union européenne, plusieurs pas ont été franchi au début des années 90.

Le Traité de Maastricht (1992) introduit la promotion du développement durable comme objectif politique majeur, réclame explicitement l’intégration de la protection de l’environnement dans les autres politiques de l’Union et enfin reconnaît le principe de subsidiarité. Le Livre Blanc « Croissance, compétitivité, emploi » de la Commission des Communautés européennes (1993) préconise quant à lui un nouveau modèle de développement basé sur l’amélioration conjointe de l’emploi et de la qualité de vie. Le cinquième programme communautaire de politique et d’action en matière d’environnement de l’Union européenne intitulé « Vers un développement durable » et adopté pour la période 1993-2000 prône la mise en commun et le partage des responsabilités écologiques et donc l’adoption d’une approche ascendante pour réaliser les objectifs de l’écodéveloppement. Le programme LIFE (L’Instrument Financier pour l’Environnement) est l’un des instruments financiers mis au service de cet objectif. Quant aux fonds structurels dont le réglement a été révisé en juillet 1993, leur attribution tient compte désormais du profil environnemental de la région ou de la zone urbaine concernée et de l’impact environnemental du projet à soutenir.

Les questions urbaines ont elles aussi fait l’objet d’un regain d’attention. La Commission européenne et la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail ont par exemple lancé des programmes consacrés aux questions urbaines dès 1989. L’intégration de la dimension urbaine dans la politique d’environnement a pour sa part fait l’objet d’un effort considérable dès le quatrième programme communautaire d’action en matière d’environnement (1987-1992).

Au niveau international, les Nations Unies d’une part et l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques) d’autre part ont grandement contribué à placer la problématique du développement urbain durable au centre des préoccupations mondiales.

En 1990, le Centre des Nations Unies pour les Etablissements Humains lance son programme " Cités durables « destiné à accroître les capacités de planification et de gestion environnementales des pouvoirs municipaux des pays en voie de développement. A la même époque, les Nations Unies soutiennent la création du Conseil International pour les Initiatives Locales en Environnement (ICLEI), organisme destiné à sensibiliser les collectivités locales de toute la planète à l’environnement et au développement durable et à soutenir la constitution d’un réseau de villes oeuvrant pour le développement durable. L’ICLEI va lancer dès 1991 deux programmes de travail, l’un sur les projets de réduction des émissions de CO2 en milieu urbain et l’autre sur les Agendas 21 locaux.

Deux ans après, en 1992, les Nations Unies organisent la Conférence sur l’environnement et le développement à Rio de Janeiro. Cette conférence marque un tournant dans la mesure où, pour la première fois, les collectivités locales et les ONG (Organisations Non Gouvernementales), dont les réseaux de villes, ont voix au chapitre dans une conférence des Nations ; elles participent notamment à la rédaction du chapitre 28 d’Action 21, communément appelé Agenda 21, qui reconnaît leur rôle clé en matière de développement durable. Elles s’expriment également dans les forums parallèles à la conférence. C’est ainsi que 45 collectivités locales participant au Forum urbain mondial signent " l’engagement de Curitiba " et déclarent ainsi leur volonté de faire de leur ville une ville viable.

L’OCDE s’intéresse aux questions urbaines dès 1986. Le Groupe des affaires urbaines publie en 1990 un rapport intitulé " L’environnement urbain : quelles politiques pour les années 90 ? " qui fait état des conclusions des travaux menés pendant trois ans sur ces questions. Ce ne sont que des travaux préliminaires à la mise en place d’un programme entièrement consacré à " la Ville écologique " sur la période 1993-1996.

L’intérêt que la Commission européenne porte aux questions urbaines et aux questions de durabilité en milieu urbain s’inscrit dans ce mouvement et se nourrit de ses apports. Il a en fait été impulsé par les Nations Unies dans le cadre de la préparation de la conférence de Rio.

1.2. De l’environnement urbain au développement urbain durable : la Commission européenne met en place les conditions d’un développement durable des villes

La voie des villes durables européennes s’ouvre par la publication en juin 1990 du Livre vert sur l’environnement urbain, rapport commandé par Carlo Ripa Di Meana, Commissaire européen pour l’environnement. Le diagnostic urbain, réalisé pour la première fois à l’échelle de la Communauté européenne, met l’accent sur l’existence d’une véritable culture urbaine européenne mais aussi sur le caractère commun des problèmes auxquels les villes sont confrontées. Le rapport souligne donc l’importance d’une coopération et d’un échange d’informations entre villes européennes et invite la Commission à appuyer l’échange d’expériences et les projets de démonstration. Il préconise également d’adopter une conception holistique des problèmes et une méthode intégrée pour les résoudre qui amorcent le passage de la " ville écologique " à la " ville durable « . Enfin, il propose la création d’un groupe d’experts indépendant travaillant sur les questions d’environnement urbain. A la suite de ce rapport, le Conseil européen adopte en janvier 1991 une résolution approuvant les conclusions du Livre vert et la création du groupe d’experts.

Une conférence de lancement du Livre vert, intitulée " l’avenir européen de l’environnement urbain " se tient en avril 1991 à Madrid, suivie d’autres rencontres-débats organisées dans tous les pays de la Communauté par le CCRE (Conseil des Communes et Régions d’Europe), chargé de présenter et de susciter un débat autour de son contenu. Une réunion est ainsi organisée en France à Avignon

C’est dans la mouvance du Livre vert que la Commission européenne crée le Groupe d’experts sur l’environnement urbain sur la base d’un expert par pays et de représentants des différentes institutions européennes patronales, syndicales, universitaires,…. Il a pour mandat initial d’étudier comment prendre en compte la dimension urbaine dans la politique d’environnement de la Communauté. Sa composition étant jugée insuffisante par rapport à la mission qui lui a été confiée, il est rapidement élargi à des représentants de villes et de réseaux de villes et ouvert à des obervateurs tels que l’OCDE, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), le Conseil de l’Europe, l’Académie européenne de l’environnement urbain,….

C’est dans un contexte plutôt favorable aux collectivités locales, dont le rôle est reconnu dans la mise en oeuvre d’un développement durable à l’échelle globale et locale (Agenda 21 issu de la conférence de Rio), que le Groupe d’experts sur l’environnement urbain lance en 1993 et pour trois ans le projet " Villes durables « , élargissant ainsi son mandat. Cette initiative vise à encourager une réflexion approfondie sur la durabilité dans les agglomérations urbaines européennes, à susciter un vaste échange d’expériences, à faire connaître les meilleures pratiques en matière de durabilité à l’échelon local et à formuler des recommandations destinées à orienter les politiques de l’Union européenne. Plusieurs groupes de travail sont constitués, dans le but de préparer un rapport sur les villes durables européennes.

Un certain nombre de villes ont connaissance de l’existence des travaux du Groupe d’experts sur l’environnement urbain. Très intéressées par ce travail, elles proposent d’organiser une rencontre des villes durables européennes, la ville d’Aalborg au Danemark se portant volontaire pour l’accueillir. La première conférence européenne sur les villes durables qui se tient à Aalborg en mai 1994 réunit 67 collectivités locales. Une première version du rapport que prépare le Groupe d’experts est soumise aux participants pour validation.

La conférence d’Aalborg débouche sur la rédaction et la signature par les collectivités locales présentes de la charte d’Aalborg, charte des villes européennes pour un développement durable, marquant leur engagement en faveur de l’établissement d’un programme stratégique local à long terme pour le XXIème siècle, c’est-à-dire un Agenda 21 local. Plus de 200 collectivités locales signent la charte durant les années 1994-1995.

C’est également à Aalborg qu’est lancée la Campagne des villes durables européennes qui se présente comme le réseau fédérant les réseaux de villes. La création de la Campagne est soutenue par la Commission européenne et la DG XI (Direction générale de l’Environnement, de la Sûreté nucléaire et de la Protection civile) qui ont compris l’intérêt d’une approche qui ne soit pas uniquement dictée par les organisations européennes ou internationales mais qui fasse l’objet d’une appropriation par les acteurs locaux, ce qui relève de l’esprit même du développement durable. Par le biais de la Campagne des villes durables européennes, la Commission entend encourager et soutenir les collectivités locales désireuses de se lancer dans un processus Agenda 21 local et ainsi tirer profit des enseignements des expériences de terrain pour orienter sa politique. La Campagne devient d’ailleurs l’un des membres du Groupe d’experts et alimente ainsi ses réflexions.

La Campagne est coordonnée par 5 réseaux de villes : le CCRE, l’ICLEI, Eurocités, le réseau des villes-santé de l’OMS et la Fédération Mondiale des Cités Unies (FMCU). Ces associations de villes ont en fait été mobilisées sur le développement durable par la Commission des Nations Unies dans le cadre de la préparation et de la tenue de la conférence de Rio. Cette mobilisation correspond au souci de la Commission d’ancrer la démarche " développement durable " à un niveau local.

L’objectif que se fixe la Campagne des villes durables européennes est de créer et d’animer un réseau de villes durables européennes. L’une de ces activités consiste à éditer périodiquement un bulletin d’information à destination des villes ou organismes intéressés par la démarche Agenda 21 local.

Le bilan de la conférence d’Aalborg est donc plutôt positif. La charte des villes durables européennes se révèle être une initiative intéressante malgré son caractère un peu rigide qui explique, à l’époque, le faible engagement des pays du Sud de l’Europe. La signature de la charte relève d’une démarche volontaire ; c’est une déclaration d’intention des collectivités locales qui la signent. Le temps de la charte d’Aalborg correspond au temps de la réflexion et des idées, idées qui, à l’époque, ne sont pas communément adoptées. La charte d’Aalborg ne fait notamment pas recette en France, les élus craignant les obligations. Or, la charte laisse une grand liberté d’action aux municipalités et peut, au contraire être source de progrès et d’innovation si la municipalité possède un réel projet de politique urbaine à moyen et long terme.

1.3. La mobilisation s’organise autour des travaux du Groupe d’experts sur l’environnement urbain

En octobre 1994, le Groupe d’experts sur l’environnement urbain remet son premier rapport " Villes durables européennes " à la Commission européenne. Ce rapport affiche clairement des préconisations qui relèvent non plus de l’environnement urbain mais bien de " l’application du concept de durabilité en zone urbaine « . Dans ce rapport, le Groupe d’experts recommande vivement l’élaboration de stratégies de gestion globale pour instaurer la durabilité mais examine l’application de cette démarche dans des domaines politiques clés : l’économie, l’aménagement du territoire, la planification écologique, la mobilité et l’accès et enfin d’autres domaines politiques plus sectoriels. Enfin, le rapport fait certaines recommandations provisoires en matière de politiques relatives à la durabilité dans les villes européennes.

La même année, c’est-à-dire en 1994, la Commission lance, dans le cadre de sa politique régionale, une initiative communautaire qui concerne les zones urbaines : URBAN. Cette initiative vise notamment à accorder un soutien financier à des projets novateurs, conduits dans des quartiers défavorisés et qui entrent dans le cadre de stratégies d’intégration urbaine à long terme. Ce programme constitue un signe supplémentaire de l’intérêt croissant porté par la Commission européenne aux questions urbaines.

A la suite d’Aalborg, les réseaux de villes poursuivent leur travail de mobilisation des collectivités locales principalement sur l’effet de serre et sur les Agendas 21 locaux. L’ICLEI notamment, lance plusieurs campagnes d’Agendas 21 locaux dans différents pays d’Europe ; cela conduit l’association à organiser en partenariat avec la ville de Rome une conférence méditerranéenne sur l’Agenda 21 local à Rome en novembre 1995, présentée comme une contribution de la ville à la Campagne des villes durables européennes. L’objectif de la conférence est d’initier un échange d’idées et d’expériences entre les villes des régions méditerranéennes afin d’encourager le processus Agenda 21 local. La conférence débouche sur " l’appel des villes méditerranéennes en faveur du développement durable « .

Sur le plan politique, les Conseils des ministres de l’environnement et de l’aménagement du territoire qui se tiennent à l’époque à Glasgow et Norwick reprennent les idées défendues par le Groupe d’experts qui préconise une démarche volontaire quant à la mise en place des Agendas 21 locaux. Chaque collectivité locale qui le souhaite peut rejoindre la Campagne des villes durables européennes en signant la charte d’Aalborg soit parce qu’elle adhère aux idées, soit parce qu’elle souhaite simplement s’informer, observer ou échanger. Les experts cherchent avant tout à encourager l’échange d’expériences et les bonnes pratiques.

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2. Le temps de l’action, Lisbonne, 1996 : la deuxième conférence des villes durables européennes

2.1. Le contexte d’une montée en puissance des préoccupations de développement urbain durable : 1993-1996

Sur le plan international, entre 1993 et 1996, les Nations Unies organisent trois nouvelles conférences qui réitèrent l’importance du développement durable et contribuent à lui donner un contenu ; il s’agit de la conférence sur la population au Caire (septembre 1994), de la conférence pour le développement social à Copenhague (mars 1995) et de la conférence sur les femmes à Pékin (septembre 1995).

L’OCDE met en oeuvre son programme « Ville écologique », soutenu financièrement par la Commission européenne (DG XI). Les travaux sont entrepris dans trois directions qui correspondent à trois politiques distinctes : énergie, transports et réhabilitation des secteurs urbains en déprise. Chacune de ces études débouchent sur un rapport . Le troisième et dernier rapport qui clôt le programme est spécifiquement consacré aux politiques de développement urbain durable.

2.2. Des collectivités locales européennes poussées et décidées à agir

De 1993 à 1996, les Nations Unies, l’OCDE et la Commission européenne commencent donc à dessiner un cadre d’action favorable au développement durable des collectivités locales. Cette période peut être considérée comme une première phase de travail et d’engagement dans la voie du développement urbain durable, ouverte par la conférence de Rio et momentanément close par la conférence d’Istanbul. En effet, l’ensemble des travaux et réflexions menés entre ces deux dates a notamment été motivé par la préparation de la conférence des Nations Unies sur les établissements humains, Habitat II, qui doit se tenir en juin 1996 à Istanbul.

La conférence Habitat II devait porter au départ sur tous les types d’établissements humains mais elle se transforme progressivement en Sommet des villes, l’enjeu majeur qu’elles représentent pour le XXIème siècle et donc la nécessité de mettre en place de nouvelles politiques urbaines étant reconnues au cours de cette conférence. Deux questions sont à l’ordre du jour : comment assurer à tous un logement décent ? Comment rendre le développement urbain viable à long terme ?

Comme à Rio, les collectivités locales et les ONG se montrent très actives dans la préparation de la conférence. Quatre associations internationales de villes organisent une manifestation parallèle préalable qui réunit plus de 500 maires et représentants d’autorités locales. Le Groupe d’experts apporte, pour sa part, une contribution écrite à cette conférence.

La conférence d’Istanbul a eu le mérite de souligner l’importance de l’action pour le logement, l’environnement et contre la pauvreté, inscrite dans la Déclaration d’Istanbul et le Programme Habitat adoptés par les Etats membres.

Ce temps de l’action et des réalisations se confirme à Lisbonne, lors de la deuxième conférence des villes durables européennes qui a lieu en octobre 1996. Une participation record de 1000 personnes et 231 représentants d’autorités locales y est enregistrée. La conférence de Lisbonne s’ouvre aux villes situées hors Union européenne ; pour la première fois, la partie sud de la Méditerranée et les pays d’Europe centrale et orientale sont présents ainsi que l’Europe du Nord hors Union européenne. Cette conférence permet de mesurer le chemin parcouru dans la mise en oeuvre des principes de Rio (donc dans l’action) par les municipalités européennes depuis le lancement de la Campagne européenne des villes durables à Aalborg . Elle permet de débattre des difficultés rencontrées par celles-ci dans l’application concrète de ces principes. A l’époque, ce sont 233 municipalités de 27 pays européens qui ont ratifié la charte d’Aalborg et sont donc membres de la Campagne européenne des villes durables.

Deux idées fortes sont défendues par les institutions européennes qui co-organisent la conférence avec la Campagne et la ville de Lisbonne :

  • l’importance de concevoir des Agendas 21 locaux mais surtout de donner une traduction opérationnelle au concept de développement durable par le biais des Agendas 21 locaux ; l’Agenda 21 local ne clt pas un processus mais au contraire ouvre une phase d’expérimentation quant à son contenu. A Aalborg, il n’était question que de diagnostic ; à Lisbonne, il s’agit de parvenir, pour les collectivités locales, à fixer des priorités et ainsi à définir une stratégie urbaine globale ;

  • l’importance de concevoir une méthode et des outils de mise en œuvre appropriés. L’Agenda 21 local est présenté comme un plan stratégique permettant d’intégrer l’ensemble des préoccupations de politique urbaine ; c’est un outil fédérateur pour les villes.

En France, à la lumière des plans locaux et des chartes d’environnement puis des Agendas 21 locaux, la question de la prise en compte des préoccupations d’environnement dans le processus d’aménagement urbain a été mise à l’ordre du jour.

Les expériences présentées à Lisbonne montrent que les collectivités locales progressent à la fois sur les méthodes et les outils globaux mais aussi sur un plan sectoriel (eau, déchets, transports, climat, pollution,…).

La question de la gouvernance est également au centre de la conférence. Il est débattu de la manière de gouverner les villes autrement, en laissant s’exprimer d’autres acteurs que les élus locaux, en étant à l’écoute des messages dont sont porteurs les habitants. Tous les documents issus de la conférence de Lisbonne défendent l’importance de la participation et son caractère volontaire et partenarial ; il a été souligné que c’est aux élus locaux de l’organiser mais c’est à la démarche de développement urbain durable de l’exiger sans en fixer les formes.

La conférence constitue également le lieu choisi pour annoncer la création et lancer un Service d’information sur les bonnes pratiques européennes. Ce nouveau service, développé par Euronet et ICLEI, offre une base de données sur les bonnes pratiques environnementales des autorités locales européennes, des guides thématiques et des documents généraux sur le développement durable.

La séance plénière finale de la conférence est consacrée à la remise des Prix européens des villes durables, concours organisé sous la responsabilité du CCRE . Le prix vise à récompenser les pouvoirs locaux qui ont développé des plans d’action bien définis dans la perspective d’un développement durable et à encourager les municipalités ayant réalisé des projets innovants à poursuivre leurs efforts.

Le prix est attribué en 1996 aux villes de Dunkerque (France), La Haye (Pays-Bas), Graz (Autriche), Leicester (Royaume-Uni) et Albertlund (Danemark) ; des certificats de distinction sont également attribués à 17 autres villes dont Rennes et Montpellier.

La conférence de Lisbonne débouche sur l’adoption du " Plan d’action de Lisbonne : de la charte à l’action " qui articule principes d’action et approches à mettre en oeuvre pour concevoir et appliquer un Agenda 21 local. L’accent est bien mis sur le passage d’une phase de promotion de la charte, de démarchage auprès des collectivités locales et d’information sur le processus Agenda 21 local à une phase d’application des principes, de démarrage du processus Agenda 21 local et d’application des plans d’action. Il s’agit pour les collectivités locales d’appliquer l’Agenda 21 de Rio mais aussi l’Agenda d’Habitat II. Il a en effet été souligné au cours de la conférence que le ralliement à la charte d’Aalborg était plus important que prévu mais que les collectivités locales se montraient attentistes et peu enclines à s’engager dans l’action opérationnelle.

L’année 1996 correspond enfin à l’année de publication du rapport final " Villes durables européennes " du Groupe d’experts sur l’environnement urbain, commandé par la Commission européenne (mars 1996). Il est considéré comme l’un des documents de réflexion essentiel de la conférence de Lisbonne. Le Groupe d’experts recommande une approche écosystémique à l’égard de l’environnement urbain et l’élaboration de stratégies d’écogestion locales. Il examine les outils les mieux à même de permettre la mise en place d’un tel système de gestion urbaine intégrée. Il analyse enfin l’application d’une démarche globale et des outils définis à un ensemble de domaines politiques clé : l’écogestion des ressources naturelles, de l’énergie et des déchets, la politique économique et sociale, la mobilité, la planification spatiale, la régénération urbaine et les activités touristiques et récréatives.

En 1997, l’opération " Prix européen des villes durables " est reconduite. Trois municipalités sont déclarées lauréates en novembre 1997 ; il s’agit des villes de Heidelberg (Allemagne), de Stockholm (Suède) et de Calvia (Espagne). Un prix spécial est créé pour les collectivités territoriales des Pays d’Europe Centrale et Orientale (PECO). Il est décerné à la ville de Veliko Tarnovo (Bulgarie).

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3. Le temps de l’évaluation, Hanovre 2000, la troisième conférence des villes durables européennes

3.1. La Commission européenne met en place un cadre d’action favorable au développement urbain durable

Cette troisième période est ouverte par l’adoption en mai 1997 par la Commission européenne de la communication " La question urbaine : orientations pour un débat européen " qui marque la volonté de la Commission européenne de jouer un rôle plus actif dans le développement urbain. Dans cette communication, l’Union européenne se dit prête à agir pour répondre d’une manière plus efficace aux besoins des villes et les aider à relever un certain nombre de défis. Cette action passe, selon elle, par une plus grande cohésion des zones urbaines et la mise en oeuvre du développement durable dans les villes. Elle demande un partenariat actif avec les autorités publiques de tous les niveaux, les partenaires privés et les habitants. La Commission présente cette communication comme une base permettant d’engager un vaste débat sur les problèmes urbains à l’échelle de l’Union.

Le Groupe d’experts sur l’environnement urbain fait une réponse officielle à cette communication à partir de diverses contributions du groupe, des représentants de la DG XI et d’experts extérieurs ainsi que de responsables politiques et de fonctionnaires locaux.

A cette époque, la Commission européenne évalue les premiers résultats de l’initiative communautaire URBAN. Selon elle, URBAN commence à porter ses fruits, des améliorations sensibles étant perceptibles en termes de qualité de vie et de logement dans les zones concernées et l’approche intégrée ayant montré son efficacité pour traiter de problèmes à la fois sociaux, économiques et environnementaux. La Commission estime que le succès des programmes URBAN est imputable en grande partie à l’implication des citoyens dans leur conception et leur mise en oeuvre.

La Commission prend également l’initiative de lancer " l’Audit urbain « , projet pilote dont la création avait été annoncée dans la communication de mai 1997 et destiné à combler le manque d’information sur les villes de l’Union européenne. Cette étude, menée au sein de la DG XVI (Direction générale de la politique régionale et de la cohésion), vise 1) à créer un outil d’évaluation et de diagnostic permettant de mesurer la qualité de vie dans les villes européennes 2) à le mettre à disposition des villes 3) à réunir les informations utiles à la réalisation de cet audit. Ce projet débouche sur un rapport d’audit dressé pour les 58 villes sélectionnées et qui devrait être actualisé régulièrement, une analyse comparative des 58 audits et un Manuel de l’Audit urbain consistant en une méthodologie généralisable permettant à n’importe quelle ville européenne de s’auto-diagnostiquer.

Suite à l’accueil très favorable réservé par les institutions européennes, les associations et les villes à sa communication de mai 1997 " La question urbaine : orientations pour un débat européen « , la Commission poursuit son travail et rédige un plan d’action en faveur du développement urbain durable intitulé " Cadre d’action pour un développement urbain durable dans l’Union européenne " afin de respecter les engagements contenus dans la communication, à savoir promouvoir des stratégies intégrées de développement durable.

Elle organise en novembre 1998, le Forum urbain de Vienne afin de présenter et de discuter de ce plan d’action avec un large éventail d’acteurs.

Le Forum urbain de Vienne défend l’idée d’avancer dans ces stratégies en développant les bonnes pratiques et en échangeant les expériences.

3.2. Des conférences régionales préparatoires à la conférence de Hanovre

Comme cela a été décidé à la conférence des villes durables européennes de Lisbonne, l’organisation de quatre conférences régionales a été prévue afin de mieux comprendre les problèmes spécifiques rencontrés dans le Nord, le Sud, l’Est et l’Ouest de l’Europe et de trouver des solutions adaptées régionalement à un développement durable. Ces quatre rencontres sont destinées à préparer la troisième grande conférence des villes durables de Hanovre (février 2000). Chacune d’elles est montée par l’un des cinq réseaux de villes, coordonnateurs de la Campagne des villes durables européennes.

La première conférence, Conférence de l’Agenda 21 de la région de la mer Baltique et des villes saines et durables, a lieu à Turku (Finlande) en septembre 1998. Les municipalités et les organisations participantes s’engagent à mettre en place un Agenda 21 de la région de la mer Baltique, le premier programme Agenda 21 local inter-gouvernemental régional de l’après Rio, mais aussi à encourager toutes les municipalités de cette zone à concevoir leur propre Agenda 21 local avant la fin de l’année 2000. Cette région englobe les pays nordiques, les Etats baltes, l’Allemagne, la Pologne et la Russie. Les collectivités locales s’engagent également à créer un Forum de l’Agenda 21 local de la Baltique, réunissant les acteurs de la région, afin de coordonner et de promouvoir les initiatives à cette échelle. L’accent est mis principalement au cours de cette conférence sur le thème de la planification.

La deuxième conférence régionale, organisée par l’ICLEI, se tient à Sofia (Bulgarie), en novembre 1998. Elle réunit les pays d’Europe centrale et orientale et les pays périphériques qui ont des accords d’association avec l’Union européenne (exemples : Turquie, Chypre). Plus de 280 représentants d’autorités locales, d’associations de villes et des gouvernements nationaux sont présents parmi lesquels on compte 80 maires, qui se sont déplacés personnellement. Le thème central est l’intégration de ces nouveaux pays, notamment sur le plan environnemental, à l’Union européenne. Les principales questions traitées sont celles de la période de pré-adhésion, de l’uniformisation des lois et des normes, de la gouvernance, de la démarche globale et des outils. Les pays périphériques de l’Union, prétendant à une adhésion, comme le Kazakstan, la Russie ou l’Ukraine se sont montrés très curieux et intéressés par les réflexions et les pratiques en cours au sein de l’Union européenne.

La déclaration de Sofia " Vers une durabilité locale en Europe centrale et de l’Est " fait le point sur la situation des municipalités dans ces pays, les efforts qui leur restent à fournir à la fois pour être intégrés à l’Union européenne (critères, législation) et pour éviter tout développement " insoutenable " au cours de la phase de transition et sur les avancées enregistrées en termes de développement durable. A l’époque, 29 autorités locales de ces pays sont signataires de la charte d’Aalborg. Dans cette déclaration, les municipalités en appellent à leurs parlements et à leurs gouvernements nationaux pour qu’ils créent les conditions d’un développement durable, de la démocratie, de la société civile et de l’économie. Enfin, les municipalités des pays de l’Est demandent aux pays de l’Ouest et plus particulièrement à l’Union européenne d’apporter leur soutien au développement des capacités de gestion locales à travers la formation et l’échange d’expériences.

Séville (Espagne) accueille en janvier 1999 la conférence euro-méditerranéenne des villes durables, organisée par la FMCU . Il a moins été question de développement durable en tant que concept que de préoccupations d’urbanisme, d’aménagement et de mobilité.

La dernière conférence, organisée par Eurocités, se tient à La Haye (Pays-Bas) en juin 1999 ; elle réunit le noyau dur des pays de l’Union européenne, c’est-à-dire les pays de l’Ouest, et se présente plutôt comme une conférence de synthèse des trois précédentes, préparatoire à la troisième conférence des villes durables de Hanovre. Elle est déjà orientée sur l’évaluation, le outils et la mesure.

Au cours de ces quatre conférences, il est réaffirmé que les villes sont créatrices de richesses, sont le moteur du développement mais l’idée nouvelle défendue est celle de l’évaluation, de la mesure du progrès par le biais de tableaux de bord, d’observatoires ou d’indicateurs, l’un des thèmes centraux de la conférence de Hanovre.

En février 2000, se tient la troisième conférence des villes durables européennes à Hanovre. Elle a rassemblé 1400 personnes parmi lesquelles 250 responsables municipaux de 36 pays européens. Cent trente millions de citoyens sont maintenant concernés par la Campagne des villes durables européennes qui anime le réseau depuis 1994 et qui remporte à Hanovre un succès croissant.

La conférence se déroule sous le signe de l’élargissement de l’Union européenne. Dès la séance d’ouverture, les intervenants soulignent les enjeux de l’élargissement et l’importance du développement local pour réussir l’intégration des pays d’Europe Centrale et Orientale (un tiers des participants représente les futurs pays membres et les pays hors Union européenne).

Les maires et les élus présents réaffirment l’importance de leur rôle et demande le soutien des instances européennes dans leurs actions (Appel de Hanovre).

Les réflexions sont principalement axées sur la gouvernance, les méthodes d’évaluation et les politiques intégrées. Le sixième programme cadre pour l’environnement de la Commission est largement discuté. La Commissaire européenne Madame Margot Walström affiche le développement durable comme une priorité. Hanovre reprend en fait les idées du Forum urbain de Vienne et donc celles du cadre d’action pour un développement urbain durable de l’Union européenne.

3.3. Le Groupe d’experts sur l’environnement urbain poursuit se travaux

Entre la conférence de Lisbonne et celle de Hanovre, le Groupe d’experts sur l’environnement urbain a réalisé un certain nombre de documents thématiques, peu connus en France car ils ne sont pas traduits en français. Il s’agit de synthèses concernant les collectivités locales et de textes thématiques sur la planification, la participation et le rôle des ONG dans le processus Agenda 21 local.

Le Groupe d’experts est reconduit dans ses activités pour une durée indéterminée. La nouvelle formation du groupe se réunit une première fois le 29 octobre 1999 et réaffirme sa mission : formuler des recommandations destinées à la Commission pour la préparation de documents de position sur le développement urbain durable dans les pays de l’Union européenne, notamment pour la définition d’une politique urbaine européenne. De nouveaux thèmes de travail prioritaires sont définis : outils de l’évaluation (indicateurs), législation (traduction des principes du développement urbain durable), planification urbaine et design urbain. Le travail concernant les indicateurs, conduit sous responsabilité française, a été présenté lors de la conférence de Hanovre, celui concernant la planification urbaine, pour lequel le Royaume-Uni est tête de réseau, devrait bientôt sortir.

S’agissant de l’activité des réseaux adhérents à la Campagne des villes durables européennes, elle est en régression par manque de financement spécifique. Il a donc été décidé de mettre au point et de proposer au Parlement européen un cadre communautaire de coopération favorisant le développement durable en milieu urbain. Ce cadre, qui permet à la Commission d’apporter des aides directes aux réseaux de villes, a été adopté par le Conseil et par le Parlement sous Présidence française. Sa démarche se situe résolument dans le domaine de l’innovation et répond aux souhaits des responsables politiques locaux et des professionnels de la ville réunis dans les divers réseaux et particulièrement dans le réseau des villes durables européennes. Il est doté de 14 millions d’euros pour une durée de quatre ans. Les résultats du premier appel à proposition seront connus fin 2001.

Conformément à la mission qui lui a été confiée par le Conseil au moment de sa création, le Groupe d’experts continue à participer à la définition et à l’évaluation des démarches initiées par les instances européennes.

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