Tous les projets qui se développent sur le territoire de l’agglomération de Manille achoppent sur la question de la cohérence institutionnelle. Les dispositifs mis en oeuvre pour atteindre les objectifs finaux semblent insuffisants ou inadaptés d’un point de vue institutionnel.
2009
Tous les projets qui se développent sur le territoire de Métro Manille achoppent sur la question de la cohérence institutionnelle. Les dispositifs mis en oeuvre pour atteindre les objectifs finaux semblent insuffisants ou inadaptés d’un point de vue institutionnel.
La nécessité d’une autorité régulatrice locale
L’un des objectifs affichés du MMURTRIP est le renforcement institutionnel de l’autorité locale, le MMDA, afin qu’elle devienne un interlocuteur fort pour l’implémentation et la coordination des projets sur son territoire. Cependant, c’est occulter que depuis sa création en 1995, qui lui donne la charge des services métropolitains de Métro Manille, « région administrative spéciale de développement », supervisée directement par le Président des Philippines, le MMDA n’a pu acquérir l’envergure nécessaire.
Dans l’étude des risques réalisée par la Banque Mondiale pour son projet à Marikina, la faiblesse de l’autorité gestionnaire avec laquelle il faut traiter est mentionnée comme étant un risque critique d’échec des politiques. Des stratégies de minimisation des risques ont été élaborées comme s’assurer de la participation du MMDA tout au long de la préparation du projet, afin qu’il prenne part aux décisions pour garantir la pérennité du projet. Il est aussi question d’aider au renforcement institutionnel en finançant le MMDA pour qu’il soit directement responsable de certaines composantes du projet. La Banque Mondiale cherche ainsi à faire de l’empowerment, pour pouvoir 1 Voir annexe 8 : « attributions du MMDA » p.VIII traiter avec une institution qui aura la capacité de mettre en place des projets urbains à l’échelle de Métro Manille, ainsi que de mettre en place des partenariats public-privé.
Même complétées par des mesures de consultation participative des municipalités (LGU) pour minimiser leur risque de non-coopération, ces stratégies ne peuvent dépasser leurs rivalités et la concurrence qu’elles font au MMDA. Leurs maires sont élus, et Métro Manille, comme nous l’avons vu, est sous l’autorité directe de la Présidente des Philippines, elle aussi élue. De plus, elle nomme le président du MMDA, souvent parmi les anciens maires. Ils cherchent donc à briller durant leur mandat, et à se positionner politiquement par rapport à la présidence, quitte à entrer en conflit avec le directeur du MMDA.
La multiplicité des agences gouvernementales et internationales
Le rapport mentionne aussi la nécessité de la coordination entre le MMDA, sur lequel la Banque Mondiale fait le choix de se reposer, et le DOTC, l’agence gouvernementale qui a des prérogatives plus larges. L’avantage du MMDA réside dans son échelle, locale, et les synergies attendues d’un tel organisme de gestion métropolitaine sur le territoire chaotique de Métro Manille. Mais le DOTC1, le NEDA et le DWH – avec lesquels est mis en place le MMURTRIP - sont des agences puissantes, qui bénéficient d’un financement régulier du gouvernement, alors que le MMDA n’a que 5% de ressources propres, et ne reçoit qu’une partie des financements accordés aux Philippines par les organismes internationaux. Or, comme nous l’avons vu, certains objectifs ne sont pas atteints à cause de problèmes fonciers ou de manque de financement. On peut alors s’interroger sur la capacité du MMDA à porter les projets d’aménagement urbain qui lui sont confiés.
Enfin, le dispositif mis en oeuvre, en plus de la complexité de son contexte national, est porté par un très grand nombre de bailleurs, comme la Banque Mondiale, le Fonds Mondial pour l’Environnement, l’ADB et la JICA. Ils financent des plans entiers ou des composantes, sur de multiples projets qui dépassent le secteur des transports, et bien qu’ils affichent le même but, leurs méthodes diffèrent.
Des exemples de conflits institutionnels classiques
Pour illustrer les incohérences qui viennent du manqué de cohérence institutionnelle, l’exemple de la décision de la Supreme Court contre le MMDA en 2007 est éloquent. Bien que la Présidente des Philippines a donné son accord au MMDA pour qu’il construise de grands terminaux de bus, les acteurs privés qui opèrent les bus ont porté cette décision devant les tribunaux. Il s’agissait de rationnaliser la circulation des bus en supprimant les arrêts le long des grands axes et en créant 1 Voir annexe 1 : « DOTC » p.1 quatre grands terminaux avec fonction de pôle d’échange multimodaux. La Cour Suprême, s’appuyant sur l’absence de pouvoir de police du MMDA, lui a refusé le droit de fermer les terminaux de bus existants, alors que cette décision est conforme à ses attributions qui sont conformes au Greater Manila Transport System project.
Dans son verdict, la Cour a loué les efforts du MMDA pour contrer les problèmes de transports croissants, mais elle a ajouté que la compétence du MMDA ne s’étendait pas à la mise en place de cette décision, et qu’elle même ne pouvait qu’interpréter, et non change la loi. La présidence, bien que disposant du pouvoir de déléguer ses fonctions, doit le faire au profit des agences idoine. On voit ainsi le manque d’autorité flagrante de cette institution qui doit réguler le trafic sans être dotée de pouvoirs de police, contrairement au DOTC.
D’un autre côté, la régulation des multiples opérateurs privés qui constituent l’offre de jeepneys et de bus est le fait du LTFRB, l’agence du DOTC qui fixe leurs franchises et leurs tarifs. Une pétition émanant d’une association de défense des usagers, l’a poussé à imposer une baisse des tarifs en décembre 2007, bien que cette décision entre en contradiction avec les objectifs du Transport Master Plan.