Depuis quelques années se développe, en France et dans le monde, un nouveau type de technologies regroupées génériquement sous le terme d’« implants TIC » (ICT implants en anglais, TIC pour Technologies d’Information et de Communication). Un implant TIC est, comme son nom l’indique, un artifice technologique (abritant le plus souvent une puce en silicone) destiné à être implanté dans le corps humain et apte à y réaliser certaines fonctions d’information et de communication. Les implants TIC ne sont certes pas les premières technologies à passer la frontière de l’enveloppe corporelle humaine. Ils ont été précédés depuis déjà longtemps par une lignée de prothèses et d’appareils de toutes sortes (des couronnes dentaires aux stimulateurs cardiaques). Ils soulèvent néanmoins un ensemble de questions inédites que nous allons examiner.
1. Le contexte technique
Si certains exemples tels que la puce VeriChip™ sont parmi les plus connus des implants TIC, on peut en fait en distinguer une grande variété, qu’ils soient déjà commercialisés ou encore à l’état de recherches. Un avis important consacré le 16 mars 2005 à la question par le GEE, Groupe européen d’éthique des sciences et des nouvelles technologies auprès de la Commission Européenne (1), distingue ainsi, en premier lieu, de nombreux dispositifs médicaux. On peut citer parmi eux :
les stimulateurs cardiaques
les prothèses auditives (entre autres les implants cochléaires et les implants auditifs du tronc cérébral)
les pompes d’administration de médicaments pour des patients atteints de sclérose en plaques ou de diabète
les technologies implantables de neurostimulation qui agissent sur l’activité électrique des nerfs et peuvent concerner la moelle épinière, le nerf sacré ou le nerf vague selon la pathologie
les technologies de stimulation cérébrale profonde, en cas de maladie de Parkinson ou de tremblements essentiels
les « jambes artificielles » commandées par microprocesseur.
A terme, on envisage l’implantation, par exemple dans des zones difficilement accessibles du corps humain, de réseaux de biocapteurs permettant d’exercer un contrôle médical (pression sanguine, taux de glucose, activité cérébrale en cas de Parkinson ou d’épilepsie, détection de cellules cancéreuses, etc.). Remarquons que leurs capacités de mémoire et de calcul devront être suffisamment développées pour garantir le respect de la confidentialité des données exigé par la loi. Les chercheurs réfléchissent aussi à l’élaboration d’un « hippocampe artificiel » permettant de se substituer, en cas d’atteinte ou de lésion (cas d’Alzheimer par exemple), à cette zone du cerveau jouant un rôle essentiel dans l’enregistrement des souvenirs. Des implants corticaux et des rétines artificielles pourront probablement redonner une partie de la vue aux aveugles ou mal-voyants. Se développeront également, à plus ou moins long terme, des interfaces cerveau-ordinateur (BCI en anglais), grâce auxquelles on peut espérer utiliser directement les signaux émis par le cerveau à des fins de communication et de maîtrise du mouvement.
Parallèlement sont aussi concernés toutes sortes de dispositifs d’identification, de surveillance et de localisation. Il en existe d’abord à lecture seule, tels que les puces utilisées aujourd’hui pour marquer les animaux et qu’on pourrait généraliser en cartes d’identité humaine ou s’en servir pour le repérage des mineurs, des personnes inconscientes ou atteintes d’Alzheimer. Certains permettent aussi l’écriture à distance et peuvent alors être aptes à abriter un dossier médical évolutif, des informations bancaires ou judiciaires. D’autres enfin possèdent aussi une fonction de localisation, mais doivent alors être munis d’une source d’énergie autonome. On peut citer parmi eux les puces RFID, qui sont déjà très utilisées dans l’identification du bétail, des animaux de compagnie, des animaux de laboratoire et des espèces menacées. C’est aussi le cas de la fameuse puce VeriChip™, à laquelle on envisage pour l’avenir toutes sortes d’applications (même si pour le moment l’activation de la puce nécessite la proximité d’un scanner, ce qui interdit un positionnement universel par satellites grâce à la puce).
D’ici une vingtaine d’années seront enfin envisagés des dispositifs réalisant une authentique « amélioration » des capacités fonctionnelles humaines, en particulier des sens et de la mémoire. On peut citer parmi eux des implants reliés directement au cortex visuel et permettant de visualiser en permanence d’autres données que celles transmises par le circuit oculaire (ou de voir par exemple également dans l’infrarouge), des implants de communication intégrés par chirurgie dentaire et transférant des sons directement à l’oreille interne par résonance osseuse, des « armes intelligentes » ne répondant qu’à leur propriétaire reconnu par une puce implantée, etc.
II.L’exemple de la puce VeriChip™
La puce VeriChip™ est sans doute l’exemple d’implant le plus connu et celui qui, jusqu’à aujourd’hui, a fait couler le plus d’encre.
La puce se présente sous la forme d’un cylindre de la taille d’un grain de riz et d’un millimètre de diamètre, constitué (de l’extérieur vers l’intérieur) de trois parties : un capuchon fait d’un plastique spécial qui renferme une capsule de verre hermétiquement close abritant le circuit RFID proprement dit, une antenne dont la bobine convertit le champ magnétique issu d’un lecteur extérieur en un courant alimentant la puce, et la puce elle-même qui module l’amplitude du courant traversant l’antenne en émettant de façon continue un signal de 128 bits. Une fois stimulée par un scanner extérieur (d’une portée réduite d’une dizaine de centimètres), la puce fournit ainsi un code composé de 16 chiffres auquel peuvent être associées diverses informations stockées dans une base de données. La puce s’introduit le plus souvent dans le haut du bras et sous anesthésie locale au moyen d’une seringue hypodermique (elle se couvre alors d’une substance biocollante qui facilite son adhésion au tissu local) et peut être enlevée via une opération chirurgicale mineure.
La puce est produite et commercialisée par la société VeriChip Corporation, basée à Delray en Floride et filiale de Applied Digital Solutions. VeriChip est née en 2001 dans le contexte d’exacerbation des enjeux de sécurité et d’identification des personnes issu des évènements du 11 septembre.
En 2003 VeriChip donne au salon de l’ID World à Paris une présentation de l’utilisation de sa puce comme moyen de paiement, via un système nommé VeriPay. Cet usage trouvera une publicité accrue à partir du printemps 2004, où le très branché Baja Beach Club de Barcelone le propose à ses membres VIP, bientôt suivi en cela par les clubs analogues de Rotterdam et de Cologne.
Une étape importante dans la diffusion des puces VeriChip™ est l’agrément délivré en 2004 par la Food and Drug Administration américaine (FDA) autorisant la commercialisation de la puce aux États-Unis pour des applications médicales (et en faisant ainsi le seul dispositif de ce type homologué à ce jour). Depuis, la puce s’est répandue à titre de dispositif médical (et via un réseau consacré nommé VeriMed) dans un nombre croissant d’hôpitaux, où elle est proposée à certains malades « à risques » et offre un accès rapide à leurs dossiers. En 2006 le réseau VeriMed fédérait plus de 600 médecins et 180 hôpitaux américains, qui proposaient une implantation de la puce pour 200$. Actuellement sont signés des accords pour la commercialisation de la puce en Europe, en Russie, dans certains pays d’Amérique centrale et du sud, ainsi qu’en Asie. Au Mexique par exemple ont eu lieu plus de 500 implantations en l’espace de quatre mois ; à Mexico et à Guadalajara, plusieurs hôpitaux sont équipés de lecteurs. En Italie, l’usage de la puce VeriMed est testé dans certains hôpitaux (à commencer par l’« Institute Nazionale Lozzaro Spallanzani » de Rome). En juillet 2006, VeriChip fut fière d’annoncer que, pour la première fois, une vie (celle d’un policier) avait été sauvée grâce à l’usage de la puce. Cet usage est aussi favorisé par certaines compagnies d’assurance (comme l’Horizon Blue Cross Health et la Blue Shield dans le New Jersey). Celles-ci, spéculant sur les économies d’échelle réalisables par réduction des erreurs de diagnostic ou de médication non adaptée, poussent à l’essai (volontaire et gratuit) de la puce sur des populations à risque. Il semble néanmoins que VeriChip peine à trouver un marché de masse et que ses dettes se creusent, dépassant en 2007 les 11 millions de dollars pour un chiffre d’affaires de 32 millions de dollars. D’où, en 2008 aux USA, une campagne de publicité télévisée ciblant pour la première fois le grand public et s’attachant à égrener les multiples contextes où l’usage de la puce peut se révéler intéressant.
Parallèlement, VeriChip™ a su trouver d’autres applications. En 2005, elle est utilisée aux USA dans le cadre de l’identification des victimes de l’ouragan Katrina. Puis VeriChip explore son usage comme dispositif d’identification et de sécurité. L’une des plus spectaculaires manifestations en fut celle du ministre de la Justice du Mexique qui se fit implanter en 2004 avec 18 membres de son équipe pour accéder à certaines zones de haute sécurité. Des employés de CityWatcher, société de vidéosurveillance américaine, se font également implanter sur demande de la firme. En Australie et en Nouvelle-Zélande, le personnel de certaines banques est aujourd’hui implanté d’office, ainsi que de nombreux militaires. Dans le cadre de la lutte contre les enlèvements, le distributeur mexicain de VeriChip avait annoncé en 2006 le lancement d’un programme VeriKid d’implantation des enfants (couplé à des scanners installés dans certains points stratégiques), qui semble néanmoins avoir été abandonné. Ont été également évoqués des projets de loi présentés au Congrès américain impliquant la permission d’injecter la micropuce aux enfants dès leur naissance à des fins d’identification.
La liste des applications potentielles pourrait encore s’allonger. Un peu partout dans le monde, on envisage l’implantation des prisonniers en libération conditionnelle. Aux USA, un projet prévoit l’implantation obligatoire des SDFs dans cinq états, dont New York et la Californie, pour faciliter « l’aide et la surveillance des populations délaissées ». En 2006, au cours d’une interview à Fox News Channel (chaîne de télévision américaine) qui a fait grand bruit, Scott Silverman, président du conseil d’administration de VeriChip, a proposé d’implanter de façon obligatoire les travailleurs immigrés rentrant aux États-Unis (pour faciliter, par la suite, leur identification). Peu de temps après, la presse faisait remonter certains propos tenus par le président colombien Alvaro Uribe à un sénateur américain, dans lesquels il se disait prêt à consentir à une implantation préalable des travailleurs colombiens sollicitant un emploi saisonnier aux USA. Un intense lobbying semble en tous cas en cours à Washington pour tenter de faire entendre cette proposition. Une implantation obligatoire pour les immigrants issus des pays de « l’axe du mal » a également été évoquée. Plus généralement, des organismes comme le FBI, la CIA, le Pentagone, le Département d’État ou l’administration pénitentiaire sont l’objet de démarchages par VeriChip. VeriChip est également présente dans le domaine militaire, où sont étudiés à la fois différents systèmes électroniques en substitution des systèmes classiques d’identification et le développement de capteurs pouvant renseigner sur l’état cognitif et physiologique des soldats (même si la portée réduite de VeriChip™ la rend moins compétitive que d’autres systèmes sur ce terrain). L’armée américaine est quoi qu’il en soit en passe de devenir le plus gros client de VeriChip et l’ensemble des entités gouvernementales américaines fournissent plus de la moitié de son chiffre d’affaires. VeriChip a également des alliances avec Orbcomm pour réfléchir à une association puce-GPS-satellite qui transformerait la puce en dispositif autonome actif de localisation universelle.
Divers « accidents de parcours » sérieux sont néanmoins déjà venus contrarier le développement de l’usage de VeriChip™. Celui-ci s’est d’abord heurté à une vaste opposition sociale. Aux États-Unis, des groupes associatifs comme CASPIAN (« Consumers Against Supermarket Privacy Invasion and Numbering ») se montrent très actifs dans leur refus de la surveillance globale associée à la généralisation de l’usage des puces et des technologies RFID. Katherine Albrecht et Liz McIntyre ont publié en 2005 aux éditions Nelson Current (réédité chez Penguin en 2006) Spychips, un livre de dénonciation qui bénéficie d’une large diffusion. Dès les années 2000, les premières puces implantables proposées par Applied Digital Solutions s’étaient attirées l’acrimonie de différents groupes chrétiens. Elles proposaient alors une identification basée sur 3 groupes de 6 chiffres, qui évoquaient à leurs yeux le « 666 » du « nombre de la Bête » mentionné dans différents passages de l’Apocalypse de Saint Jean, marque ou signe que la Bête imposerait à chacun de porter sur la main ou sur le front pour acheter ou vendre - on suppose que c’est cette opposition qui a amené à doter plutôt la VeriChip™ d’une numérotation à 16 chiffres. En ce qui concerne d’autre part les dangers de la puce, Associated Press révélait en 2007 que plusieurs études menées depuis les années 1990 semblaient relier de façon certaine l’apparition de tumeurs malignes chez des rats et souris de laboratoire à l’implantation des puces RFID. Ces résultats, bien que contestés par Verichip au regard d’autres études, ont nourri un début de controverse sanitaire. Elle fut entre autres alimentée par la révélation de la nomination en 2005 de Tommy Thompson au conseil de VeriChip Corporation, soit cinq mois après son départ de son poste de directeur du Département américain de la Santé et des Services Humains (organisme de tutelle de la FDA), poste qu’il occupait au moment de l’autorisation de commercialisation accordée à VeriChip. Il faut d’ailleurs remarquer que l’homologation accordée par la FDA arrivait en dépit de certains « risques potentiels associés à l’usage de la puce » que la FDA ne pouvait taire, tels ceux de « réaction tissulaire ; migration du transpondeur implanté ; sécurité des informations compromise ; défaillance du transpondeur implanté ; défaillance de l’applicateur ; défaillance du scanner électronique ; perturbations électromagnétiques ; risques électriques ; incompatibilité avec l’imagerie par résonance magnétique ; blessure par l’aiguille » (Rapport du GEE, p.21). Par ailleurs, le mythe de la protection des données par la VeriChip™ a été mis à mal quand, en 2006, un développeur de 23 ans du nom de Jonathan Westhues est parvenu à cloner la puce, puis a mis en ligne un mode d’emploi du clonage facile et peu onéreux. VeriChip n’en a pas moins continué à vanter les mérites de son dispositif pour le contrôle d’accès, en reconnaissant toutefois la nécessité de le coupler avec une vérification des papiers d’identité. Enfin, divers barrages juridiques se sont élevés contre la diffusion des implants sous-cutanés. En mai 2006 Jim Doyle, gouverneur du Wisconsin, a signé une loi interdisant (et rendant passible d’une amende pouvant atteindre 10.000 dollars) d’exiger d’un individu l’implantation d’une micropuce sous la peau (par exemple dans le cadre d’un emploi). A ce jour, plus de 10 états américains ont produit des lois visant à limiter l’usage des implants. Remarquons néanmoins que la législation actuelle, si elle permet d’assurer que l’implantation reste volontaire, ne permet pas d’empêcher que la possession d’une puce ne devienne de facto une condition de l’accès à certains emplois ou services. De même qu’elle ne permet pas d’exercer une véritable protection de la vie privée, comme pourrait le faire l’interdiction de lire par un scanner non autorisé les données d’une puce implantée (2).
Toujours est-il qu’en 2007, plus de 2.000 personnes se trouvaient implantées par VeriChip™ de par le monde et dans plus de 30 pays. Depuis le développement de la puce, divers sondages ont été effectués. Lors d’une petite enquête menée en 2003 sur 23 personnes par le New Jersey Institute of Technology (Newark), 18 personnes manifestaient leur opposition à l’usage de la puce comme dispositif d’identification. En 2006, sur 141 étudiants interrogés à la Bridgewater State University (Massachusetts), un tiers se disait prêt à l’implantation au regard de différents enjeux (prévention des détournements d’identité, lutte contre le terrorisme, sécurité médicale, etc.), alors qu’un peu moins de la moitié s’y déclarait hostile — l’usage comme dispositif d’identification étant celui qui retenait le moins de suffrages. Toujours en 2006, un sondage réalisé par un « think tank » britannique de l’industrie agro-alimentaire laissait quant à lui entendre que 8% des Britanniques de 13 à 19 ans et 5% des 25 à 40 ans seraient disposés à payer via une puce sous-cutanée (contre respectivement 20% et 17% par des méthodes biométriques — les jeunes se montrant dans tous les cas moins sensibles aux enjeux de vie privée que les plus âgés).
3. Kevin Warwick et l’idéologie transhumaniste
La première expérience d’implantation d’une puce RFID chez l’être humain remonte en fait à août 1998. C’est le scientifique britannique Kevin Warwick, de l’université de Reading, qui l’effectua sur son propre corps. Ce premier implant lui permettait d’ouvrir des portes, d’allumer des lumières et de déclencher des messages sonores. Cette expérience d’une dizaine de jours fut baptisée « Cyborg 1.0 » et s’inscrivait dans un programme « Cyborg » au but avoué et revendiqué de transformer l’homme en un être « mi-humain, mi-machine » devant constituer la prochaine étape de son évolution. Cyborg 1.0 fut suivie en mars 2002 de Cyborg 2.0, une expérience de trois mois au cours desquels une puce contenant une centaine d’électrodes et capable de communiquer avec un ordinateur fut implantée dans les fibres nerveuses médianes du bras de Warwick. Grâce à l’analyse par ordinateur des signaux moteurs issus du cerveau et captés par la puce, Warwick fut, entre autre, capable de commander à distance une main artificielle. Une puce similaire reliée à l’ordinateur fut de plus implantée chez son épouse Irena, de telle sorte qu’une communication purement électronique put s’établir entre eux : lorsque Irena bougeait sa main, le signal moteur correspondant était analysé puis transmis à la puce de Kevin, dont le cerveau recevait alors une sorte d’impulsion. Warwick a voulu voir dans ce contact une nouvelle forme révolutionnaire de communication sans langage, ouvrant la voie aux échanges directs entre cerveaux (soit une certaine forme de télépathie).
Un autre type d’exemplification fut fourni lors d’une nouvelle expérience au cours de laquelle Irena portait un collier changeant de couleur selon les signaux nerveux captés par la puce de Kevin, fournissant ainsi selon lui une sorte d’image de ses « états mentaux ». D’autres expériences sont actuellement en projet, sous les noms de Cyborg 3.0 et Cyborg 4.0. Elles visent à l’implantation directe de puces dans plusieurs cerveaux d’individus de façon à capter, transmettre et échanger directement des signaux ou « contenus » cérébraux, ainsi qu’à l’enrichissement de l’intelligence artificielle par des informations émotionnelles (même si Irena semble pour le moment refuser de s’y soumettre).
Parallèlement, Warwick est engagé dans une expérience d’« Animat » (ou animal artificiel) avec le développement d’un robot (prénommé « Gordon ») fonctionnant avec des neurones animaux, en l’occurrence des neurones de rat. Des neurones sont prélevés sur un cortex de fœtus de rat, puis préparés et déposés sur une plaque munie d’une soixantaine d’électrodes (dispositif dénommé « MEA » pour Multi-Electrode Array). Des interconnexions, observables dès la première journée, se développent alors entre les neurones et au bout d’une semaine des impulsions électriques spontanées apparaissent et des électrodes peuvent les enregistrer. Au bout de trois à cinq semaines, ce qui commence à ressembler à un « cerveau » peut être couplé à un petit robot muni de capteurs qu’il va contrôler dans un espace semé d’embûches. On peut dès lors observer progressivement un développement du « cerveau » (multiplication des neurones, renforcement des connexions) en fonction des stimuli exercés par l’environnement du robot et, conjointement, un « apprentissage » du robot dans ses capacités à se mouvoir dans l’espace (contournement des obstacles, etc.). Les scientifiques peuvent également obtenir des effets sur les mouvements du robot en agissant directement sur le « cerveau » (par impulsion électrique ou utilisation de produits chimiques favorisant ou inhibant les transmissions entre neurones). L’équipe possède en fait plusieurs « cerveaux » différents qui développent des « caractères différents », au sens où ils déterminent des formes légèrement différentes de comportement du robot (évitement ou obstination face aux obstacles, etc.) Chacun de ces « cerveaux » est constitué au final de 50.000 à 100.000 neurones — alors qu’un cerveau de rat peut en comporter un million et un cerveau d’homme cent milliards. Warwick et son équipe espèrent notamment obtenir à partir de ces recherches un gain dans la compréhension de la façon dont le cerveau (notamment le cerveau humain) « stocke » et traite les souvenirs et les situations, et la façon dont il apprend et se développe. On peut également leur imaginer, à long terme, toutes sortes d’applications médicales.
Warwick communique volontiers sur les motivations profondes de ses travaux. Pour lui, au cours des prochaines décennies, le développement des machines sera tel qu’elles dépasseront en intelligence le cerveau humain. Face à cette situation, la seule chance pour l’homme de rester en course est de se faire lui-même machine, voie dans laquelle il compte lui-même s’engager en développant ses sens et capacités par tous les moyens que la technique peut lui fournir. Warwick cherche également à faire bénéficier de ses recherches les populations défavorisées (handicapés, malades, etc.) mais contrairement à d’autres collègues, c’est à l’aspect d’aventure humaine véhiculé par ses expériences qu’il se dit le plus sensible. Ses thèses peuvent donc être vues comme s’inscrivant plus généralement dans la philosophie « transhumaniste », qui vise à substituer à l’évolution naturelle de l’homme une évolution choisie et orientée.
Le mouvement transhumaniste a de nombreuses racines et on peut lui trouver des devanciers dès les premiers âges de la pensée humaine. Il a pris une expression propre à partir des années 1980, quand l’université de Californie à Los Angeles en devint le centre principal, animé par des personnalités comme le futurologue F. M. Esfandiary — rebaptisé FM-2030 — ou l’artiste Natasha Vita-More. En 1998 est fondée la World Transhumanist Association (WTA) par les philosophes Nick Bostrom et David Pearce. Celle-ci rédige en 1999 The Transhumanist Declaration et deviendra à partir de 2006 la principale organisation transhumaniste mondiale. Elle adopte en 2008 le nom de « Humanity Plus » et publie un périodique, H+ Magazine, visant à faire connaître les thèses et idées transhumanistes. Le transhumanisme est aujourd’hui un mouvement influent, notamment aux USA où ses membres prennent une part active à l’élaboration des politiques et investissements de recherche, en particulier dans le domaine des nanotechnologies.
Le transhumanisme n’est pas un courant de pensée parfaitement unifié et il se nourrit de plusieurs types d’idées parfois contradictoires. Les transhumanistes attendent et préparent l’avènement d’un nouveau type d’homme affranchi des limitations naturelles de son corps. Ses capacités seront « augmentées » et il ne sera plus soumis aux contingences de la maladie, voire pour certains de la mort — ayant réussi soit à devenir immortel, soit à dématérialiser ses contenus cérébraux et donc sa personnalité en les stockant sur des supports informatiques, où ils pourront d’ailleurs être mis en réseau avec ceux d’autres hommes. Il pourra avoir avec les machines des relations diverses, de concurrence ou de collaboration selon les auteurs — sachant que pour le célèbre Ray Kurzweil, par exemple, la « singularité » ou atteinte, par les machines, de la suprématie en intelligence sur les hommes devrait advenir vers 2050. Certains envisagent d’ailleurs pour l’homme un avenir apocalyptique d’esclavage au profit des machines, ou de relégation dans des « réserves humaines », alors que d’autres envisagent la possibilité de mouvements humains ayant choisi de rester tels quels et parvenant à se maintenir de la sorte (sorte de transposition du mode de vie contemporain des Amish dans une société hypertechnicisée). Les transhumanistes partagent souvent une vue très matérialiste de la condition humaine. Ils en appellent à la liberté de l’individu de se transformer et de modifier son corps, dont il est le possesseur, entretenant en cela quelques affinités avec le mouvement libertarien. Ils croient souvent en la capacité de la technique à résoudre l’ensemble des problèmes de la planète — au détriment, selon certains commentateurs, d’une insistance politique sur le partage des richesses et la réduction des injustices qui serait plus salutaire. Le corps humain et les dimensions matérielles de la vie de l’homme sont plus souvent pour eux des carcans dont il faut s’affranchir que des opportunités de réalisation. Ils propagent parfois une vision très normative du progrès et du devenir humains, nourrie d’idéaux standardisés et mâtinée d’eugénisme. Certains s’émeuvent des aspects coercitifs et inégalitaires de la société qu’ils appellent de leurs vœux. Pour certains (et souvent pour eux-mêmes), ils renouvellent l’idéal humaniste hérité de la Renaissance et des Lumières. Pour d’autres, ils le pervertissent, en se révélant notamment les fossoyeurs de l’idéal du sujet libre et autonome. Le transhumanisme fait en tout cas depuis quelques temps l’objet de nombreuses attaques ou critiques, motivées par des considérations qui peuvent être soit pratiques (comme celles basées sur l’irréalisme de ses prévisions), soit éthiques (comme les condamnations de l’idéologie qui lui est sous-jacente).
4. L’analyse éthique
Au final, la situation éthique autour des puces et des implants nous semble ainsi manifester une série d’interrogations et d’oppositions qui peuvent se laisser reconstruire de la sorte :
(1) Un corps sanctuaire ou un corps ressource ?
Il n’est pas nouveau qu’une technologie bénéficie d’une publicité accrue de la part d’industriels et de commerciaux intéressés par la généralisation de son usage et visant à son acceptabilité sociale en insistant sur ses bienfaits. Ce qui est nouveau dans le cas des puces et implants est que, passant la frontière du corps, ils nous obligent à une clarification de notre rapport à ce corps.
Deux grandes options peuvent dès lors se dessiner. Pour certains, le corps sera un sanctuaire décrété inviolable, un lieu de mystère qui doit être respecté. Cette interprétation peut être dictée par une croyance religieuse (pour laquelle, par exemple, on n’a pas davantage la propriété de son corps que de sa vie), mais elle peut aussi se nourrir de considérations laïques (le corps étant, par exemple, la seule chose qui demeure tangiblement — quoique partiellement — de nous-mêmes après la mort, on lui accorde un respect particulier). Dans cette conception seront associés à l’intimité corporelle et à l’intériorité un ensemble d’interdits ou de mises en garde. L’idée sous-jacente sera que le corps n’est pas une partie de nous-mêmes comme les autres, elle n’est pas anodine. On peut d’ailleurs soit l’idéaliser (le corps comme trésor à préserver) ou au contraire la déprécier (le corps comme lieu de l’animalité et de la matière qui est en nous, part de chair et de sang qu’on cherche à oublier et dont on n’aime pas qu’elle se rappelle à nous — que ce soit à l’occasion de la maladie, des relations aux autres, etc.). Vu sous cet angle, l’implant pourra être rejeté soit parce qu’il corrompt le corps, soit, inversement, parce qu’il nous y réduit.
Pour d’autres, au contraire, le corps sera un continent à faire fructifier, à cultiver, voire à rentabiliser. Pour ceux-là, il n’existe pas de différences majeures entre l’intérieur et l’extérieur et la frontière épidermique est artificielle. Le corps d’ailleurs sera souvent considéré comme en devenir, en définition permanente, non figé. Vu sous cet angle, l’implant sous la peau sera du même ordre qu’une prothèse extérieure ; il nous permet de relativiser notre corporéité ou même de la transcender. Cette attitude peut aller jusqu’à la marchandisation du corps, ou de façon moins spectaculaire à son usage à des fins mercantiles (c’est le cas par exemple dans l’usage d’implants offrant des tarifs préférentiels en discothèque, etc.).
(2) Guérir ou améliorer ?
La frontière, on le sait, est parfais ténue entre les deux notions et les promoteurs des implants profitent pleinement de cette ambiguïté. Un consensus social sera quoi qu’il en soit toujours plus simple autour du but du soin, qui semble moralement plus respectable et surtout plus « naturel » que celui de l’amélioration. Cependant, même si l’amélioration relève encore aujourd’hui du fantasme, elle joue comme on l’a vu un rôle moteur dans les recherches et elle est prise comme objectif revendiqué par de nombreux chercheurs. La distinction entre ces deux notions peut d’ailleurs faire écho au dilemme précédent, entre la conception d’un corps à respecter et éventuellement à restaurer et celle d’un corps instrumental à parfaire.
Un large accord semble exister sur l’usage d’implants à des fins médicales (même s’il exclue certaines tendances très minoritaires de la société). Dans son rapport, le GEE préconise néanmoins que cet usage soit soumis aux principes suivants :
L’objectif doit être important, comme sauver la vie du patient, le guérir ou améliorer sa qualité de vie.
L’implant doit être nécessaire à la réalisation de cet objectif.
Il n’existe pas d’autre moyen d’y parvenir qui soit moins invasif et plus efficace en termes de coût (Rapport du GEE, p.34).
On comprend que ces restrictions suffiraient à compromettre, par exemple, l’usage généralisé de la puce VeriChip, fût-ce aux seules fins médicales.
A plus long terme, distinguer et choisir entre soin et amélioration impose de définir ce qu’est la normalité. Cette définition en elle-même pose, on le sait, de nombreux problèmes théoriques qu’il ne faut cependant pas sur-estimer pour la pratique des cas posés par les implants. Le rapport du GEE, par exemple, propose de désigner par normal l’état corporel « généralement prédominant, non affecté par une malformation, une maladie ou une déficience génétique et exempt d’anomalies observables ». Et ce même rapport propose de limiter l’usage d’implants visant à une amélioration des capacités physiques et mentales strictement aux cas d’amélioration des perspectives en matière de santé (par exemple, cas du renforcement du système immunitaire pour le rendre plus résistant au VIH) et à ceux de recouvrement d’une « normalité » pour des enfants et adultes qui en seraient exclus de manière flagrante (Ibid, p.38).
Plus généralement, il faut néanmoins veiller à ce que ne s’impose pas une « dictature de la normalité ». Le cas des enfants détectés sourds de façon précoce prend ici valeur d’exemple. Comme le rappelle le GEE (Ibid, p. 27) et comme en témoignent certains médecins (voir par exemple Dr Benoît Drion, « La traversée du miroir » dans Que faut-il réparer ?, J.Giot et L.Meurant eds., Presses Universitaires de Namur, 2006), le recours systématique à l’implantation de prothèses cochléaires n’est pas sans poser de graves problèmes quant à l’équilibre psychologique et social des patients, notamment, parmi d’autres effets néfastes, en les éloignant de leur communauté et de la langue des signes qui la cimente.
(3) Se libérer ou s’aliéner ?
La problématique des implants se prête de façon manifeste à l’invocation de différentes conceptions de la liberté, qui peuvent d’ailleurs parfois rentrer en contradiction.
La liberté de se faire poser un implant est souvent revendiquée (notamment par les jeunes gens friands de nouveautés technologiques) comme instance de la liberté d’usage de son corps. La pose de l’implant, d’autre part, est souvent motivée par l’espérance d’un gain en liberté (liberté de se promener sans carte bleue, sans son dossier médical, etc.) Néanmoins, posséder un implant expose immédiatement, notamment, au risque de pistage et de ce fait contraint la liberté de mouvement. D’autre part, la possession d’un implant peut elle-même se révéler très contraignante, du fait notamment de la difficulté à extraire un dispositif implanté.
A l’autre extrémité, la liberté du corps est également revendiquée par les opposants aux obligations croissantes d’implantation (en contexte professionnel dans certains endroits du globe ou, par exemple, parmi les militaires pour qui l’implantation a tendance à devenir une nécessité professionnelle). Mais elle peut par exemple entrer en contradiction avec la liberté d’être protégé ou de se mouvoir sans entraves dans certaines zones au sein desquelles un état pourrait requérir une implantation obligatoire. Plus concrètement, il faut distinguer en ce domaine la liberté de droit que semble pour le moment garantir la loi (par exemple par l’interdiction pour une firme d’exiger l’implantation d’un salarié) et la contrainte et la discrimination à l’emploi que la généralisation des implants dans le monde professionnel ferait, de fait, peser.
Ainsi, la notion de liberté est riche en paradoxes. Il peut être intéressant de raconter ici une anecdote tragique ayant pour cadre la Colombie. Une certaine publicité y avait été faite autour de l’usage de puces permettant une localisation à distance et donc censées garantir une protection efficace contre les enlèvements, ainsi qu’un gain en liberté de mouvement. Encouragée par la dissuasion occasionnée, mais non implantée elle-même, une Colombienne s’est montrée un peu imprudente en se rendant dans certaines zones dangereuses et s’est faite enlever. Ses ravisseurs, mal renseignés, angoissés et persuadés à tort qu’elle était « pucée » lui ont alors imposé des conditions de séquestration particulièrement rudes et s’apprêtaient même à tenter de l’opérer de force avant que d’autres raisons, heureusement, ne les forcent à la libérer…
(4) Altérer son identité ou la révéler ?
Si les implants suscitent des résistances, c’est en particulier parce qu’on les associe à une altération de l’identité. D’abord, pour certains, transformer son corps est ipso facto agir sur la partie la plus intime et la plus personnelle de soi et donc se transformer radicalement ; alors que d’autres, une fois encore, feront valoir que le corps est la chose la plus commune et la plus partagée qui soit et que l’identité est ailleurs. Néanmoins, certains implants (par exemple les hippocampes artificiels dont on rêve aujourd’hui, ou les renforceurs de mémoire ou de capacité cérébrale) prennent plus ou moins explicitement pour objectif une modification de la conscience et donc, dans une de ses composantes essentielles, de l’identité du sujet. Les relativistes feront valoir qu’on peut une fois encore les rapporter malgré tout à une forme de soin (une personne atteinte d’une déficience de l’hippocampe mérite comme une autre d’être ramenée à un semblant de « normalité », fût-ce par la pose d’un implant) et que l’identité d’un sujet est de toutes façons une chose fluctuante que n’altérerait pas de façon radicale une augmentation de la mémoire. Vus sous cet angle, les implants seront alors présentés comme un moyen d’exalter une identité pré-existante ou de la révéler davantage en lui offrant d’autres modalités d’expression. Avec une mémoire augmentée, j’aurai accès plus facilement à mes souvenirs, sans pour autant modifier leur organisation ou la tonalité affective qui les environne, où réside véritablement mon identité. Ou encore, avec des capacités sensorielles augmentées, je pourrai exprimer plus franchement mon identité en réalisant plus facilement les actions auxquelles elle m’encourage, etc. Malgré cela le GEE se déclare, dans son rapport, opposé par principe à tout usage d’implant à des fins de modification de l’identité, de la mémoire, de la perception de soi ou de la perception d’autrui (Ibid, p. 38).
Mais l’usage des implants recèle parfois une autre ambition, celle d’arriver à une conscience et donc à une identité plus profonde ou plus enfouie, et se passant notamment du langage, telle celle recherchée par Kevin Warwick dans ses expériences. Ce mouvement est paradoxal, il laisse entendre qu’il y a quelque chose à chercher dans les signaux cérébraux, les influx nerveux ou les décharges électriques des axones qui soit plus que le corps biologique et, néanmoins, différent de l’identité sociale et langagière endossée quotidiennement, quelque chose d’une identité éprouvée sans les médiations usuelles et qui en même temps nécessite d’être décryptée et interprétée grâce aux artifices techniques. Ce serait là une identité en-deçà, nouvelle terra incognita dont on peut discuter longtemps de savoir si la quête en est illusoire ou non.
Quoi qu’il en soit, c’est finalement une autre fonction qu’on retrouve de la façon la plus récurrente dans l’usage qui est fait aujourd’hui des implants, celle de trahir l’identité et de la communiquer. Le corps devient un espion intime et, de ce fait, l’ensemble même de nos activités, jadis opportunité d’évasion et de cheminement, devient une suite monotone de divers pistages qui nous ramène invariablement à nous-mêmes (elle sera bientôt complétée, nous promet-on d’ailleurs avec les moyens informatiques du futur, via l’étiquetage et la localisation de tous les objets du monde, par celle de nos effets matériels dont la liste suffira inexorablement à nous identifier).
(5) Posséder un corps ou posséder des données ?
Le rapport du GEE préconise d’aborder la question des implants en référence principale à la notion de respect de la dignité humaine et suggère que la promesse de l’ « Habeas Corpus » soit prolongée par celle d’une « Habeas Data », faisant valoir que « chaque intervention sur le corps, chaque opération de traitement de données à caractère personnel doit être considérée comme touchant le corps dans son ensemble » (Ibid, p. 33). C’est là un principe que différentes juridictions cherchent à affirmer, mentionnant également le « principe de finalité » selon lequel des données produites et conservées pour un certain usage ne doivent pouvoir être détournées au profit d’un autre. Néanmoins, considérer l’ensemble des traces numériques d’un être humain comme une prolongation de lui-même ne va pas sans difficultés : si l’essence de toute communication est d’aliéner une part de sa propriété personnelle au profit d’un échange dont on espère au final un gain mutuel, il faut reconnaître que certaines parties de nous-mêmes se prêtent davantage à la mutualisation que d’autres et qu’entre le corps et les données qu’il produit semble malgré tout demeurer une frontière qualitative (sans même évoquer les travers de certaines vues réductionnistes contemporaines selon lesquelles le corps peut être vu lui-même comme un ensemble de messages et de données naturels ou artificiels). La divergence entre ces deux notions de propriété est d’ailleurs rendue manifeste par le paradoxe de la puce, que l’on cherche à enfouir au plus profond du corps pour garantir son inviolabilité (et ainsi, en un sens, lui faire incarner le type même de la propriété parfaite), mais qui reste démunie de tout dispositif efficace de cryptage et se révèle, de fait, particulièrement vulnérable aux tentatives de piratage et donc de « vol » des données.
Cette imprécision de la notion de « propriété des données » peut d’ailleurs prendre des visages très concrets. On sait par exemple qu’après la faillite de CityWatcher (firme américaine basée à Cincinnati qui fut la première à avoir fait implanter ses employés de puces VeriChip™) se posa le problème, à ce jour semble-t-il non résolu, de savoir à qui appartenaient ces puces et si les employés devaient se faire « dépucer » (et aux frais de qui), sans que la compagnie VeriChip elle-même ne fasse de recommandations claires à ce sujet. De même que dans l’hypothèse — espérons-le très pessimiste— d’un puçage obligatoire des personnes sans domicile fixe ou des travailleurs pauvres immigrés, la question de savoir qui assume les coûts de puçage et de maintenance ne semble pas avoir été davantage envisagée. (Pour ces exemples, voir www.spectrum.ieee.org/computing/hardware/rfid-inside, Kenneth R.Foster et Jan Jaeger, « RFID Inside »).
science et technologie, technologie de l’information et de la communication, appropriation de technologies, technologie de pointe, bioéthique, éthique
, France, Etats-Unis, Mexique
Entretien
CETS - Groupe ICAM, Polytechnicum Lille (Centre Ethique, Technique & Société - Institut Catholique des Arts et Métiers) - 6 rue Auber, 59000 Lille, FRANCE - Tel : +33 (0)3.20.22.61.61 - Fax : +33 (0)3.20.93.14.89 - France - cets.groupe-icam.fr