La facilitation est l’art du leadership dans la communication de groupe. Un facilitateur est une personne qui remplit ce rôle de leadership. Dans les milieux en ligne, ces termes sont souvent employés de manière interchangeable avec « modération » et « modérateur ».
La facilitation, tant à distance qu’en présentiel, vise à promouvoir un climat social agréable et un échange de perspectives animé. Le facilitateur en ligne ressemble à son équivalent en présentiel à bien des égards. Voici comment est décrite la facilitation dans une description classique (Hiltz et Turoff, 1978, p. 23-24) :
« Pour qu’une conférence informatisée soit réussie, le modérateur doit travailler très fort pour remplir à la fois les rôles d’«hôte social» et de « président/e d’assemblée ». En tant qu’hôte social, il/elle est tenu-e de transmettre des invitations chaleureuses, d’envoyer des messages privés d’encouragement complimentant ou, au moins, commentant les contributions des participants, ou de suggérer des contributions selon leurs qualifications. En tant que président/e d’assemblée, il/elle doit préparer un ordre du jour initial alléchant, résumer ou clarifier fréquemment ce qui se passe, essayer d’exprimer le consensus émergent ou demander un vote formel ; sentir et annoncer quand il est temps de passer à un nouveau sujet. Sans ce genre de rôle actif de modérateur, une conférence ne peut prendre son envol. »
Les classifications des activités de facilitation
Une approche classique consiste à classer les activités de facilitation en quatre catégories : pédagogique, social, gestionnaire et technique.
Le rôle pédagogique concerne l’apport de connaissances et d’idées spécialisées par l’enseignant, l’utilisation de questions et suggestions pour encourager les réponses des élèves et pour centrer les discussions sur des concepts essentiels. En outre, en servant de modèle par un son propre comportement, l’enseignant prépare les étudiants à diriger eux-mêmes des activités pédagogiques.
Un enseignement en ligne réussi nécessite un environnement social agréable. Le rôle social de l’enseignant consiste à promouvoir les relations humaines, à valoriser et à reconnaître les contributions des étudiants, à offrir aux étudiants les possibilités de développer un sentiment de cohésion de groupe, à maintenir l’unité de groupe, et à aider les étudiants à travailler ensemble pour une cause commune.
Le rôle gestionnaire concerne les activités d’organisation, de procédure et d’administration. Ce rôle consiste à établir les objectifs, les calendriers, les règles de procédure et les normes de décision.
Le rôle technique concerne la responsabilité d’assurer le confort et l’aisance des participants lors de l’utilisation du système de réseau et du logiciel de conférence. Ce rôle nécessite que le facilitateur maîtrise la technologie.
Une question importante lors de discussions sur la pédagogie en ligne concerne ce que l’on a appelé la « présence didactique » La présence didactique se définit comme la capacité des participants, en particulier des enseignants, à concevoir des expériences éducatives, à fournir un enseignement direct, et à faciliter la discussion. Dans ce contexte, la facilitation consiste à identifier les points d’accord et de désaccord, à rechercher le consensus, à reconnaître les contributions des étudiants et à poser des questions, à approfondir et à résumer les discussions, à instituer une nétiquette, et à identifier et à gérer les idées reçues.
Comme la plupart des nombreuses publications scientifiques sur le sujet, ces approches décrivent la facilitation en ligne dans des termes correspondant aux activités en présentiel. Toutefois, les correspondances ne sont pas exactes. Les différences subtiles entre la facilitation en ligne et en présentiel sont dues aux différences entre les moyens de communication dans les deux milieux.
Une approche de la facilitation par la communication (communication-theoretic approach) insiste plutôt sur les différences entre les activités en ligne et en présentiel. Elle met en lumière les activités spécifiques de la facilitation en ligne. Celles-ci peuvent être distinguées dans un but d’analyse des autres activités des facilitateurs, telles que la gestion sociale des relations personnelles dans le groupe, le soutien technique pour les participants éprouvant des difficultés, et les pratiques pédagogiques telles que poser des questions et expliquer des concepts. L’attention portée à ces différences permet d’accéder à une compréhension plus complète du milieu en ligne et des exigences particulières qu’il fait peser sur les facilitateurs. (Pour une liste complète des fonctions de communication, consultez le tableau ci-dessous.)
Établir un modèle de communication
En présentiel, le défi pour le facilitateur est d’assurer à chacun une chance de parler en gérant habilement le tour de parole. Le tour de parole n’est pas un problème dans les forums en ligne asynchrones. Au lieu de cela, le facilitateur en ligne est principalement occupé à compenser l’absence des repères tacites habituels qui permettent aux partenaires de discussion de se comprendre et de se reconnaître mutuellement face à face. La tâche première et fondamentale du facilitateur en ligne est de construire la réalité sociale de la rencontre électronique en choisissant un modèle de communication pour le groupe. Dès que nous entrons dans une pièce, nous nous orientons plus ou moins consciemment en fonction des indices tacites que nous remarquons dans le cadre du processus de communication que nous sommes sur le point de rejoindre. Ces indices contextuels établissent un modèle de communication partagée, d’où découlent des rôles, des normes et des attentes.
Puisque aucun signe tacite visible dans l’environnement n’établit un modèle de communication en ligne, les facilitateurs doivent généralement faire un choix explicite pour le groupe qu’ils dirigent, en réduisant l’étrangeté du milieu à travers la définition d’un contexte familier avec un système de rôles et de règles qui imite la vie de tous les jours. Le facilitateur doit préciser les normes de comportement en ligne au début de la vie du groupe.
Ces fonctions de contextualisation sont importantes pour soulager l’anxiété que quelques-uns des participants vivent dans un milieu de communication qui n’est pas défini à l’avance par des indices tacites. Lorsqu’un modèle de communication est mis en place, le facilitateur doit jouer le rôle spécifique de leadership qu’il implique, soit le président d’assemblée, l’hôte, l’enseignant, ou l’amuseur. Ce rôle consistera en partie à surveiller la conformité avec le modèle de communication et à rassurer les participants quant au caractère approprié de leurs contributions à la discussion, ou, si elles ne sont pas appropriées, à les guider doucement vers une meilleure compréhension du modèle. Pour maintenir la conversation sur les rails, le facilitateur doit aussi offrir à l’occasion des « méta-commentaires » explicites qui abordent les problèmes de communication rencontrés par le groupe dans son ensemble.
Maintenir les motivations à participer
Les motivations à participer à un forum en ligne sont souvent extrinsèques, comme les exigences d’un emploi ou la notation des élèves. Cependant, la cohésion sociale d’un forum en ligne dépend des motivations qui émergent au cours de l’interaction. À cet égard, les forums en ligne ressemblent aux rencontres et aux classes en présentiel qu’ils imitent. La préoccupation pour les notes est généralement insuffisante pour maintenir une discussion intéressante en classe, et la facilitation est nécessaire pour maintenir la motivation à participer aux cours en ligne. Les élèves apportent une certaine curiosité et un désir de briller en classe. La facilitation utilise ces motivations. L’enseignant éveille la curiosité des élèves et le suspense garde les étudiants attentifs jusqu’à ce qu’elle soit satisfaite. Certains faits ou concepts surprenants captent l’attention et suscitent des commentaires. La reconnaissance de la contribution stimule le désir de contribuer à nouveau. Chaque enseignant est conscient de ces dynamiques et les utilise pour faciliter la discussion en classe. Les étudiants en ligne répondent aux mêmes stimuli ; seul l’environnement est différent.
Cette différence est cependant considérable. Les malentendus peuvent être rapidement corrigés en classe, mais laissent une marge d’ambiguïté et d’erreur beaucoup plus grande sur un forum en ligne, où la confusion peut mettre plusieurs jours à se régler. La clarté d’expression est donc requise de tous et du facilitateur avant tout. Parfois, cela implique de développer des sujets et leurs commentaires beaucoup plus longuement que cela se ferait face à une classe. De la même manière, la reconnaissance de la contribution des étudiants est un fardeau plus lourd en ligne, où les étudiants ne voient pas la réponse tacite de leurs camarades et ont ainsi besoin d’être rassurés plus fréquemment par l’enseignant.
Malgré ces difficultés, les étudiants apprécient les discussions en ligne bien facilitées et apprennent beaucoup en écrivant au sujet des concepts de leur domaine d’études. Il y a quelque chose d’excitant à se connecter quotidiennement et à chercher la prochaine série de messages, qui peuvent inclure des réponses à ses propres commentaires et de nouvelles perspectives introduites par l’enseignant. La participation à un forum de discussion en ligne peut devenir « addictive », incitant les étudiants à revenir jour après jour tout au long du semestre.
La facilitation et l’enseignement
Les dix fonctions de communication décrites dans le tableau maintiennent le flot de la conversation en ligne indépendamment de son objet et de son contenu. Elles seront effectuées d’une façon ou d’une autre dans n’importe quel groupe en ligne réussi. Parfois, la responsabilité d’assurer la discussion est largement distribuée parmi les membres du groupe, Chacun effectuant occasionnellement une des fonctions ; parfois, elle est principalement à la charge d’un seul facilitateur. Il y a de fortes raisons pour préférer ce dernier modèle dans un cours en ligne.
Dans l’éducation en ligne, une facilitation habile est un enseignement habile. Il n’y a pas de pédagogie alternative disponible. Cela est dû aux limitations intrinsèques du médium. Les cours magistraux en ligne, à travers du matériel écrit ou de la vidéo, ne possèdent pas les qualités interactives essentielles à un bon enseignement. Le problème n’est pas les cours magistraux en tant que tels. Dans une petite salle de classe, l’enseignant peut encourager l’interaction en restant ouvert aux commentaires et questions, mais cette flexibilité est perdue lors de cours magistraux reproduits en ligne. Ceux-ci se distinguent peu des conférences qui, en elles-mêmes, ne constituent pas une expérience d’enseignement. Des solutions techniques sophistiquées utilisant la vidéo interactive sont encore trop compliquées pour la plupart des enseignements en classe. En réponse à cette limite, les éducateurs en ligne utiliseront plutôt la discussion sur des forums asynchrones, car c’est ce se rapproche le plus de l’expérience familière de la classe.
Comme dans une classe, la facilitation en ligne de discussions offre à l’enseignant de nombreuses occasions pour faire progresser la compréhension des élèves. Dans ce contexte, les fonctions de communication de la facilitation ne sont pas purement sociales, détachées du contenu éducatif. De nombreuses activités sociales et pédagogiques s’effectuent mieux dans le cadre de l’exécution des fonctions de communication. Par exemple, le maintien d’un environnement agréable exige la reconnaissance rapide des contributions individuelles, afin que personne ne se sente mis à l’écart. De même, les concepts sont souvent expliqués lors de l’ouverture de discussions à l’aide de propositions de sujets.
Les synthèses et les commentaires de la discussion ont une importance particulière pour la pédagogie en ligne pratiquée par de nombreux enseignants. Comme fonction de communication, la mise en relation des idées échangées permet au groupe de faire le bilan des accords et des désaccords et de suivre les progrès accomplis quant à ses priorités. Ceci s’accomplit en identifiant dans un texte les ressemblances avec un certain nombre de commentaires précédents. Pour écrire ces synthèses, il est nécessaire d’examiner attentivement les archives des discussions, de manière à se rappeler des contributions antérieures, à clarifier des expressions confuses, à identifier des thèmes, à faire des liens.
Dans le cadre d’un cours en ligne, ces activités créent des occasions pédagogiques. La synthèse peut faire davantage que simplement résumer la discussion dans les termes d’une nouvelle discussion. Elle permet de relier les contributions des étudiants aux thèmes du forum, et les concepts plus avancés dans la discipline de l’enseignant avec les idées et les expériences des élèves. C’est un moyen particulièrement efficace d’accroître la présence didactique dans le cours en ligne.
Conclusion
La formation en ligne a à peine plus de 20 ans. Durant cette courte période, il y a eu de nombreuses discussions au sujet de la facilitation dans les publications scientifiques (voir suggestions de lecture), mais les mêmes thèmes réapparaissent sans cesse. De manière générale, ces publications scientifiques ne sont pas basées sur des recherches poussées, mais sur l’expérience pratique. Néanmoins, il existe un solide consensus quant aux aspects essentiels de la facilitation en ligne. Les divers angles d’approche des commentateurs contribuent à la construction d’une image complète de cet art. D’autres recherches sur la facilitation apporteront sans doute de nouveaux éléments à notre compréhension de cette importante activité, mais on en connaît déjà suffisamment pour former les nouveaux enseignants.
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Les figures de la facilitation de la coopération avec les TIC
Publication originale : Encyclopedia of Distributed Learning, Sage, 2004, pp. 163-166. Texte original en anglais. Traduction en français par Geneviève Szczepanik.
Suggestions de lecture :
Anderson, T., L. Rourke, Garrison, D. R, Archer, W. (2001). “Assessing teaching presence in a computer conferencing environment.” Journal of Asynchronous Learning Networks 5(2).
Berge, Z. L. (1995). “Facilitating Computer Conferencing: Recommendations from the Field.” Educational Technology 15(1): 22-30.
Feenberg, A. (1989). The Written World. Mindweave: Communication, Computers, and Distance Education. R. Mason and A. Kaye (Eds.). Oxford: Pergamon Press: 22-39.
Hiltz, S. R. and M. Turoff (1978 & 1993). The Network Nation: Human Communication via Computer. Cambridge, MA: MIT Press.
Paulsen, M. F. (1995). « Moderating Educational Computer Conferences ». Z. L. Berge & M. P. Collins (Eds.). Computer-mediated communication and the on-line classroom in Distance Education. Cresskill, NJ: Hampton Press.
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