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Comment protéger la filière bio des OGM

La nécessité d’un nouveau label

Nolwenn WEILER

03 / 2009

Est-il possible de développer une filière sans pesticides ni OGM et, surtout, de la protéger des risques de contamination ? Le risque de contamination par les OGM menace toute la filière « sans OGM », y compris les produits bio, comme le montre l’exemple de Cereco, une entreprise bretonne de torréfaction de céréales bios, en pleine expansion. Ses dirigeants craignent que la contamination des cultures bios par les OGM ne freine leur développement, et leurs embauches. Car, outre le vote, au printemps 2008, par les députés français d’une loi qui autorise la cohabitation entre les cultures OGM et non OGM, et la présence de 0,9% d’OGM dans des produits censés ne pas en contenir, la Commission européenne a mis en place, depuis le 1er janvier 2009, un nouveau label « Agriculture biologique » bien plus laxiste que la label français AB. En réponse, des paysans et des associations de consommateurs ont décidé de créer, ensemble, leur propre marque garantissant la qualité des aliments bio.

Cereco, spécialiste des céréales bio pour le petit déjeuner, situé à quelques kilomètres de Rennes, est une entreprise comme on aimerait en voir plus souvent. Côté « développement durable » d’abord, Cereco ne se contente pas de publier des rapports colorés au marketing vert. La société vient d’inaugurer l’extension de ses locaux, soit plus de 2000 mètres carrés, en construction 100% écologique : ossature et bardage en bois, isolation en chanvre, murs en bio-brique, toit végétalisé, récupération de l’eau de pluie et centrale solaire photovoltaïque. Avec 1360 mètres carrés de panneaux posés sur le toit, l’entreprise produira elle même 30% de ses besoins en électricité. Le directeur, Gérard Le Goff, estime que le surcoût, à la construction, est de l’ordre de 25%. Mais cela apporte, précise-t-il « la satisfaction de la cohérence ». C’est aussi un atout commercial. « Nos distributeurs apprécient notre démarche. Pour eux, c’est une marque de sérieux qui les encouragent à nous renouveler leur confiance. Finalement, cela équivaut à un bon investissement publicitaire. »

L’entreprise, fondée en 1989, peut se permettre d’investir. Son marché progresse de 25 à 30% par an. Chaque année, deux à trois emplois sont créés pour un effectif d’une quarantaine de salariés. Belle réussite pour ce projet lancé de manière artisanale par deux agriculteurs. « Au départ, nous faisions tout à la main, se souvient Gérard Le Goff. Nos journée étaient interminables et on ne se payait pas vraiment ». Entamées dès la deuxième année, la mécanisation et l’embauche de personnel ne se sont, depuis, plus arrêtées.

Réduire ses marges plutôt que d’augmenter le prix

Les bilans financiers ne suscitent donc pas d’anxiété excessive. Le directeur s’inquiète davantage pour les approvisionnements en matières premières. Le marché des céréales est plutôt tendu ces derniers temps. La mise en place de filières durables entre producteurs et transformateurs ne suffira pas nécessairement à amortir une hausse brutale du blé. « Un partenariat conclu avec une coopérative de producteurs en Poitou Charente nous garantit qualité et quantité. Mais côté prix, si les cours s’envolent, nous serons évidemment touchés. » Pour le moment, Céréco a fait le choix de ne pas augmenter ses produits en rayon. « Notre bonne santé économique nous permet de maintenir les mêmes prix, en diminuant très légèrement nos marges. Mais nous attendons la prochaine récolte, dans trois mois, pour être fixés. Il se peut que nos tarifs grimpent un peu. »

La manne économique Céréco, pourvoyeuse d’emplois locaux en milieu rural, pourrait aussi être mise à mal par le vote par une majorité de députés, en première lecture, de la loi relative aux organismes génétiquement modifiés. « Nous sommes évidemment très menacés par ces décisions politiques, regrette Gérard Le Goff. La qualité de nos produits pourrait diminuer, en cas de contamination par les OGM, en plein champ, ou lors des transports. Et du point de vue de notre crédibilité, nous aurions, alors, tout à perdre. » Qui plus est, Cereco reste une petite entreprise, qui ne peut pas se permettre de financer d’éventuels tests visant à prouver la présence, ou non, d’OGM dans ses produits. « Les mêmes risques de contamination existent pour la fourniture à l’international, en fruits secs et cacao notamment. », précise Gérard Le Goff.

Les inquiétudes de la filière bio sont malheureusement renforcées par les choix européens. Entré en vigueur le 1er janvier 2009, le nouveau label européen « Agriculture biologique » est beaucoup moins exigeant que le label français AB, propriété du ministère de l’Agriculture, dont le cahier des charges est contrôlé par des organismes de certification indépendants. Le label européen assouplit notamment les possibilités d’utilisation de produits phytosanitaires (pesticides) et d’antibiotiques. Il tolère aussi des « traces » d’OGM à hauteur de 0,9% dans les produits certifié bio. Un seuil équivalent contenu dans les produits non bio impose un étiquetage spécifique « avec OGM » sur tout produit vendu dans l’Union. Une véritable déréglementation donc, aux dépens de la qualité.

Toute la filière bio pourrait en souffrir. L’organisation de consommateurs belge Test-Achats (l’équivalent de l’UFC Que Choisir) a ainsi révélé en février que, sur 113 produits analysés contenant du maïs ou du soja, 20% comportaient des traces d’OGM, dont deux produits bio. « Cela met les produits bio en position ambiguë car, d’une part, les cahiers de charges européens pour l’agriculture biologique interdisent la présence d’OGM dans ces produits, alors que d’autre part, il existe désormais une tolérance pour la présence involontaire de ces organismes génétiquement modifiés », commentait Test-Achats.

Vers un label associatif

Producteurs et consommateurs ont décidé de réagir. La Fédération nationale de l’Agriculture biologique (FNAB) et d’autres associations (1) ont lancé l’initiative Alternative Bio 2009 à l’occasion du Salon de l’agriculture. Objectif : créer une « marque bio nationale privée » pour « conserver les standards de qualité qui font depuis 20 ans la bio française ». Un cahier des charges exigeant et cohérent avec les fondamentaux de l’agriculture bio, tant au niveau social qu’environnemental, sera élaboré collectivement. « Si les producteurs bio français ont toujours préféré œuvrer pour mettre en place des règles nationales publiques, d’autres pays européens ont depuis longtemps mis en place des marques privées pour garantir leurs spécificités. Pour la plupart d’entre elles, ces marques vont bien plus loin que les demandes réglementaires européennes. », expliquaient Anne Laure Gaffuri, toute nouvelle présidente d’Alternative bio 2009 (et membre de Bioconsom’acteurs) et Dominique Técher, viticulteur du réseau FNAB, lors d’une conférence de presse, le 27 février, au Salon de l’agriculture.

L’initiative devrait déboucher en 2010 sur une nouvelle marque bio française, qui, accolée à l’obligatoire label européen, garantira la qualité de la filière, à laquelle les consommateurs sont très attachés. Un sondage de la FNAB, réalisé en décembre 2008 sur plus de 3500 consommateurs de produits biologiques, révèle que, pour eux, une production bio idéale respecte la saisonnalité, limite les emballages et les transports, va dans le sens d’une agriculture à taille humaine, protège les ressources naturelles, et utilise les énergies renouvelables. Rien à voir avec la stratégie des enseignes de la grande distribution qui souhaitent seulement augmenter leurs volumes de produits étiquetés bios sans se soucier de leurs véritables conditions de fabrication.

1Bioconsom’acteurs, Biocoop, Biomonde, le Syndicat d’Agriculture Bio-dynamique, la Fédération Nationale Interprofessionnelle des Vins de l’Agriculture Biologique, Val Bio Centre, Bio Bourgogne Association, Déméter France, et Biogalline gie.

Mots-clés

filière de production, agriculture biologique, OGM et agriculture, Organisme génétiquement modifié (OGM), label éthique, agriculture et alimentation


, France

dossier

Filières durables : l’agriculture

Notes

Source : Basta! : www.bastamag.net/article473.html

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