« Dans l’ensemble le secteur de la pêche artisanale a beaucoup évolué, surtout les 15 dernières années.
Sur le plan matériel : Dans les années 50 c’était des petites pirogues avec lesquelles on pêchait à la rame. C’était des pirogues qui pouvaient prendre à peine deux personnes. C’est avec ces pirogues-là que j’ai commencé à apprendre. J’ai ensuite continué avec les pirogues à voile qui sont apparues vers 1951. Une année plus tard, un européen venu tester les moteurs au Sénégal, a donné un moteur de 9 ch. au chef du village. Tout le monde en était émerveillé. Pendant que les rameurs devaient se lever tôt pour aller à la pêche, lui partait vers 9 h et revenait plus tôt que les premiers. Cependant, la motorisation n’a effectivement évolué qu’à partir de 1954.
En 1958, j’ai abandonné l’école pour m’adonner uniquement à la pêche ; mais je travaillais plutôt pour les autres. J’ai eu mon propre moteur en 1964 et je suis devenu indépendant. Depuis ce temps, les moteurs ont évolué de 9 ch à 55 ch.
Au niveau des filets, c’était au départ des filets qui ne duraient que trois mois parce que faits de coton ils prenaient rapidement l’eau et aussi les poissons les déchiraient très rapidement. A présent, on utilise des filets en nilon qui peuvent durer jusqu’à 1 à 2 ans. D’ailleurs, les techniques de pêche ont beaucoup évolué. Elles varient de nos jours, des filets dormants aux sennes tournantes en passant par les filets dérivants et les sennes de plage. Cependant, il n’est pas permis d’utiliser toutes ces techniques à tous moments et n’importe comment. Il faut une réglementation qui sauvegarde la ressource et garantisse une pêche durable.
Sur le plan économique, on pourrait faire une comparaison entre les gains des différentes époques évoquées plus haut par les pêcheurs. Durant la période de la rame, un pêcheur gagnait à peine 5 000 f cfa par semaine. En ce temps, les pêcheurs n’étaient pas nombreux et le poisson ne coûtait pas cher. A la voile, le pêcheur peut aller jusqu’à 15 ou 20 000 par semaine ; tandis que qu’à moteur il peut prétendre gagner environ 100 à 150 000 f par semaine. Il s’agit bien sûr ici d’une pêche avec un filet ordinaire parce qu’avec la senne tournante, un pêcheur peut gagner même 1 ou 2 millions par jour selon les saisons.
Toute cette évolution évidemment rejaillit au plan social.
De nombreuses femmes travaillent aujourd’hui dans le secteur, ce qui n’était pas le cas avant. Il en est de même pour certains hommes qui se sont investis dans le métier alors qu’ils ne sont pas de tradition de pêche. De point de vue infrastructures, les routes sont plus nombreuses et les moyens de conservation et de transformation du poisson aussi ayant évolué, même les populations des villages enclavés qui n’avaient pas l’habitude de consommer du poisson en achète aujourd’hui.
Les habitations des pêcheurs ne sont plus seulement faites de paille mais en dur.
Le pêcheur ne s’habille plus en tissu percal trempé dans du pain de singe (ça empêche l’eau de mouiller le tissu) mais en habits cousus dans de la toile cirée.
Au plan sanitaire, le pêcheur et sa famille se soignent mieux. Alors qu’avant, ils se contentaient uniquement de produits traditionnels, de nos jours ils dépensent en moyenne 10 000 f cfa par mois pour une famille de 10 personnes.
Plan organisationnel
Avant, il n’y avait pas d’organisation en tant que telle. Comme de bons africains, on pratiquait l’entraide entre les familles de pêcheurs. Mais l’évolution de la pêche ayant entraîné comme revers, la surpêche, Il a fallu s’organiser pour lutter pour la gestion de la ressource. Cela suppose la vérification des embarcations, des filets etc. La sécurité n’a pas été oubliée (gilet de sauvetage, cordage, ancre, torche). L’efficacité de cette lutte n’est pas évidente si tous les pêcheurs ne se mettent pas ensemble pour parler le même langage. C’est ainsi qu’est née en 1987, la première organisation professionnelle de la pêche au Sénégal ».
pêche artisanale, modernisation des techniques
, Sénégal
La pêche artisanale en Afrique de l’Ouest
Contact : Dao GAYE, s/c CREDETIP BP 3916 Dakar - Sénégal, credetip (at) sentoo.sn - Tel/Fax : +221 821-34-62
Entretien réalisé par Lucie ATTIKPA-TETEGAN, le 9 août 2000 à Kayar au Sénégal.
CNPS (Collectif National des Pêcheurs Sénégalais) - BP 28306 - Dakar Médina, SENEGAL - Sénégal - mamalaniasse (@) caramail.com