La question énergétique devient de plus en plus présente dans les agendas politiques des institutions internationales pour deux raisons : le réchauffement climatique et la sécurité des approvisionnements énergétiques.
L’Europe est au cœur de cette problématique.
Les territoires, des collectivités locales aux régions, peuvent avoir un rôle important quant à la résolution des problèmes posés dans ce domaine.
En effet, en dehors des consommations du secteur industriel, tout ce qui motive les consommations énergétiques pour l’habitat, les lieux de travail, de commerce, de loisirs, pour se déplacer, se passe sur les territoires et relève en grande partie des autorités locales et régionales. On consomme 40 % de l’énergie dans les bâtiments, 30 % pour les transports. Cela représente environ les ¾ de la consommation totale et la même proportion des émissions de gaz à effet de serre.
Face à ces constats, on peut dire qu’en Europe, on s’engage sur la voie d’une nouvelle culture de l’énergie.
L’énergie, la vie et les activités économiques
L’énergie n’est pas un bien comme les autres, comme l’eau, l’air, les matières premières. C’est un bien indispensable à la vie. Mais sa transformation et son utilisation occasionnent des impacts sur l’environnement : émissions polluantes locales, émissions de gaz carbonique affectant le climat de la planète, déchets radioactifs, risques d’accidents majeurs…
C’est pourquoi les politiques énergétiques reposent sur 3 piliers : environnement, sécurité, compétitivité.
Compte tenu du fait que les populations les plus pauvres souffrent d’un manque d’approvisionnement énergétique à un prix acceptable, il conviendrait d’y ajouter une quatrième dimension : l’équité sociale.
Sur ces bases, les politiques énergétiques pourraient ainsi se trouver en harmonie avec les principes du développement durable : développement économique, environnement, équité sociale.
Ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Historiquement le développement des territoires s’est réalisé à partir des ressources énergétiques
Les premières populations sédentaires s’étaient installées à proximité des ressources énergétiques : l’eau des rivières, le vent, les forêts, le soleil… qu’elles utilisaient avec parcimonie.
La première révolution industrielle a vu se localiser les activités près des mines de charbon ou près des barrages hydroélectriques.
La seconde révolution industrielle, celle du pétrole puis du gaz – facilement transportables – a libéré les territoires de leur dépendance à l’énergie et donné le départ à une explosion des déplacements en même temps qu’un formidable développement économique de certains pays. Mais cette « libération » a eu des effets négatifs :
les territoires se sont déresponsabilisés de leurs relations à l’énergie et en ont perdu la maîtrise ;
ils ont cessé d’utiliser l’énergie de façon économe ;
ils se sont progressivement préoccupés de certaines conséquences locales de l’énergie (pollution, santé…), mais ils n’ont pas pris en compte les effets globaux de leur consommation (effet de serre, préservation des ressources…) ;
en fait, l’énergie abondante et pas chère nous a conduit à fabriquer des territoires « hors sols ».
La montée des prix de l’énergie et la raréfaction des ressources nous révèlent aujourd’hui notre état de dépendance à son égard et l’entrée en scène de nouveaux pays émergents devrait signer la fin d’une forme irresponsable de consommation de l’énergie.
Mais à côté des pays dits « industrialisés » jusque là responsables de différents effets négatifs (réchauffement climatique, tensions et conflits sur les ressources, hausses des prix, accidents pétroliers et nucléaires…), l’ensemble du monde aspire à des modes plus confortables et il est à craindre que les inconvénients de notre système actuel ne se développent de façon exponentielle.
Il faut donc inventer une nouvelle approche.
Les perspectives à moyen et à long terme et les défis territoriaux
La perspective du « facteur 4 » à l’horizon 2050 offre une alternative. Selon le Groupement Intergouvernemental d’Experts sur l’Évolution de Climats (GIEC), les émissions de gaz à effet de serre doivent, avant 2050, être divisés globalement par 2 - par 4 dans les pays industrialisés - pour limiter l’accroissement de la température du globe à 2° C durant le XXI° siècle.
Dans cette perspective, l’Union Européenne s’est fixé les objectifs suivants pour 2020 :
baisse de 20 % des émissions de CO2 ;
baisse de 20 % des consommations énergétiques ;
part des énergies renouvelables portée à 20 %.
Ces objectifs doivent être pris en compte dans tous les pays et notamment à l’échelle des territoires. On peut dire de ce fait qu’une nouvelle forme de compétition entre les pays – et les territoires – a commencé. Une nouvelle « culture de l’énergie » est sans doute en train d’émerger et ceux qui n’y prendront pas garde seront marginalisés.
Changer notre rapport à l’énergie et améliorer les performances énergétiques des territoires
La 3ème révolution industrielle est celle de l’intelligence et de l’information ; elle va changer notre rapport à l’énergie. Il faut réduire nos consommations et utiliser les ressources des territoires : soleil, vent, biogaz, biomasse, géothermie, récupérations d’énergie… Le Danemark a décidé qu’à partir de 2005 les nouvelles constructions ne devront plus avoir besoin d’énergie pour le chauffage. La France s’oriente dans cette voie. En Allemagne, les constructions « passives » consomment 6 à 7 fois moins que ce que prescrit la réglementation en vigueur et certaines produisent plus d’énergie qu’elles n’en consomment. On sait déjà réduire la consommation des bâtiments existants par des facteurs 3 à 4.
Satisfaire nos besoins en consommant le moins possible doit être notre feuille de route.
Investir dans l’énergie aujourd’hui, c’est investir non dans les « mégawatts » mais dans les « négawatts », c’est-à-dire dans les économies d’énergie. Un euro investi dans une production supplémentaire d’énergie coûte au consommateur. Un euro investi dans les économies d’énergie réduira sa facture. De plus l’argent investi pour les ressources renouvelables reste sur le territoire, alimente les circuits économiques locaux et l’emploi local.
Les obstacles
Cependant les obstacles sur ce chemin sont nombreux :
une sous-estimation des freins liés à l’évolution des mentalités ;
l’impression que les objectifs environnementaux s’opposent aux objectifs économiques ;
l’idée qu’une diminution des consommations énergétiques induira un recul sur le plan du confort ;
l’illusion que seules de nouvelles technologies sont porteuses de solutions sans que nous devions changer nos comportements ;
le poids des acteurs traditionnels de l’énergie préoccupés de leur production et de leurs intérêts financiers et qui privilégient les gains à court terme par rapport au long terme ;
le poids des habitudes et la difficulté d’imaginer autrement l’avenir de notre système énergétique et notre organisation urbains ;
l’effet « frein » des systèmes de décision centralisés.
Il faut noter qu’il est plus difficile d’améliorer les performances énergétiques de l’habitat, des transports publics, des bâtiments publics, du tertiaire public, que celles de l’industrie et en partie du tertiaire privé qui, soumis à la concurrence, sont devant une obligation, sous peine de disparaître.
Ce sont les perspectives d’amélioration du niveau et de la qualité de vie des habitants qui seront les principaux ressorts de l’amélioration de la performance énergétique. Les plus hauts niveaux de vie en Europe aujourd’hui sont ceux des pays les plus énergétiquement performants.
Les autorités locales et régionales, nouveaux acteurs de l’énergie
Jusqu’à aujourd’hui, les acteurs de l’énergie se situaient du côté de l’offre (compagnies de gaz, de charbon, de pétrole, d’électricité). Ils étaient et demeurent très éloignés de nos villes et régions.
Désormais les problèmes de l’énergie vont se situer du côté de la demande (là où on a besoin de se chauffer, de s’éclairer, de se déplacer, de se divertir, de produire). Et ce sont les institutions locales et régionales qui en auront en grande partie la responsabilité, en tant que :
consommatrices d’énergie (bâtiments publics, éclairage, services…) ;
planificatrice de l’espace urbain (urbanisme, formes urbaines, aménagement; organisation des transports publics, construction de logements) ;
productrices et distributrices d’énergie (réseaux de chaleur, cogénération, biomasse, biogaz, solaire, éolien…) ;
incitatrices, vis-à-vis de la population et des acteurs locaux (information, campagnes pour les économies d’énergie, les énergies renouvelables…).
Elles doivent s’organiser en interne pour améliorer leurs capacités d’action et mettre en œuvre des politiques énergétiques dans l’esprit du développement durable. Elles doivent en même temps s’organiser entre elles grâce à des réseaux d’échanges d’expérience tels que Climate Alliance, ICLEI ou Energie Cité (à noter que ce dernier réseau est présent dans plusieurs pays européens : la Bulgarie, la Pologne, la Slovaquie, la Roumanie, la Hongrie et l’Ukraine).
Elles doivent faire reconnaître leur rôle et influencer les politiques nationales et européennes par leur capacité à démontrer que d’autres voies sont possibles.
Ceci implique des changements de comportements individuels et collectifs, ceux des décideurs locaux régionaux, nationaux. C’est à ce prix que l’on pourra changer la donne et traduire dans les faits une « nouvelle culture » de l’énergie.
économie d’énergie, énergie renouvelable, effet de serre, urbanisme, politique de l’énergie
Territoires et développement durable
Gérard MAGNIN est Délégué général de l’association Energie Cité dont le siège est à Besançon et qui regroupe aujourd’hui un réseau de plus de 500 collectivités territoriales dans 24 pays européens. Il a animé auparavant la Délégation régionale de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) en région Franche-Comté.
Encyclopédie du développement durable 4D : www.encyclopedie-dd.org
Intervention de Gérard Magnin au Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe
4D (Dossiers et Débats pour le Développement Durable) - Cité européenne des Récollets, 150 – 154 rue du Faubourg St Martin, 75010 Paris, FRANCE - Tél. : 01 44 64 74 94 - Fax : 01 44 64 72 76 - France - www.association4d.org - contact (@) association4d.org