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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

L’agenda 21 de Lörrach

Ina RANSON

06 / 2008

Le contexte

La Ville de Lörrach (46 750 habitants) est située au bord de la Forêt Noire, proche du Jura suisse et des Vosges. Chef-lieu d’un canton plutôt rural, Lörrach offre environ 18 300 emplois. Ses magasins attirent les clients des environs, ainsi que des Suisses et des Français. 10 300 « pendulaires » viennent quotidiennement travailler dans la ville, 4 300 quittent la ville chaque jour pour travailler dans les environs dont environ un tiers à Bâle. La fondation de l’Eurodistrict trinational (TEB) en 2007 donne aujourd’hui de nouvelles impulsions pour créer des synergies dans les domaines économiques et écologiques.

L’agenda 21 local : une réponse à une crise économique

A Lörrach, le facteur qui déclencha une réflexion en profondeur sur une nouvelle approche du développement fut l’expérience douloureuse de la perte de nombreux emplois au milieu des années 90. Le souci central a été d’abord de redéfinir les potentialités économiques de la ville : l’industrie, les services et en particulier le commerce de détail qui pouvaient attirer les habitants de toute la région. Le comité de travail se rendit alors compte que ces questions touchaient à bien d’autres domaines et qu’il manquait une vision d’ensemble, une vision directrice permettant de mobiliser les énergies. Il apparut que le moyen propice pour y parvenir pouvait être la mise au point d’un agenda 21 local. Le processus de lancement fut confié, en 1997, à l’adjointe aux questions économiques de la mairie. Des citoyens furent invités à participer à la réflexion en apportant leurs propositions dans cinq groupes de travail constitués avec grand soin, en cherchant à y réunir des multiplicateurs :

  • Vie des entreprises, changement structurel de l’économie

  • Transformations sociales

  • Avenir de la politique culturelle

  • Environnement et énergie

  • Planification intégrée des transports

Ces groupes ont été animés par des modérateurs extérieurs spécialisés dans les sujets respectifs, ainsi que par des représentants de la municipalité, choisis dans les services compétents. (Aujourd’hui, pour des mesures d’économie, ce sont le plus souvent ces derniers qui assurent la continuation des groupes de travail)

Des réunions publiques invitaient chacun à s’exprimer. Les modérateurs se tenaient constamment à la disposition des membres des groupes de travail et des citoyens pour recueillir leurs suggestions. A noter que des journalistes des deux quotidiens régionaux (Badische Zeitung et Oberbadisches Volksblatt) ainsi que de la radio locale s’étaient engagés à suivre le processus de près. Membres des groupes de travail, ayant droit au vote, ils rédigeaient régulièrement des articles respectant toutes les opinions, mais sans citer de noms. A souligner que les explications des professionnels extérieurs jouaient un rôle important, « car ce n’est qu’en considérant les tenants et les aboutissants des questions traitées qu’on arrive à trouver ensemble des solutions constructives » (Klaus Stein, responsable du processus).

Au total, entre 110 et 120 personnes ont participé aux groupes de travail, parmi elles :

  • des représentants du conseil municipal,

  • des décideurs et des employés de l’administration municipale,

  • des entrepreneurs, notamment des artisans et des commerçants,

  • des membres d’organisations de citoyens, d’associations, de fédérations et d’institutions concernées par les thèmes traités,

  • des personnes privées manifestant un intérêt particulier pour certains thèmes (cette forme de participation est toutefois restée marginale),

  • des journalistes.

La phase de réflexion en vue d’ébaucher une vision directrice pour la ville a duré environ deux ans impliquant environ 400 citoyens. Le « modèle Lörrach 2002 » a suscité un très grand intérêt. Mais plus encore que le modèle global, ce sont les « lignes directrices » plus concrètes élaborées par chaque groupe qui continuent d’inspirer les différents acteurs.

Coordination et réalisation : un processus institutionnalisé

Les responsables municipaux ont pris soin d’intégrer, dès le début du processus, des acteurs pour lesquels les exigences d’un Agenda 21 local n’ont pas été évidentes, comme par exemple les représentants du commerce de détail. Les membres des associations de tendance écologique et sociale sont minoritaires (sauf dans un sous-groupe très efficace chargé de la planification d’un itinéraire urbain pour les cyclistes).

Les groupes de travail ont été institutionnalisés en 1999 en tant que « commissions consultatives » et attachés aux comités de planification officiels. Ils continuent de fonctionner après les élections municipales de 2004. Le nouveau conseil municipal, élu en 2004, relança le processus pour les cinq prochaines années invitant les citoyens à exprimer des critiques et des propositions lors de nouvelles assemblées générales et demandant aux groupes de travail de déterminer de nouvelles priorités.

L’approche transversale des projets se fait lors des rencontres régulières des animateurs.-administrateurs. C’est la régularité des rencontres et des bilans intermédiaires qui assure la continuité du processus. « Rien ne se perd » soulignent les responsables administratifs. « C’est la structuration du processus qui garantit le succès – c’est le processus qui doit être durable ». Même si l’évolution des projets est parfois très lente, la relecture des rapports assure la prise en compte de tout ce qui a été évoqué dans les groupes de travail.

Quelques exemples de réalisations

Le groupe de travail « environnement et énergie » a été particulièrement efficace, d’autant plus que depuis plusieurs années il profite de la synergie avec le programme mis au point pour le « European Energy Award » (eea). Les objectifs et les mesures décidés dans des groupes de travail de l’AL 21 ont été repris dans ce programme et les personnes engagées dans les processus correspondants sont les mêmes. Parmi les réussites :

  • des bilans d’énergie mensuels pour les bâtiments urbains et des travaux de rénovation,

  • une check-list des critères concernant les questions d’énergie distribuée aux entrepreneurs,

  • l’utilisation d’un outil financier original, « l’intracting » pour les projets d’économies d’énergies dans les bâtiments communaux,

  • des investissements importants dans les énergies renouvelables (le solaire thermique et photovoltaïque, l’hydraulique, la géothermie, la biomasse),

  • la promotion de centrales de co-génération,

  • le financement par la ville d’un emploi à plein-temps d’un conseiller pour les questions d’énergie, au service de la ville et des habitants.

Lörrach reçut le label suisse « ville énergie » déjà en 2002. La synergie avec les exigences de cet instrument d’innovation, de contrôle et d’assurance qualité continue. Depuis, le label a été perfectionné et transmis au niveau européen en tant que « European Energy Award (eea). Après avoir reçu le label eea en 2007, la ville aspire à obtenir le « label eea en or » conféré peut-être lors du prochain audit prévu dans trois ans - ambition qui constitue une forte incitation à investir pour le long terme, ce qui stimule aussi l’économie locale et régionale.

D’autres succès substantiels ont été obtenus dans les domaines de l’aménagement du centre ville et dans le développement des transports doux. A noter en particulier :

  • la qualité de séjour dans le centre ville : une vaste zone piétonne où piétons et cyclistes cohabitent, l’aménagement très réussi de petites et grandes places, pourvues de belles sculptures commandées à des artistes connus (sculptures en grande partie financées par des sponsors), l’utilisation conséquente des friches pour des constructions nouvelles…

  • l’étendue des zones à vitesse limitée à 30 km/h dans tous les quartiers habités et dans la zone industrielle de Blasiring, création de plusieurs « zones à trafic réduit » (espaces de jeu près des habitations)

  • les investissements importants pour l’aménagement d’un réseau de chemins et de pistes cyclables

En ces domaines aussi il y a eu, entre 2002 et 2004, des synergies fortes avec un projet parallèle, conduit par l’Office Fédéral de l’Environnement (Umweltbundesamt, UBA) Il a mené à des échanges fructueux avec les villes d’Erfurt et de Görlitz qui y participaient également et il a initié un travail approfondi sur l’évaluation par des indicateurs adaptés.

Malgré les nombreux progrès, le domaine des transports reste encore problématique et conflictuel. Par exemple, les représentants du commerce de détail préfèrent distribuer des bons de parking au lieu de billets gratuits pour la S-Bahn – et les associations écologiques déplorent la quantité toujours trop importante des voitures.

Nouvelles synergies

La fondation de l’Euro-district tri-national devra favoriser le développement durable de la région. Deuxième ville après Bâle, Lörrach lance de nouveaux efforts pour améliorer son cadre de vie (transports doux, environnement naturel, séjour dans la ville, offres culturelles…). Le projet d’une exposition internationale d’urbanisme « Bâle 2020 » incite à préparer de nouveaux projets-phares qui pourraient recevoir un financement partiel par le programme européen Interreg IV. (déjà sollicité pour co-financer des parcours vélos par-dessus les frontières). Les préparations se fondent sur le travail de l’Agenda 21 local de Lörrach ainsi que sur « Metrobasel vision 2020 ». Les rencontres de travail internationales favorisent le développement des idées et des planifications concrètes.

Mots-clés

agenda 21, politique de l’énergie


, Allemagne

dossier

Territoires et développement durable

Les Agendas 21 des villes dans le monde

Commentaire

Le premier point fort de l’AL 21 de Lörrach me semble être le « processus de qualification » qui a impliqué des acteurs d’horizons très divers; processus rendu possible notamment grâce aux interventions de spécialistes venus de l’extérieur. Le deuxième atout est d’avoir permis de créer des ponts durables entre différents services, institutions et ONG. « La culture des procédés », l’institutionnalisation des structures a assuré la continuité des programmes de l’AL 21.

Les représentants des ONG pensent toutefois qu’il n’y pas assez de place aux initiatives nouvelles et que les citoyens plus ou moins indépendants pourraient jouer un rôle bien plus important.

Notes

Ina RANSON, professeur de lettres et philologue de formation, journaliste, participe aux travaux de la Fondation Léopold Mayer pour le Progrès de l’homme et à ceux de l’Alliance pour un monde responsable et solidaire. Franco-Allemande, elle a mené plusieurs enquêtes en Allemagne et dans les pays scandinaves sur le thème de l’approche territoriale du développement durable. Elle est l’auteure de nombreux articles ou dossiers sur ce thème.

Source

Encyclopédie du développement durable 4D : www.encyclopedie-dd.org

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