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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Aire Libre à Rosario : l’histoire d’une radio communautaire

Communiquer pour transformer

Cindy DROGUE

06 / 2008

Interroger la notion de médias alternatifs c’est parler de communication et de son rôle de transformation sociale et politique. Ici en Argentine et à Rosario de nombreux collectifs œuvrent dans ce sens… Aujourd’hui, je vous invite à écouter l’histoire et la lutte d’Aire Libre, une radio communautaire.

Beto nous raconte que ce projet social de communication est né en 1988, quelques années après la chute de la dictature. A la base du projet : une idée de plusieurs voisins de la zone ouest de la ville préoccupés par différentes problématiques et luttes qui mobilisaient les secteurs sociaux à cette époque… Comment rendre audible la lutte que chacun mène tous les jours dans sa mutuelle, sa coopérative, son comité de quartier, son école, sa faculté et comment faire pour que les « compañeros » se connaissent entre eux aussi et unissent leur combat dans un projet commun ? Il va sans dire que les canaux de télévision, les radios et les journaux locaux ne faisaient aucunement référence au travail social des gens, à ces luttes qui rendaient le quotidien un peu meilleur. Et les voisins rêvent : faisons quelque chose ensemble, créons notre média de communication, une radio, arrêtons d’être spectateur et devenons protagoniste ! C’est comme cela qu’est née Aire Libre et qu’elle continue à vivre : avec du rêve et beaucoup d’efforts et de sacrifices dans un monde où la communication est dirigée par de puissants groupes industriels qui chaque jour diffusent de l’information servant leur propres intérêts. Une information qui souvent désinforme plus qu’elle n’informe ! (1)

Face à cela le projet d’Aire Libre est le suivant : concourir à un processus de transformation de la société, dans la recherche d’un système social où prévaut l’équité, la justice, la solidarité et le plein exercice des droits humains. « Nous parions sur une radio chaude et sensuelle, vaillante et compromise, au milieu d’un monde globalisé et globalisateur, des temps néolibéraux et individualistes, d’étouffés et de silencieux. Nous parions sur un monde plus juste et solidaire, où tout le monde peut manger son pain et dire son mot » s’exprimaient les fondateurs de la radio. Afin d’honorer son projet la radio s’est donné plusieurs objectifs :

  • Développer un service informatif en lien avec la vie quotidienne, les réussites, les difficultés, les réclamations et les formes d’organisation sociale promues par le peuple pour améliorer la qualité de vie.

  • Établir une communication solidaire, amusante, interlocutrice et compromise avec les auditeurs.

  • Diffuser et commenter les offres d’emploi, les avis solidaires et un système de troc.

  • Démocratiser la parole et exercer un pluralisme d’opinion, participatif et transformateur de la réalité.

  • Exposer les réclamations de la communauté et dénoncer les injustices en connectant les personnes avec les responsables de la fonction publique et/ou le secteur économique privé.

  • Promouvoir les activités des institutions sociales, éducatives et ethniques en renforçant leur action et leur présence dans la communauté.

  • Accompagner avec bonne humeur et joie notre prédisposition à écouter la radio, en découvrant la beauté de la musique dans toute sa variété et en réveillant des émotions, souvenirs et faits dans lesquels nous sommes protagonistes.

« Nous avons créer Aire Libre pour initier un processus de transformation sociale » s’enthousiasme Beto avant de poursuivre sur l’évolution de l’institution. Aire Libre est effectivement devenue plus qu’une radio : un Centre d’éducation et de communication populaire. Radio, bibliothèque, télécentre, ateliers d’arts, cours, activités culturelles récréatives, spectacles, expositions se mêlent dans cet espace où se déroule des activités liant la communication, l’éducation et la culture, dans ce lieu où l’on communique pour transformer….

Enfants et adolescents sur les ondes

La radio possède cette puissante qualité de raccourcir les distances, de rapprocher les voix et les récits. C’est également un outil populaire de transformation sociale. La voix des enfants (filles et garçons) et des adolescent-es ont une place particulière sur la FM Aire Libre et des points de vues fondamentaux pour penser un autre monde…

Assis en rond dans la salle d’enregistrement, un groupe d’enfants et d’adolescents discutent enthousiasmés. Ils viennent d’effectuer leur troisième programme de radio en direct, et dans la conversation, les commentaires vont et viennent. « Je me suis trompé au début mais après c’était bien » dit avec une chaude voix Damaris, une des animatrices. « J’ai mieux aimé que le précédent » exprime Jorge. Ensemble ils relisent le guide du programme, se critiquent, comparent et finalement la confiance traverse ce processus d’apprentissage qui compte déjà plusieurs années.

Yamila, Andres, Damaris, Jorge et Brian, sont élèves à l’école rurale Domingo Silva Nº 6379, située à Bajo Hondo, dans la périphérie de Rosario. La plupart des enfants vivent dans le quartier Fachinal, pour arriver jusqu’à la radio communautaire Aire Libre ils ont fait un kilomètre en vélo jusqu’à un arrêt de bus et on pris le bus 39/5 jusqu’à la radio.

Les enfants se sont rapprochés du monde de la radio à travers le projet « Les fleurs du chemin » développé par leur école. Radio Changuitos, fut leur première expérience radio, il y a quelques années. Entre jeux et chansons, les enfants ont empli de spontanéité la FM Communautaire transcendant les limites du quartier et de l’école. Parler du travail de radio et de ces enfants, c’est se référer à une action sociale et collective où le concept de communauté traverse tout le processus créatif.

Aujourd’hui, les débutants de Radio Changuitos ont onze ans et plus et se sont soumis au défi de mener Noti Joven, un programme en direct, avec un style plus professionnel. « J’ai quinze ans et ça fait quatre ans que je fais partie de Radio Changuitos, et durant ces années nous avons grandi et nous voulions faire quelque chose de plus adulte, plus responsable. Avant le programme était enregistré et était en lien avec l’enfance, à présent l’intérêt est plus dirigé à des adultes et des jeunes » s’exprime Jorge avec une assurance admirable. « Je suis l’animateur avec Damaris et je fais aussi la partie sport » dit Brian. « Nos amis savent que nous sommes à la radio, ils nous demandent ce que nous faisons et si nous sommes stressés quand nous sommes sur les ondes », ajoute t-il. «  J’ai deux frères, quand ils étaient enfants ils n’ont pas eu l’opportunité que nous avons et me félicitent pour cela » ponctue Jorge.

Les informations qu’ils offrent aux auditeurs, ils ne la prennent pas d’Internet, ils ne la lisent pas non plus dans les journaux, mais la produisent eux-mêmes. C’est de l’information locale qui concerne leur vie et leurs luttes quotidiennes, la vie du quartier, de l’école. Noti Joven sort sur les ondes tous les quinze jours et se réalise en direct durant le programme « Senales » conduit par le journaliste Claudio De Luca, les samedis de 9 à 12 heures sur Aire Libre. De son côté, Radio Changuitos sort sur les ondes les vendredis à 10, 12.45 et 20h. La production radio est une des composantes du projet « Fleurs du chemin », appuyé par le Centre d’Education et de Communication Populaire (Cecop) et la fondation Minetti. Un de ses objectifs est le « développement des habilités de communication orale et écrite à travers des expériences concrètes ».

En plus de la production radio, le projet inclut la réalisation d’une revue, la production littéraire et l’année dernière les enfants se sont essayés également au court métrage.

1 Par exemple en Argentine trois groupes (Telefonica, Clarin et Uno) détiennent à eux seuls 200 médias du pays !

Nodo Tau - Tucuman 3950 – 2000 Rosario – Santa Fe, ARGENTINA - Argentine - www.tau.org.ar

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