Toutes les religions s’intéressent au corps, dans les textes et leurs interprétations. L’ambivalence du corps pour les religions est bien résumée dans une expression utilisée dans le chapitre concernant la religion chrétienne : grâce et péché. Le corps entre dans les rites religieux, pour ou par lesquels il se purifie, et il existe beaucoup de préceptes pour la vie pratique qui le concernent (prescriptions alimentaires, ablutions, règles chez la femme, circoncision, sexualité).
Il y a une tendance dans les analyses produites à considérer le corps comme le siège de la faiblesse chez l’être humain, par opposition à l’âme ou à l’esprit.
Ainsi l’incarnation de dieu dans le Christ est-elle considérée par les chrétiens comme une volonté de dieu de se soumettre à une enveloppe charnelle, de partager la faiblesse des hommes. Une intervention d’A. Balland, archevêque de Lyon en 1997 est l’expression parfaite de ce point de vue : « on voudrait être un pur esprit ». Bouddha quant à lui a comparé le corps à une pourriture.
Il y a un imaginaire du corps soumis à divers éléments extérieurs, la maladie, le désir, etc., qui en ferait le symbole de l’exercice de la religion, un obstacle à l’élévation de l’âme (voir l’exemple des renonçants dans l’hindouisme). Or l’âme ou l’esprit sont soumis aux même contraintes et capables des mêmes libertés que le corps. L’âme peut être malade, a besoin d’être nourrie, est soumise aux désirs, aux pulsions, etc. L’hindouisme dans la période védique n’opère par contre pas cette distinction du corps et de l’âme, mais entre cinq enveloppes : nourriture, souffle, pensée, connaissance, béatitude.
Pourquoi l’angoisse de beaucoup des religions se centre-t-elle sur le corps ? L’ouvrage de la collection Ce qu’en disent les religions sur le corps apporte quelques éléments de réponse sans que cette interrogation soit concrètement présente dans les différents développements. Les auteurs qui analysent le rapport de l’islam, du judaïsme et du christianisme avec le corps signalent le développement de sa « mauvaise réputation » au Moyen-Age, sous l’influence hellénistique, alors qu’il n’y a normalement pas de mépris du corps dans les textes, corps crée par dieu. Maïmonide, philosophe juif, s’inspire d’Aristote ; les Pères de l’Eglise notamment Saint-Augustin sont influencés par les grecs et les romains ; les cathares au 13ème siècle se basent sur la pensée de Manès en Perse (manichéisme) ; Averroès, disciple d’Aristote, a défendu l’immortalité de l’âme et la déchéance du corps.
D’ailleurs ces religions promettent des souffrances corporelles dans l’enfer. Il n’y a qu’à voir l’imagination de ces multiples châtiments sur les fresques qui les représentent, par exemple dans les monastères orthodoxes des Météores en Grèce construits au 11ème siècle.
La question d’actualité traitée par l’ouvrage concerne le clonage à des fins de reproduction et le clonage thérapeutique. Il est intéressant de voir que les religions ont des structures qui discutent de leur position sur la bioéthique.
Les différentes réponses font apparaître le caractère sacré de la vie et de la reproduction, sauf pour le bouddhisme où l’homme n’est pas une création de dieu, la nécessité de porter secours, qui pourrait autoriser le clonage de cellules à but thérapeutique, et la crainte que la technique du clonage puisse apporter la sélection des êtres humains. Ces positions témoignent d’une démarche des autorités religieuses pour élaborer et défendre leur point de vue sur des questions de société. La question qui se pose ensuite est celle de l’influence de ces positions sur la réglementation dans le domaine de la bioéthique, aux niveaux étatique et international.
Il existe une revue nommée Corps et Culture, qu’il peut être intéressant de consulter pour approfondir certains éléments et obtenir d’autres points de vue sur la question. Elle est consultable sur Internet à l’adresse suivante :
corpsetculture.revues.org. Les articles traitent de toutes sortes de thèmes liés au corps, qui peuvent aussi avoir un rapport avec les cultures religieuses.
culture religieuse, comportement culturel, philosophie, religion
Livre
Collectif, dirigé par Geneviève COMEAU. Le corps. Paris, Éd. de l’Atelier - Éd. Ouvrières, 2001. Collection Ce qu’en disent les religions. 176 p.
Développement et Civilisations - Centre international Lebret-Irfed - 49 rue de la Glacière, 75013 Paris, FRANCE - Tel 33 (0) 1 47 07 10 07 - France - www.lebret-irfed.org - contact (@) lebret-irfed.org