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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

La communication interculturelle

Observations des barrières linguistiques et des préjugés dans des rencontres organisées par l’Office franco-allemand pour la jeunesse

Claire BARTHÉLÉMY

12 / 2006

L’ouvrage sur la communication interculturelle de J.R. Ladmiral et E.M. Lipiansky est le résultat de stages organisés avec de jeunes français et allemands. Ces stages sont financés par l’OFAJ, l’Office Franco-Allemand pour la Jeunesse, un organisme dont le but est de favoriser les échanges de toute sorte entre les jeunes gens de ces deux pays. Il est intéressant de voir que l’OFAJ est aussi à l’origine d’une partie de l’ouvrage de Jacques Demorgon sur la génétique rétrospective des cultures. La recherche franco-allemande a de beaux jours devant elle, car il existe maints financements, bourses et programmes d’échange entre les deux pays, souvent à l’initiative de l’Allemagne. C’est par exemple le Centre fédéral allemand pour la formation politique qui soutient la revue de presse européenne quotidienne Eurotopics du journal Courrier international.

On pourrait reprocher aux analyses de MM. Ladmiral et Lipiansky de négliger ce qui fait justement la force de la démonstration de Jacques Demorgon, l’aspect historique de la formation des cultures.

Cet ouvrage-ci se centre plus sur les préjugés et l’ethnocentrisme, sur la base d’observations de groupes de jeunes français et allemands bilingues ou unilingues. Les auteurs insistent sur le fait que l’expérience seule permet de prendre la mesure des mécanismes en jeu dans les rapports interculturels, qui ne sont pas forcément que la compréhension ou l’incompréhension mutuelle. Ils donnent l’exemple d’un groupe constitué à Berlin d’allemands plutôt unilingues et de français germanistes : la langue de travail est très vite devenue l’allemand, car il était difficile pour les français d’avouer des faiblesses en allemand alors que c’était leur matière d’étude, ce qui conditionnait aussi du coup la prise de parole par les uns ou les autres selon leur niveau de compréhension et leur capacité à s’intégrer à une discussion en allemand.

Les auteurs font aussi état des différents préjugés existant (l’allemand lourd par exemple), mais aussi de la difficulté à faire de l’humour et même à rire ensemble.

J’ai moi-même vécu en Allemagne et ai pris la mesure à ce moment-là seulement des différences culturelles et particulièrement de la difficulté de blaguer avec des allemands. La barrière n’est pas simplement la langue, c’est aussi l’ensemble des références qui sont derrière l’humour, qui ne sont pas forcément les mêmes d’un pays à l’autre pour de multiples raisons, culturelles, du passé ou du présent, et les thèmes sur lesquels rire. Il y a parfois des fossés d’humour avec des gens d’un même pays bien sûr, mais cette expérience est différente dans un pays étranger.

A noter que les auteurs ont remarqué une plus grande proximité entre les italiens et les français : j’ai aussi eu la chance de vivre quelques temps en Italie, et il est vrai que je n’ai pas du tout eu le même sentiment d’incompréhension qu’en Allemagne. Les auteurs expliquent cela par une proximité culturelle plus grande. C’est sans doute un des éléments, mais je crois qu’il ne faut pas négliger l’aspect linguistique.

La structure et la poésie de la langue italienne sont très proches de la langue française alors que la langue allemande se situe sur d’autres registres tout aussi riches par ailleurs, mais différents. Ainsi les célèbres livres de Frédéric Dard, les aventures du commissaire San Antonio, écrites dans une langue riche, foisonnante, argotique, ont été traduits en italien, et ce de façon remarquable ; ça n’est pas l’histoire qui a été traduite avec quelques blagues, mais toute la finesse de l’humour et du vocabulaire dans une mesure qui m’avait étonnée. Il n’existe pas à ma connaissance de traduction allemande des San Antonio, mais je crois qu’elle serait parfaitement inutile. A propos de traduction d’ailleurs, Isaac Bashevi Singer écrit ses livres en deux versions, en yiddish et en anglais (les traductions françaises sont faites à partir de l’anglais), la version anglaise n’étant pas une pure traduction mais une réelle adaptation au public américain ou « international ».

Pour conclure, ceci est un ouvrage d’observations empiriques assez intéressantes et utiles, auxquelles manquent peut-être une mise en perspective soit théorique, soit pratique.

Mots-clés

comportement culturel, pluralisme culturel, identité culturelle

Source

Livre

J.R.Ladmiral, E.M. Lipiansky, La communication interculturelle. Paris, Armand Colin, 1989, 318 p.

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