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L’énergie éolienne au Maroc

Historique et nouvelles opportunités

Saïd MOULINE

04 / 2007

Après le deuxième choc pétrolier, le Maroc, à l’instar de beaucoup de pays disposant de peu de ressources énergétiques conventionnelles, s’est intéressé aux énergies renouvelables.

C’est ainsi que, dès 1982, avec la création du Centre de Développement des Énergies Renouvelables (CDER), établissement public sous la tutelle du

Ministère de l’Énergie et des Mines, le Département de l’Énergie a intégré les énergies renouvelables dans la politique énergétique nationale. Après des phases de prospection, de maturation de l’offre technique et de développement de projets pilotes importants, les énergies renouvelables ont été adoptées par des programmes nationaux de développement, notamment d’électrification et d’approvisionnement en eau potable des zones rurales pour le photovoltaïque et par la mise en oeuvre de projets de parcs éoliens de puissance et de centrales thermosolaires.

Concernant l’énergie éolienne, il faut remarquer qu’un des principaux atouts pour le Maroc est tout d’abord son gisement.

Le gisement éolien marocain

Le Maroc bénéficie d’un gisement éolien important avec des régions dépassant 10 mètres par seconde (10 m/s) de vitesse annuelle moyenne du vent. La mise en évidence de ce gisement a été réalisée par le Centre de Développement des Énergies Renouvelables (CDER) avec l’aide de la coopération allemande (GTZ) qui a permis l’installation de plusieurs mâts de mesure sur différents sites et le suivi des données sur des périodes d’au moins une année.

Ce programme se doit d’être développé pour affiner les données dans certaines régions prometteuses. Il a cependant permis de définir les sites où aujourd’hui les grands projets éoliens sont lancés.

Une première carte éolienne du pays a montré que la zone Nord (Tanger à Tétouan) et la bande côtière allant de Tarfaya jusqu’à Lagouira présentent des sites exceptionnels avec des vents réguliers et des vitesses moyennes suffisantes pour développer des projets rentables.

Les projets éoliens

  • Parcs d’Abdelkhalek Torres/ Tétouan (50 MW)

Suite à la découverte du site exceptionnel de Koudia El Baida (entre Ksar Sghir et Tétouan) où la vitesse moyenne des vents atteint 11 m/sec (près de 40 km/h), l’ONE a lancé en 1994 un appel d’offres pour un parc éolien de 50 MW selon la formule BTOT (Build Transfer Operate and Transfer) où l’ONE reste le propriétaire du parc et le concessionnaire produit et vend l’électricité pendant 20 ans à l’ONE qui est le seul acheteur. En outre, il est prévu que le consortium retenu est responsable de l’exploitation du parc éolien jusqu’à l’expiration du contrat de fourniture de l’énergie électrique à l’ONE et aura la possibilité de négocier une extension de ce contrat, sous réserve d’un accord mutuel entre les deux parties. Si un accord n’était pas conclu pour l’extension du contrat, le parc éolien deviendrait propriété de l’ONE sans aucun paiement supplémentaire.

Après avoir désigné le consortium chargé de construire et d’exploiter le parc éolien, ce dernier a été invité à signer avec l’ONE le Contrat de Fourniture de l’Énergie Électrique (PPA) produite par le parc éolien, pour une période de 20 ans. Le parc A. Torres de 50,5 MW a été mis en service en août 2000. C’est un groupement européen qui a été retenu après la consultation internationale.

L’investissement relatif à ce projet s’est élevé à 52 millions $US. L’ordre de grandeur du prix du KWh serait de 70 centimes de Dirham. Le consortium choisi a eu le statut de producteur concessionnaire d’énergie électrique au Maroc.

Figure 1 : Carte du gisement éolien du Maroc

Carte du gisement éolien du Maroc

Source : CDER

Si ce premier projet s’est avéré coûteux pour l’ONE, malgré un productible qui frôle les 200 GWh, les projets qui ont suivi et qui ont utilisé des financements concessionnels ont permis des coûts du KWh éolien relativement bas.

  • Parc de 3,5 MW à Koudia El Beida

Situé sur le même site que le parc A. Torres, le projet, d’une puissance de 3,5 MW, visait plutôt l’appropriation technologique par l’ONE, dans le cadre d’un financement de la KfW. L’investissement s’élevait dans ce cas à un montant de 8,5 millions de DM en 1996. Avec le financement concessionnel obtenu, et grâce au gisement éolien du site, il donne un KWh très bon marché. C’est sûrement l’un des parcs les plus rentables économiquement au monde.

L’arrivée des autoproducteurs

Des producteurs, dénommés alors « autoproducteurs », produisent de l’électricité pour leurs besoins propres et livrent éventuellement l’excédent à l’ONE. Ce sont principalement des exploitations minières, des complexes de traitement des phosphates, des sucreries, des industries de raffinage du pétrole, du papier, du ciment, etc. Pour l’autoproduction avec l’énergie éolienne, la première expérience a été développée par la cimenterie

Lafarge qui a réalisé un parc éolien de 10,2 MW. La puissance de 10 MW n’est due qu’à la limite autorisée par la loi concernant l’autoproduction.

Cette expérience a été très concluante pour un parc composé de 12 éoliennes de 850 KW et un productible dépassant 38 GWh. Le coût global du projet a été près de 13 millions de $.

Cette possibilité de développer de l’énergie éolienne par le secteur privé est aujourd’hui lancée et les pouvoirs publics ont récemment annoncé les décisions suivantes :

• Augmenter l’autorisation de 10 MW à 50 MW.

• Fixer un prix de rachat de l’excédent électrique par l’ONE équivalent à 60 % du prix de vente.

• Ouvrir le réseau électrique pour transporter l’énergie électrique des sites de production aux sites de consommation.

Ce dernier point permet de développer des projets pour les autoproducteurs dont les sites de consommation ne sont pas suffisamment ventés.

Déjà un autre groupe cimentier a signé avec l’ONE pour un projet de 50 MW (10 + 40 MW) à Laayoune et d’autres secteurs (sidérurgie, mines, etc.) s’y intéressent sérieusement.

  • Le Parc éolien d’Essaouira (60 MW)

Implanté sur le site de Cap Sim à 15 km au sud de la ville d’Essaouira, le parc éolien en cours de construction sera d’une puissance installée de 60 MW. La formule choisie n’est pas un BOT dans ce cas, l’ONE ayant obtenu un financement KfW (agence allemande de coopération financière) pour le projet. Après achèvement des études de site et d’impact environnemental, un appel d’offres international pour la réalisation du parc éolien a été lancé par l’ONE en novembre 2004.

Les travaux sont actuellement en cours, pour une mise en service du parc au premier semestre 2007. Le coût global de cet investissement est estimé à 75 millions de dollars.

  • Le projet de Tanger (140 MW)

Ce projet, d’une puissance prévue de 140 MW, sera composé de 165 aérogénérateurs. L’appel d’offres pour la réalisation de ce parc éolien a été lancé en février 2006. En octobre de la même année, le contrat a été attribué à l’entreprise espagnole Gamesa Eolica.

D’un montant de 330 millions de dollars, les travaux dureront dix-huit mois, et la centrale devra être opérationnelle au cours du premier trimestre 2009. Elle sera construite sur une crête montagneuse entre les wilayas de Tanger et de Tétouan, sur les douars de Bni-Mejmel et de Dhar-Saadane. Le financement sera assuré par la Banque européenne d’investissement (BEI), la KfW, un financement espagnol et par l’ONE.

Enfin, l’ONE prépare un autre projet de 100 MW dans la région de Taza.

Objectif : 20 % de l’électricité marocaine sera d’origine renouvelable en 2012.

L’objectif déclaré des pouvoirs publics est d’atteindre 20 % de la production d’électricité par des ressources renouvelables (principalement hydraulique et éolienne) d’ici à 2012. Ceci nécessitera une capacité éolienne de 1 200 MW à cette date. Entre l’ONE qui a programmé 1 000 MW et les autoproducteurs, cet objectif a toutes les chances d’être réalisé.

Les Mécanismes de Développement Propre

Plusieurs projets éoliens ont été inscrits comme projet MDP (Mécanisme de Développement Propre).

La cimenterie Lafarge a même conclu un accord de partenariat avec le Fonds Français pour l’Environnement Mondial pour se faire assister dans les démarches nécessaires à l’enregistrement de cette réalisation comme projet de développement propre au niveau international.

Cette authentification comme projet MDP permet la certification et l’enregistrement des économies de gaz à effet de serre et ouvre droit, dans le cadre des accords de Kyoto, à des crédits carbone. L’ONE a enregistré son projet d’Essaouira (1,5 million d’URCE) et a pu obtenir un prix de l’ordre de 13 $ par tonne de CO2 évité. L’Office prévoit aussi près de 4 millions d’URCE dans le cadre du projet de Tanger (140 MW) et 1,5 million d’URCE dans le cadre du projet de Taza (100 MW).

Projet de dessalement d’eau de mer par énergie éolienne

L’Office National de l’Eau Potable a prévu la réalisation d’une station de dessalement de 70 l/s couplée à un parc éolien de 10 MW. Ce projet qui mobilisera un financement par l’Office de plus de 20 millions de dollars prévoit une sous-traitance de l’exploitation au privé pour une durée de 20 ans. Le projet a d’ailleurs été retenu parmi les projets potentiels pouvant bénéficier du MDP.

Les petits projets éoliens

Les données du vent de la station de mesure de Cap Sim (Essaouira) ont été utilisées pour le montage d’autres projets de petites et moyennes puissances :

• Projet MORENA, qui a permis l’installation d’un système hybride Éolien-Solaire-Diesel (un aérogénérateur de 1 kW, des panneaux solaires de 600 Wc et un groupe diesel de 6 kVA) réalisé dans le cadre de la coopération du CDER avec l’ITC (Îles Canaries) dans le village Ouassen (Cap Sim-Essaouira) pour l’électrification d’une école primaire de deux classes, une mosquée et un dispensaire.

• Projet Sidi Kaouki, qui consiste à installer un système hybride Éolien-Diesel (2 aérogénérateurs de 25 kW et un groupe diesel de 30 kVA) réalisé dans le cadre de la coopération du CDER avec l’ONE, la province d’Essaouira et la fondation « Coopération 92 » (France) dans le village Sidi Kaouki (région de Cap Sim-Essaouira) pour l’électrification de 30 foyers environ et l’éclairage public du village.

Conclusion

Le Maroc a pu, grâce aux nouvelles dispositions prises ainsi qu’aux financements obtenus, relancer la filière de l’énergie éolienne. Avec cette volonté d’atteindre les 1 200 MW de capacité en 2012, une nouvelle opportunité industrielle s’est ouverte. Après la fabrication des mâts, d’autres composants sont étudiés pour une fabrication locale créatrice d’emplois, un atout social qui s’ajoute à l’enjeu environnemental.

Mots-clés

production d’énergie, financement des énergies renouvelables, énergie éolienne


, Maroc

dossier

Énergies renouvelables, développement et environnement : discours, réalités et perspectives (Les Cahiers de Global Chance n°23, avril 2007 en coédition avec Liaison Énergie-Francophonie)

Notes

Saïd Mouline est ingénieur spécialiste des questions énergétiques et environnementales, il est Consultant Manager chez DIESE Consulting, Président de l’Association Marocaine des Industries Solaires et Eoliennes (AMISOLE) et Président de la Commission Environnement à la Confédération Générale des Entreprises Marocaines (CGEM).

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