Benjamin DESSUS, Bernard DEVIN
04 / 2007
Depuis le début des années 2000, les préoccupations concernant le réchauffement du climat et plus récemment la flambée des prix du pétrole et du gaz ont relancé l’intérêt autour des sources renouvelables, mais toujours dans une certaine ambiguïté sur les enjeux réels qu’on peut leur assigner raisonnablement dans les différents pays du monde à plus ou moins long terme. Le consensus affiché au travers des discours politiques sur les enjeux attachés à leur développement n’a pourtant pas conduit dans l’immédiat la plupart des pays développés à un effort public qui puisse se comparer à ceux consentis pour les énergies fossiles ou l’énergie nucléaire.
Comment rendre la discussion possible sur des bases tant soit peu objectives et quantifier peu ou prou les enjeux des différentes énergies renouvelables raisonnablement utilisables à chaque époque et dans chaque région du monde ? Comment juger des dynamiques de pénétration possibles des différentes énergies en cause et de la pertinence des politiques proposées par les uns et les autres au nom du développement et de l’environnement pour en développer l’usage ?
Et d’abord, de quoi parle-t-on ?
On range sous le terme d’énergies renouvelables un ensemble d’énergies inépuisables à l’échelle humaine, la plupart issues de l’activité solaire, mais qui se manifestent à travers des phénomènes physiques très divers.
Une énergie photonique
* l’énergie solaire, qui provient du flux de photons solaires sur la surface terrestre.
Des énergies mécaniques
* l’énergie éolienne qu’on peut tirer de la force du vent qui circule des hautes vers les basses pressions dans l’atmosphère terrestre,
* l’énergie hydraulique gravitaire, qu’on peut tirer de la force mécanique des chutes d’eau,
* l’énergie marémotrice qui tire parti des courants associés aux marées des océans,
* l’énergie des vagues qui tire profit de l’énergie mécanique des vagues, elles-mêmes produites par le vent.
Des énergies thermiques
* la géothermie qui exploite le flux de chaleur qui provient des couches profondes de la terre,
* l’énergie thermique des mers qui exploite les différences de température entre la surface et les couches profondes des mers tropicales.
Des énergies de combustion
* d’un combustible ou d’un carburant renouvelable, qu’on appelle biomasse, tiré de la matière organique (les plantes, les arbres, les déchets animaux, etc.), elle-même fabriquée grâce au soleil par la photosynthèse du carbone. Toutes ces sources d’énergie peuvent être transformées par des moyens plus ou moins sophistiqués en énergie directement utile à l’homme. C’est ce qu’on appelle des « filières énergétiques ». Chaque filière tire parti d’un des phénomènes cités plus haut (photonique, gravité, gradient de pression, chaleur, etc.) à travers des processus de transformation physique pour aboutir à une forme d’énergie directement utilisable par l’homme pour satisfaire ses besoins de chaleur (soit directement, soit sous forme de combustible), d’électricité (pour faire tourner des machines, s’éclairer, alimenter électroménagers et ordinateurs), ou de carburant pour assurer les transports, ce que les énergéticiens appellent les énergies finales. La notion de filière recouvre donc à la fois l’origine de l’énergie mais aussi le besoin final qu’il s’agit de satisfaire.
Cette notion n’est évidemment pas spécifique aux renouvelables et s’applique aussi bien aux énergies fossiles. Quand on dispose par exemple de pétrole, un concentré d’énergie aisément transportable et stockable, on peut à partir de plusieurs filières fournir de la chaleur (à travers une chaudière ou un four), de l’électricité (avec une centrale thermique ou un diesel) ou du carburant pour faire tourner le moteur de sa voiture. Dans le cas des énergies renouvelables, au contraire, des spécificités s’introduisent, des applications privilégiées à des besoins déterminés apparaissent, des impossibilités pratiques aussi, qui viennent restreindre la possibilité pratique d’usage de ces énergies. Et cela, principalement pour deux raisons :
– D’abord parce que ces énergies ne sont pas toutes constamment à notre disposition « à l’état naturel » : le soleil ne brille pas la nuit et s’affaiblit fortement avec les passages nuageux, le vent souffle quand il veut, les barrages ne stockent l’eau que pour quelques mois, les déchets de l’agriculture finissent par pourrir. Comme on ne sait généralement pas bien stocker ces sources d’énergie dans leur état naturel (à l’exception de la biomasse), on n’est pas sûr d’en disposer au moment où l’on en a besoin.
– Ensuite, parce que ces énergies sont dispersées et généralement peu transportables sous leur forme originelle, à l’exception de la biomasse qui se transporte bien. Dans la plupart des cas, il faut utiliser les énergies renouvelables à l’endroit même où elles se manifestent alors que les concentrations de population peuvent s’en trouver éloignées.
La notion de filière énergétique qui établit un lien direct entre le produit énergétique final, voire le service final (par exemple, l’eau chaude dans le cas du chauffe-eau solaire) et l’énergie primaire est donc primordiale pour les énergies renouvelables comme le montre le tableau ci-dessous.
Tableau 1 : Quelles sources pour quels produits énergétiques finaux ?
Ce tableau fait ressortir les points suivants:
Le solaire thermique (les capteurs solaires), la géothermie et la biomasse sous ses différentes formes sont bien adaptés pour répondre aux besoins de chaleur basse température qu’on rencontre dans l’habitat, le tertiaire et l’industrie.
La biomasse et beaucoup plus marginalement le solaire sous concentration sont bien adaptés aux applications de cuisson domestique. Pratiquement, seule la biomasse est bien adaptée aux applications haute température dans l’industrie où elle peut se substituer au charbon.
En ce qui concerne l’électricité hors réseau, on trouve une bonne adéquation entre les besoins et le photovoltaïque pour les applications de puissance inférieure à 1 kW, l’éolien, de quelques kW à une cinquantaine de kW, la biomasse et la petite hydraulique de quelques dizaines de kW à quelques MW. Seules ces deux dernières filières permettent d’éviter un stockage d’énergie sous forme d’électricité puisqu’on peut dans ces deux cas opérer un minimum de stockage de l’eau ou du combustible biomasse.
Pour l’électricité écoulée sur le réseau, la grande hydraulique, les marémotrices, le solaire thermodynamique (centrales solaires à concentration), le solaire photovoltaïque, l’éolien, la géothermie haute température et les diverses filières biomasse sont bien placées. En dehors des problèmes économiques, les limites à cette adéquation résultent de l’aspect fluctuant de la ressource (en particulier pour le solaire et l’éolien) qui pose des problèmes de compatibilité avec le réseau électrique.
Les filières biomasse méthane et les filières cultures énergétiques (biocarburants à base d’alcool ou d’huiles) sont des options sérieuses mais limitées pour l’obtention de carburants automobiles. À plus long terme (vers 2015-2020), les filières de gazéification de la biomasse (déchets organiques agricoles et forestiers) sont susceptibles d’augmenter très fortement cette participation des renouvelables à l’obtention de carburants.
Il est important de garder en tête ces diverses caractéristiques des filières renouvelables quand on se pose la question de leur participation potentielle aux bilans nationaux, régionaux et mondiaux. Alors que les énergies fossiles, et en particulier le pétrole, nous avaient habitués à raisonner uniquement en besoins d’énergie primaire (le nombre de tonnes de pétrole nécessaire pour boucler le bilan énergétique tous usages d’un pays comme la France), il faut, pour quantifier l’apport éventuel des renouvelables au bilan énergétique, entrer dans le détail et partir de la description des besoins (1) locaux.
Il faut donc dépasser un discours global sur les énergies renouvelables et entrer dans une description plus proche de la réalité des enjeux de chacune des filières dans chaque région du globe en tenant compte à la fois des ressources physiques en place, de leurs caractéristiques propres, de l’état des technologies de transformation et des besoins associés à la phase de développement des sociétés susceptibles de les mettre en œuvre.
Lire la suite de cette fiche : Énergies renouvelables : ne pas se tromper de cible, ni au Nord ni au Sud (2)
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