Tout d’abord, quelques chiffrés liés à l’eau (entre autres, provenant des Nations Unies) :
75 % de notre planète est constituée d’eau (400 milliards de Km3).
Seule 2,5 % de cette eau est douce. La majeure partie de cette eau est « prisonnière » des calottes glaciaires (2,086 %), une autre partie est souterraine (0,291 %), une autre se trouve dans les lacs (0,0017 %) ou dans l’atmosphère (0,001 %). Seul 0,01 % est d’accès immédiat pour la consommation humaine. Fort heureusement, il existe le cycle d’évaporation et de précipitations qui, tous les ans, convertit et distribue 500 000 Km3. Toutefois, l’évaporation et les précipitations sont assez irrégulières ; les réserves hydriques varient donc énormément selon les régions.
Il reste près de 9 000 Km3 d’eau douce pour l’homme. C’est insuffisant pour garantir l’accès de 20 milliards de personnes à ce droit de base. Cependant, à l’heure actuelle, 2 milliards de personnes sur 6,1 milliards dans le monde n’ont pas accès à l’eau potable. En 2025, ce nombre devrait atteindre la moitié de la population mondiale. Il y a donc un problème politique, social, écologique et spirituel (1).
En 1950, il y avait 17 000 Km3 d’eau à disposition de chaque personne. En 2004, ce volume est de 7 000 m3.
Voici une déclaration de Ismail Serageldin, Vice-président de la Banque mondiale, en 1995 : « Au XXIe siècle, les guerres éclateront à cause de l’eau et non plus pour le pétrole ou des questions politiques ». Donc : « L’eau sera « l’or bleu » du XXIe siècle ».
Dix pays se partagent 60 % des réserves d’eau, avec le Brésil en première place : 5 670 Km3 au Brésil, 3 904 Km3 en Russie, 2 880 Km3 en Chine, 2 850 Km3 au Canada, etc.
70 % de l’ensemble de l’eau consommée est utilisée en agriculture (principalement par l’agro-industrie d’exportation) ; 20 % de l’eau consommée en agriculture est, effectivement, utilisée par les plantes.
10 % sont réservés à la consommation domestique ; 20 % aux industries.
Le Brésil dispose de 12 % de l’eau douce au monde, mais l’eau est mal répartie dans les régions et surtout, entre les riches et les pauvres. 80 % de l’eau douce brésilienne se trouve dans le bassin amazonien. Les journaux ont abordé un nouveau sujet : les navires maritimes du Moyen Orient qui dégazent dans l’embouchure, à Belém, et ensuite remplissent leurs cales, illégalement, avec de l’eau douce. Vol d’eau pour les régions les plus sèches du monde. Le pays possède un des plus grands lacs souterrains au monde « l’Aquifère Guarani »), dans le sous-sol de huit états : 1,2 millions de Km2. Cette immense réserve d’eau douce est menacée par divers facteurs, tels que les reforestations homogènes d’eucalyptus, à Espíritu Santo (un eucalyptus adulte pompe 700 litres d’eau par jour dans le sol), ou des centaines de retenues et de projets de transport fluvial, l’énorme pollution, l’appauvrissement et la sécheresse. L’irrigation et la fourniture d’eau sont, souvent, entre les mains de l’élite. La privatisation augmente.
L’Europe surtout, depuis les années 80, proteste contre la privatisation de l’eau, la France en tête (actuellement, 75 % de l’eau est sous le contrôle d’entreprises privées, 25 % appartient au secteur public. En 1945, c’était exactement le contraire). Du fait de la privatisation, le prix de l’eau a augmenté de 50 %, entre 1990 et 1994 ; dans certains cas, celui-ci a même triplé.
Les multinationales les plus importantes du secteur de l’eau sont : Vivendi (36,5 %), Suez-Lyonnaise des Eaux (22 %) et Saur (16,5 %). Ensemble, elles détiennent 75 % du « marché de l’eau ». Quelques petits nouveaux sont sur le marché comme par exemple Monsanto. Arguments de la direction : « Il n’y a pas que les semences qui sont essentielles, l’eau l’est également ». C’est pour cette raison qu’après les « semences », ils investissent dans « l’eau ». Ainsi, Monsanto détient déjà une quantité importante d’eau potable… en Inde.
Les multinationales et l’Union européenne ont gagné, avec l’actuel accord-cadre de l’OMC (Genève, 31 juillet 2004), une grande bataille de la guerre de l’eau. Avant le début de l’année 2005, tous les membres de l’OMC devront indiquer leur position en ce qui concerne l’ouverture de leurs marchés pour la « prestation de services ». La « Vente d’eau » est l’un des services les plus convoités. Par exemple, en 2004, le chiffre d’affaires concernant la vente d’eau minérale a été de 920 millions d’euros ; une augmentation de 6 % par rapport à 2003.
Pour conclure, encore quelques chiffres (2) :
Pour produire un kilo de nourriture, il faut plusieurs multiples de ce poids en eau.
pour un kilo de blé : 625 litres d’eau (555 millions de litres par hectare).
pour un kilo de riz : 3 000 litres.
pour un kilo de viande : 100 000 litres (d’autres sources citent 25 000 l/kg).
Pour construire une voiture : 400 000 litres d’eau.
Pour produire 1 kilo de papier : 5 000 litres d’eau.
Un litre de fuel peut polluer 50 millions de litres d’eau.
En résumé : Le soja et l’eau ?
L’explosion des exportations de soja vers la Chine, l’Europe, le Japon et l’Inde concerne, essentiellement, l’exportation de : des terres bon marché, une abondance d’eau et une énergie à trop bas prix. La Chine dispose uniquement de 7 % des terres cultivables au monde, mais abrite 20 % de la population mondiale. Le désert de Gobi, immense territoire au centre nord de la Chine progresse de manière inquiétante. La Chine essaye de contenir la progression du désert et recherche, simultanément, des terres et de l’eau sur d’autres continents. Cela explique ses importants investissements au Brésil, étant donné que le modèle de consommation d’aliments en Chine exige de plus en plus de protéines.
L’Union européenne, avec (dans le passé) ses 15 pays, abrite 6 % de la population mondiale, mais fabrique 20 % des produits laitiers et domine 50 % du marché mondial de ces produits. Cette agriculture intensive est possible grâce à l’importation de l’eau, de la terre et de l’énergie sous la forme d’alimentation animale.
Outre ce fait, la gestion des ressources en eau semble se déséquilibrer, pas seulement dans le bassin amazonien, mais dans toute l’Amérique latine. La nouvelle suivante, du 29 juillet 2004, sonne l’alerte :
« Le déboisement peut avoir de graves conséquences sur l’économie brésilienne.
La destruction de la forêt amazonienne peut entraîner de profonds changements sur le climat de toute l’Amérique du Sud. La désertification au nord du pays pourrait affecter de manière drastique le système hydrologique du continent, en créant de grandes zones arides dans les régions du Centre-Ouest, du Sud-est et du sud du Brésil, responsables de 80 % du PIB brésilien. L’alerte a été donnée hier par le chercheur Antônio Nobre, de l’INPA (Centre nationale de recherches de l’Amazonie). Selon lui, « le bétail et le soja qui arrivent en Amazonie vont coûter très cher au pays ». « Le problème ne réside pas dans le fait que l’Amazonie se transforme en cerrado, c’est beaucoup plus sérieux que cela. On parle d’une possible destruction du cycle de l’eau en Amérique du Sud, de la désertification de São Paulo, du Mato Grosso et du Paraná », a affirmé Nobre. »
(O Globo, 29/7, Ciência, p. 37; GM, 29/7, Meio Ambiente, p. A8; JB, 29/7, País, p. A3)
Des scénarios apocalyptiques ?
Ces cinq à dix dernières années, 300 rivières se sont asséchées dans le cerrado (3), à cause de la culture intensive du soja. Elles sont parmi les plus importants affluents des grands fleuves qui rendent le Brésil aussi riche en ressources hydriques.
Faut-il s’en réjouir ?
Ce n’est pas sans raison que la « fête populaire de la Terre » a choisi l’eau comme thème de cette année. Étant donné que les Brésiliens ont presque tout en abondance (terre, eau, biodiversité, côte, forêts, etc.), ils ne se soucient de rien et gaspillent énormément.
Curitiba est réputée, internationalement, pour être une ville écologique modèle. Une source d’inspiration pour l’urbanisation européenne et nord-américaine. Cependant, « l’empreinte écologique » de la classe moyenne de Curitiba n’est pas moins importante que celle de l’habitant moyen de Flandre.
soja, eau, agriculture d’exportation, gestion des ressources naturelles, commerce international
, Brésil
Des navires qui se croisent dans la nuit : une autre image du Soja
Ce texte est extrait du livre « Navios que se cruzam na calada da noite : soja sobre o oceano » de Luc Vankrunkelsven. Edité par Editora Grafica Popular - CEFURIA en 2006.
Il a été traduit du portugais par Elisabeth Teixeira.
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